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PÉROU Et BOLIVIE.

415

tions de leur pays a exercé sur leur

uaturel une influence qui s'est prolon–

gée jusqu'a nos jours; Les habitudes

d'obéis¡¡ance passive et de respectaveu–

gle pour leurs souverains' jointes

a

la

terreur que leur inspiraient des lois

d'une sévérjté excessive, comprime–

rent chez eµx tout sentiment d'initia–

tive, et disposerent leur esprit a cette

espece d'abrutissement qu'on leur a si

souvent reproché. Toute pensée de re–

bellion contre le monarque et ses dé–

légués ét¡¡nt non-seulement un crime

de lese·majesté, mais encare un sacri–

lége, les sujets s'étaient pea

a

peu ac–

coutwnés

a

une soumission absolue

envers les autorités.

Fa~onnés

a

cette

résignation sans bornes , ils change–

rent de nrnitres sans murmurer, et ré–

porterent sur les Espagnols la vénéra–

tion superstitieuse dont ils faisaieht

profession envers les Incas. lis obéi–

rent aux conquérants comme ils avaieot

obéi aux prétendus enfants du soleil.

lis se

laisserent oppi;irner presque

sans résistance, parce qu'ils voya· ent

dans les Européens des hommes en–

voyés, eux aussi , par leur pere com–

mun. De la cette opinion que les Pé–

r.uvjens étaient un peup)e de laches ,

comnrl'! si les instincts les

J>IOS

énergi–

q~1es

n'étaient pas moditiés par des

idées et des institutions énervantes.

On se ra'ppelle d'ailleurs ce que nous

avons fait observer au sujet de Ja di–

vision des terres et du régime de la

communauté. Nul doute que la certi–

tude d'un bien-etre facilement acquis,

et

l'

extinctlon de toute ambition, comme

de tous dé¡;irs excentriques , daos le

creur des indigenes, n'eu sent puis–

samment contribué

a

plonger les Péru–

viens dans cette indolence. et cette apa–

thie que les historiens oo,t prise pour de

la pusillanimité. Sans doute, nous le

répétons , les Quichuas sont d'un na–

turel docile et éminemment sociable ;

mais de la douceur

a

la lficheté

il

y a

loin; la docilité n'est pas du tout in–

compatible avec le courage.

Les Qµichuas sont hospitaliers en–

vers les étrangers, reconnaissants en–

vers les personnes qui leur ont fait du

bíen

1

'bons peres

de famille, ouvriers

adroits et laborieux. ils oublient dif–

ficilement une offense, mais ne cher–

chent pas les occasions de se venger ;

aussi les crimes sont-ils extremement

rares au Pérou. lis sont généralement

tacitúrnes, etleurphysionomie exprime

une mélancolie qui n'a rien de farou–

cbe, mais qui est le signe caractéristi–

que d'une condition malheureuse. Au

nombre de leurs bonnes qualités, il

faut mettre la sobriété, la résignation

dans les

souff~ances

pbysiques ou mo–

rales, et la discrétion

(*).

Les voyngeurs qui n'ont vu que les

défauts de ces Arnéricains, sans tenir

compte de l'influence abrutis ante de

la servitude, n'ont pM craint d'accuser

les Quichuas de stupidité, et de les as–

sirniler

a

la brute. La Condamine et

son cornpagnon de voyage Bouguer ont

fait des Indiens du Pérou le portrait

le plus repoussant. Ulloa, qui partagea

les traYaux et la gloire de ces deux cé–

lebres acadérniciens , renchérit sur

leur appréciation, et nous montre les

Quichuas sous le jour le plus ignoule.

Nous citerons l'opinion de ce savant

Espagnol, atin que le lecteur sache jus–

qu'ou a pu aller

l'ínju~tice

des écri–

vains qui ont jugé les Péruviens au

point de vue des idées européennes, et

abstraction faite de la situation, alors

si douloureuse, de ces pauvres gens :

" Si on les regarde comme des l1om–

mes, dit Ulloa, les bornes de leur intel–

ligence semblent incompatibles avec

l'excellence de l'ame, et leur imbécil–

lité est si visíble ,

qu'a

peine , en cer–

tains cas, peut-on se fa,ire d'eux une

autre idée que celle qu'on a des ani–

maux. Ríen n'altere la tranquillité de

leur ame, également insensible aux re–

vers etaux prospérités. Quoique

a

demi

nus, ils sont aussi contents que le roí

le plus somptueux dans ses habille–

n1ents. Les richesses n'ont pas le moin–

dre attrait pour eux; l'autorité et les

dignités ou ils peuvent prétendre leur

parai~sent

si peu des objets d'ambition,

qu'un lndien recevra avec la meme in-

(*)

Ulloa rappelle qu'un complot s'est

tl'amé durant trente ans au Pérou, sans

qu'il

y

uit eu un seul déuonciateur.