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L'UNIVERS.
différence l'emploi d'alcade ou celui de
bourreau, si on lui dte l'un pour lui
donner l'autre. Rien ne.peut les émou–
voir ni les faire changer. L'intéret n'a
aucun pouvoir sur eux, et souvent ils
refusent de rendre un petit service,
quoiqu e surs de recevoir une grosse
récompense. La crainte ne faiL aucun
effet sur eux; le respect n'en produit
pas davantage : disposition d'autant
plus singuliere, qu'on ne peut la cban–
ger par aucun moyen. On ne peut ni
les tirer de cette indifféreace, qui est
a
l'épreuve des hommes les plus habi–
Jes, ni les faire renoncer
a
cette gros–
siere ignorance et
a
cette négljgence
insouciante qui déconcertent la saga–
cité de ceux qui s'occupent de leur
bien-etre
(*). ,,
On reconnait dans ce passage toutes
les calomnies que les partisans de l'es–
clava&e ont, de tout temps, prodiguées
aux negres. Ce qu'on a dit des malheu–
reux arrachés aux ri
va
ges de l'Afrique,
et démoral isés par la servitude dans
les colonies, Ulloa et d'autres voya–
geurs l'ont répété au sujet des Qui–
chuas,
1
et en
géné~·al
des indigenes de
l'Amér1que méridion le. On compte
pour rien les effets de l'esclavage, de
la misere, et de l'absence complete d'é–
ducation sur ces l?euples
déshérités.
On impute
a
ces infortunés
d.esimpe -
fections qui sont le résultat d'une si–
tuation humiliante et précaire. On ou–
blie la cause pour ne voir que l'effet,
et l'on punit les Américains des crimes
de leurs oppresseurs. Est-ce
Jil
de la
justice?
Ce portrait des Péruviens , füt-il
exact, ne prouverait que contre les ins–
titutions des Incas et le gouvernement
desEspagnols. Mais tout se réunit pour
prouverqu 'il n'est point fidele. M. d'Or–
bigny, qui a tres-minutieusement ob–
servé les Quichuas sous le rapport phy–
siologique et moral, aflirme qu'i!s
ne sont pas inférieurs en intelligence
aux peuples européens " lis out, dit-il,·
(") Voyage en Amérique ¡JOur déterminer
la forme et la figure de la terre, fail par
ordre du roi d'F..spagne par don George Juau
el Ulloa.
la conception vive, apprennent avec
fa.
cilité ce qu'on veut leur enseigner, et
diverses observations ne permettent
pas de douter qu'ils n'aient tout ce
qu'il faut pour faire un peuple éclairé.
»
A défaut de ce témoignage, nous trou–
verions dans l'histoire du Pérou mille
preuves de l'aptitude des Quichuas
pour !'industrie , les arts et les scien–
ces qui conduisent
a
la vraie civilisa–
tion. Certes, un peuple qui a bati des
monuments grandioses et somptueux,
qui a monti'é une
~rande
habileté dans
les procédés d'agriculture, qui savait
fondre et travailler les métaux, qui s'é·
tait rendu compte- de l'année solaire,
qui était parvenu
a
déterrniner les équi–
noxes et les solstíces, qui avait inventé
toutes les séries de nombres nécessai–
res aux combinaisons de l'arithméti–
que, qui enfin avait fait tout ce que
nous avons énuméré dans notre exposé
de la civilisation péruvienne; un te!
peuple peut,
a
bon droit, füce proclamé
éminemment intelligent, et ce n'est pas
sa faute si les .Esp<1f;nols ont , par un
despotisme avilissartt, altéré ses bel les
facultés , arreté l'essor de ses nobles
ir.stincts, et oblitéré ses heureuses ap–
titudes.
Nous n'en dirons pas davantage sur
les Quichuas. Tout ce que no
us aurionsii
ajo1,1ter pour compléter la physio.no–
mie de ce peuple, a déja trouvé place
dans le t ableau de l'empire du Pérou
sous la domination des locas. Nous
y
renvoyons done le lecteur.
AYMARAS. Plusieurs circonstances
significati ves, et les assertions des his–
toriens en crédit, font présumer que
la nation aymara fut le berceau de la
civilisation péruvienne. Ce peuple mé–
rite done toute notre attention.
Les Aymaras habitaient, antérieure–
ment
a
l'établissement de la dynastie -
des Incas, une contrée voisine du Jac
de Titicaca. Or , c'est de ce lac que
sortirent, comme on l'a vu, Manco Ca·
pac et sa compagne. Attaqués une pre–
miere fois par le troisieme inca, Lloque
Yupanqui, assaillis de nouveau par les
Quichuas, sous le regne de l\'la"ita Ca·
pac, quatrieme roi de Cuzco, les Ay–
maras ne furent définitivement soumis