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L'UNIVRRS.
rait avec beaucoup de force a former
le caractere national. Mais au Pérou,
tout le systeme civil était basé sur la
religion. L'Inca n'.était pas
s~ulem~nt
un législateur, rnais un envoye du c1el.
Ses préceptes étaient
re~us,
non com–
me les ordres d'un supérieur, mais
comme des oracles sortis de la bouche
d'une divinité. Sa famille était sacrée,
et pour la tenir séparée et sans aucun
mélange impur d'un sang moins pré–
cieux , les e.nfants de Manco Capac
épousaie11t
leurs propres soours , et
aucun ne pouvait monter sur le trone,
sans prouvct· sa descencl ance des seuls
enfants du soleil. C'était la le titre de
tous les descendants de l'Inca, et le
peuple les
re~ardait
avec le respect dt1
a
des etres <l'un ordre supérieur. On
croyait qu'Hs étaient sous la protection
iminédiate de la divinité qui leur avait
donné naissance, et que toutes les vo–
lontés de !'Inca étaient celles de son
pere le soleil. Deux effets résultaient
de cette influence de la religion sur le
gouvernement. L'autorité de !'Inca
était absolue et illimitée dans toute la
force de ces termes. Lorsque les <lé–
crets d'un souverain_ sont regardés
comme des commandcments de la di–
vinité, c'est non-seulement un aéte de
révolte, mais encore un acte d'impiété,
de s'y opposer. L'obéissance devient
un devoir de religion ; et comme ce
serait un sacrilége de blamer l'admi–
nistration d'un monarque qui est im–
médiatement sous la direction du ciel,
et ·une audace présomptueuse de lui
donner des avis,
il
ne reste plus qu'a
se soumettre avec un respect aveugle.
Tel doit etre nécessairement le prin–
cipe de tout gouvernement établi sur
Ja liase d'un commerce avec le ciel.
De la aussi la soumission des Péru–
viens envers leurs souverains; les plus
puissants et les plus élevés de leurs
snjets reconnaissaient eu eux des etres
d'une nature supérieure; admis en leur
présence, ils ne se présentaient qu'a–
vec un fardeau sur les épaules, comme
un embleme de leur servitude, et une
disposition
a
se soumettre a toutes les
volontés de !'Inca. 11 ne fallait au
monarque aucune force coactiva pour
"
faire exécuter ses ordres. Tout officier
qui en était chargé était l'objet du res–
pect
du peuple, et, selon un observa–
teur
judicie.uxdes mceurs des Péru–
viens
(*),
il pouvait traverser l'empire
d'une extrémité
a
l'autre, sans ren–
contrer le moindre obstacle; car en
montrant une frange du
borla,
orne–
ment royal de l'Inca,
il
<levenait le
maltre de la vie et de la fortune de
tous les citoyens. 11
faut regarder
comme une autre co_nséquence de cette
liaison de la religion avec le gouver–
nement, la peine de mort infligée
a
tous les crimes. Ce n'étaient plus des
désobéissances
a
des lois hurnaines'
mais des insultes
a
la divinité. Les
fautes les plus légere-s et les crimes les
plus atroces appelaient la meme ven- .
geance sur la tete du coupable,· et ne
pouvaient etre expiés que par son
sang. La peine suivait la faute inévi–
tablement, parce qu'une offense envers
le ciel ne pouvait en aucun cas etre
pardonnée
(u).
Parmi:des nations aéjil
corrompues, des maximes si séveres,
en conduisant les bommes a la féro–
cité et au désespoir, sont plus capables
de multlplier les crimes que d'en dimí"
nuer le nombre. Mais les Péruviens ,–
avec des mceurs simples et une crédu–
lité aveugle, étaient contenus daos une
telle crainte, que le nombre des fautes
était extremernent petit. Leur respect
pour des monarques éclairés et guidés
par la divinité qu'ils adoraient, les
maintenait dans le devoir, et la crainte
d'une peine qu'ils étaient accoutum6s
a
regarder COIJJIDe un chatiment inévi–
table de l'offense faite au ciel, les éloi-
gnait de toute prévarication.
»
.
Nous avons cité tout au long cepas–
sage de Robertson, parce que l'auteur
de l'
Histoire d'Amérique
nous parait
avoir judicieusement apprécié les ré–
sultats d'un gouvernement uniquement
fondé sur une eroyancereligieuse, sin–
cere et inébranlab1e. 11 n'est pas dou–
teux que Manco Capac n'eut prévu les
conséquences de son systeme, et cela
seul prouve la haute intelligence de c_e
e·)
Zarate' lib. I, cap.
XUI.
(*•)
Garoilasso de la Vi'ga, lib. II, cap.
VI,