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L'UNIVERS.
pieds du roí des
Espa~nols
et se. re–
connaissait son tributa1re. En pronon–
~ant
ces derniers mots, son creur se
lirisa, et sa voix &ffoiblie expira dans
des sanglots étouffés. La douleur de
son noble audito!re ne
fut
pas moins
vive; morne, silencieux, indigné, il n'é–
t ait contenu que par son respect pour
la majesté royale. Enfin, le plus an–
cien des chefs prenant
la parole :
" Prince, <lit-il, vous nous annoncez
que ·les dieux vous ordonnent d'abdi–
quer, et uous font sujets d'un nouveau
seigneur. Comrne une derniere preuve
<l'obéissance, nous nous soumettons
a
l'arret que les tl ieux nous font enten–
dre par votre bouche.
»
-A la suite de cet acte de vasselage,
Cortes réclama de l\1octezuma, comme
/
conséquence de sa nouvelle position, .
un certain tribut en or et en argent.
Moctezuma,
ave.C
une munificence
t óute royale, lui abandonna le trésor
du roi son pere que
l~on
conservait
dans le paluis meme ou logea it Cortes,
et irnquel ce dernier n'a valt point tou–
cbé. On fit d'abord la part du roi d'Es–
pagne, et le r este
fut
p1·oportionnelle–
ment partagé entre le général en chef,
ses officie1:s et ses soldats. Cortes eut
pour sa part p.lus de cent mille du–
cats.
Jusqu'alors rien n'avait troublé l'é–
t onnank prospérité des Espa1?nols;
t out le
l\Ie~ique
leur semblait paisible ;
mais les
jours d'adversité n'étaient pas
loin , la
Provitlen.ceaHait enfin leu r
faire acheter par un.e lutte :icharnée
et sanglante
la possession de cette
gramlecontrée. M.octezurna, qui s'était
préte si facilement
a
toutes les ex igen–
ccs de Cortes, ne montra[t de ferrneté
que sur ce qu i tou chuit sa religion .
Sans égard aux pi:ieres, sans crainte
des menaces, il r ejetait toute proposi–
tion de changer de culte avec. l'infl exi–
bilité d'un homme profond ément con–
vaincu. La superstition était gravéefort
avant da-ns le creur des 1\1.exicains ; leur
r eligion, établie sur un systeme complet
et régulier, ne r ess-emblait en rien
a
celles des peuµles grossiers des autres
parties de
1'
Amérique du
ord, ou des
différentes 1les
de"
l'archipel des An-
tilles. Ces uerniers abandonnaient
ai–
sément un petit nombre de notions et
de cérémonies religieuses
trop peu
fixes et trop arbitraires pour mériter
le nom de religion nationale. Les Mexi–
cains au coutraire restaient obstiné–
ment attachés
a
leur coite' quelque
barbare qu'il füt, parce <],u' il était ac–
compagné d' une solennite et pratiqué
avec une régularité qui le rendaient
respectable
a
leurs yeux.
Ce fut 1'ers le cinquieme ou sixieme
mois de J'occupation, que Cortes, tlans
un de ces acces de zele religieux dont
nous luí avons vu tant de fois donner
Je triste spectacle, se porta de sa per–
sonne dans le sanctuaire du grand
temple, et faisant briser les idoles des
dieux mexicains les
remplíf~a
par un
crucifix et les
images de la Vierge
et des saints. Depuis longtemps il
avait fait construire une cha pelle dans
l'intérieur de son quartier, ou l'on di–
sait la messe tous les matins. Dans sa
cour et en vue de -tout le monde, il
avait fait éle1'er une grande croix
comme celle de no. missions. 11 saisis–
sait toute les ocoasions d'insulter aux
symb~les
révérés du culte mexicain. Ces
actes divers d'un fonatisme fort impo–
Jitique et les avanies qu'avaient
a
sup–
porter les principaux habitant eurent
pour résultat de réunir en un seul fais–
ceau la haine et l'opposition des pre–
tres et de la noblesse, ces véritables
patriotes du Mexique. La mesure était
comblée
j
tout·le monde
a
l\lexico sem–
blait se réveiller d'une longue léthar–
gie. Les mécontents se groupaient aa –
tour des grands du roya ume dépossédés
de leurs emplois, et de tous les chefs
militaires de quelijue valeur, honteux
de l'avilissement de leur patrie et de
lenr souverain. Dans de· secrets con–
ciliabules s'agitaient
les moveos de
r ésistance. Une vaste
consjJiration
s'organisait contre la tyrannie de l'é–
tranger non-seul ement dans la capitale,
mais dans la plupart des villes impor–
t antes voisines ; différentes entreYues
ad.roitement ménagées avaient lieu en–
tre l\loctezuma et les personnages les
plus marquants. Ceux-ci n'oubliaient
rien pour luí r endre quelque énergie.