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L'UNIVERS.

n'était point partagée par le peuple;

sa douleur'

a

lui ' était bruyante et

menaqante; elle s'exhalait en irnpré–

cations contre les ravisseurs <lu roí;

<le toutes parts ce peuple indigné vou–

Jait courir aux armes pour punir les

étrangers de leur sacrilége

!..

Mocte–

zuma, leu r prisonnier, pouvait seul

les protéger; il Je

fit :

soit

a

leuril

prieres ' soit en obéissant

a

leurs me·

naces, il annonca

a

la foule exaspérée

que c'était volon'tairement qu'il s'était

r endu au milieu <les Espagnols, qu'il

avait foit choix de leur rés1dence pom·

y

établir sa cour, et qu'il se proposaít

de passer quelque temps avec eux. Tout

cela

fut

<lit d'un air ca lme, d' un visage

riant , et la multitude, accoutumée

a

respecter ' les vo lontés du roi, se dis–

persa tranquillement.

.

Ce

fut ainsi qu'un puissant mo–

narque se vit , au milieu de .sa ca–

pitale, saisi , en plein jour, par uñe

poignée d'étrangers, et emmené pri·

sonnier sans résistanc<: et sans com–

bat. L'histoire ne présente rien qu'on

puisse cornp;irer a cet événement, soit

par la trméri té. de l'enti·epri e, soit

pl)ur le s11cces <le l'executioQ; et si

toutes les circonstances de ce foit ex–

traord'inaire n'étaient pas constatées

par les témoignages les plus authen–

tiques, elles paraltraient si extrava–

gantes et si inr.ro.vables qu

1

on n'y trou·

verait pas le degré de vraisemblance

nécessaire pour les admettre, meme

dans un roman. La vie <le l\loctezurna,

dans son honorable prison, fut

a

peu

pres celle qu'il menait dans son an–

cien palais

j

la meme étiquette

y

füt

admise, le meme cérémonial obserl'é.

Ses ministres, ses courtiS'ans, et les

principaux seigneurs de sa noble se

venaient travailler al'ec lui ou lui faire

Jeur cour cbmme d'habitu<le. On lui

soumettait les affaires d'État comme

aux jours de son ind épendance; on le

servait

a

tuble avec le meme appa–

reil, avec la mtime magnificence et

les memes prodigalités, et lui conser–

vait reli gieusement les traditions d}l

Ja couronne; seulement ce n'était plus

a

ses sujets qu'il envoyait les restes

de sa table, mais aux soldats espagnols.

11 se réconcilia bient&t avec sa des–

tinée; son nouveau genre de vie ne

lui parut point <lésagréable; il finit

par se plaire clans la société de ses

geilliers.

11

s'attacha su.rtout

a

ceu-x

d'entre les Espagnols qui lui pai:ais–

saient les plus d1stingués par Ja nais–

sance, les manieres, les talents et les

qualités de !'esprit. Mais entre tous,

Cortes et Pedro de Alvarado, remar–

quable par les graces <le sa personne,

par son a<lresse

a

tous les exereices,

par la gaieté <le son caractere, étaient

ses favoris; il se plaisait

a

jouer avec

eux

a

un certain jeu nommé

bodocque,

et

a

montrer sa libéra lité en <listri–

buant,

sur~le.-champ,

tCJut ce qu'il ga–

gnait aux soldats espagnols. Cortes, de

son coté, avait granel soin que son illus–

tre prisonnier füt traité avec le plus

profon<l respect. On le vit, dans une

certaine occasion, punir avec la <ler–

niere rigueur un soldat qui avait parlé

du roi avec irrévérence. JI mettait

tout en reuvre pour rendre la retraite

de Moctezurna non-seulement suppor–

tmble, mais encore agréable. Cha–

que jour son influence sur l'esprit

du u1onarque déchu allait croissant.

Ceux qui n'avaient pas vu 1\locte1m111a

dans tout l'éclat de sa pui sanee au–

raient eu JJei ne

a

reconnaitre en lui

un malbeureux prisonnier. Cortes

laissait. le pau vre prince

isiter ses

temples, ses maisons de campagne, ·

ses l!eaux jardins de Chapoltepec. Il

trouvait bon qu'il allat

a

la chasse,

a

Ja peche dans son canot royal sur le

lac. l\1ais dans toutes ses sorties l\Ioc–

tezúma

était accompagné par des sol–

dats et des ofüciers espagnols qui ne

le perdaient pas de vue un seul instant.

Toutefois, cet état de choses, qui res–

se111blait

a

de la résignation d'un coté,

et de l'autre

a

de la pitié re pectueuse

et intéressée, fut troublé par un évé–

nement qui rendit la clestinée de l\loc–

tézuma plus amere' et étendit pour

lui le cercle des humiliJtions. Quin:ze·

jours s'étaie11t écoulés <lepuis on em–

prisonnement lor qu'on

annon~a

l'ar–

rivée du général mexicain qui avait

combattu les Espagnols de la Vera.–

Cruz. A la réception de l'ordre de sou