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96

L'UNIVERS.

pour palais; la , des insulaires pres–

que daos l'état de nature, presque

nus sous un chaud climat, passant leu r

vie dans un doux repos, et trouvant

dans une culture facile et uue indus-·

trie sauvage tout ce qui pouvait sa–

tisfaire le petit nombre de leurs be–

soins.

C'était un tout autre spectacle daos

la ville de l\íoctezuma; c'étnit nne

civilisation toute particuliere' a la–

quelle les-compagnons de Cortes étaient

loin de s'attendre. Cette circonstan–

ce , en . influan

t

sur leur

ju~ement

,

dut les entralner dans une vo1e d'exa–

gération qui semble toute naturelle a

leur position, et si l'on ajoute qu'ils

n'avaient, pour nommer les objets nou–

veaux qui frappai ent leurs regareis, que

des termes employés en Europe pour

exprimer les details d'un ordre social

enti erement différent, on s'expliquera

fac-ilement les erreurs

qu~ils

ont pu

commettre clans le tableau de la cour

du monarque ; a eux done appartient

la responsabi lité de cette pe\nture qui

a qu elque chose d'o11iental et de fan–

tastique.

Chaque matin six cents seigneurs

feudataires se rendaient nu pnlais ve–

tus simpiement, parce gu'il était dé–

fendu lle se présenter devant le roi

da ns de ri ches babi ts, nus pieds, par–

ce qu'il était ordonné .a tont homme

qui entrait daos la demeure royale de

laisser ses chaussures

il

la porte exté–

rieure. Ces nobles venaient passer la

journée daos l.!)s antichambres. lis s'y

tenaient si lencieux ou ne parlaient qu'a

voix basse. Introduits devant le monar–

que, ils se prosternaient trois fois, di–

sant au premier salut: Seigneur; au se–

cond : Monseignenr; et au troisieme:

Baut et puissant seigneur. lis lui adres–

saient ensuite leurs suppliques, ou luí

demandaientses ordres la tete baissée,

dans l'humble attitucle d'un esclave. La

réponse du roi était transmise par un

de ses secrétaires. Celn fait, les nobles

se retiraient a reculons et sans lever

les yeux.

Cette salle d'audience mérite bien un

coup d'reil. C'était la salle

a

manger,

oú nous voyons le monarque assis sur

un fauteuil fort has devant un large

coussin, espece de di van qui luí servait

de table. Nappes, serviettes ,- essuie–

mains en toile de coton d'une ei.treme

finesse, éclataient de blanchen r. Si nom–

breux étaient les plats du dlner roval,

qu'ils couvraient une bonne partie' du

plancher de la grande salle. Gibier,

poissons, légurnes, fruits, s'y mon–

traient nppl'etés de uiille manieres, tant

l'art de cette cuisine éta it varié dans ses

ressources. Des coupes d'or ou des co·

quilles de mer artistement travaill ées,

les unes pleines de chocolat, les autres

d~

di verses liqueurs de cacao, ornaient

ce pompeux ser\(ice. Quatre

cent~

jeu–

nes seigneurs -servaient de laquais; ils

apportaient les plats, les présentaient

a Sa

l\T

ajesté, et se retiraient aussitót

qu'elle était assise. Le roi indiqnait

avec une ba¡;;uette celui dont il voulait

manger, et le surplus était distribué

aux nobl es que nous avons vus dans

l'antichambre. Quatre jeunes femmes,

six miBistres et l'écuyer tranchant, as–

sistaient au dlner du roi. Cet officier

avait cha-rge de fermer la porte aussitót

que le roí avait pris place a table, afio

que personne ne pút le voir manger.

Nu l des assi tants ne luí adressai-t Ja

parole. Les dan'les et l'écuver tr:mchant

le servaient et lui préseniaient le pain

de ma"is cuit avec des reufs. On lui fai–

sait de la musique pendant le répas,

ou quelques bouffons d'office, nains oü

bossus, le divertissaient par des bis- •

toires plaisantes et de joyeux propos.

Moctezuma disait qu'a travers leurs •

folies il découvrait sou"ent d'utiles

renseignements, et des révélations im- '

portantes dont il faisait son profit; in- '.

génieux moyen probablement ernployé

pour faire arriver jusqu'a lui des véri–

tés que les bommes d'Etat n'avaient

osé luí faire entendre, et qu'il etlt

trouvées

fo\t

inconvenantes et tres–

punissables dans la boucbe de sujets

loyaux et dévoués.

Apres Je dlner, on Tui présentait une

grande pipe de roseau richeme11t gar–

nie, et

il

s'endormait en fumant. A

son réveil, il recevait les grands du

royaume, puis des poetes musiciens lui

chantaieot les exp!oits de ses nncetres