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L'UNIVERS.
pour palais; la , des insulaires pres–
que daos l'état de nature, presque
nus sous un chaud climat, passant leu r
vie dans un doux repos, et trouvant
dans une culture facile et uue indus-·
trie sauvage tout ce qui pouvait sa–
tisfaire le petit nombre de leurs be–
soins.
C'était un tout autre spectacle daos
la ville de l\íoctezuma; c'étnit nne
civilisation toute particuliere' a la–
quelle les-compagnons de Cortes étaient
loin de s'attendre. Cette circonstan–
ce , en . influan
t
sur leur
ju~ement
,
dut les entralner dans une vo1e d'exa–
gération qui semble toute naturelle a
leur position, et si l'on ajoute qu'ils
n'avaient, pour nommer les objets nou–
veaux qui frappai ent leurs regareis, que
des termes employés en Europe pour
exprimer les details d'un ordre social
enti erement différent, on s'expliquera
fac-ilement les erreurs
qu~ils
ont pu
commettre clans le tableau de la cour
du monarque ; a eux done appartient
la responsabi lité de cette pe\nture qui
a qu elque chose d'o11iental et de fan–
tastique.
Chaque matin six cents seigneurs
feudataires se rendaient nu pnlais ve–
tus simpiement, parce gu'il était dé–
fendu lle se présenter devant le roi
da ns de ri ches babi ts, nus pieds, par–
ce qu'il était ordonné .a tont homme
qui entrait daos la demeure royale de
laisser ses chaussures
il
la porte exté–
rieure. Ces nobles venaient passer la
journée daos l.!)s antichambres. lis s'y
tenaient si lencieux ou ne parlaient qu'a
voix basse. Introduits devant le monar–
que, ils se prosternaient trois fois, di–
sant au premier salut: Seigneur; au se–
cond : Monseignenr; et au troisieme:
Baut et puissant seigneur. lis lui adres–
saient ensuite leurs suppliques, ou luí
demandaientses ordres la tete baissée,
dans l'humble attitucle d'un esclave. La
réponse du roi était transmise par un
de ses secrétaires. Celn fait, les nobles
se retiraient a reculons et sans lever
les yeux.
Cette salle d'audience mérite bien un
coup d'reil. C'était la salle
a
manger,
oú nous voyons le monarque assis sur
un fauteuil fort has devant un large
coussin, espece de di van qui luí servait
de table. Nappes, serviettes ,- essuie–
mains en toile de coton d'une ei.treme
finesse, éclataient de blanchen r. Si nom–
breux étaient les plats du dlner roval,
qu'ils couvraient une bonne partie' du
plancher de la grande salle. Gibier,
poissons, légurnes, fruits, s'y mon–
traient nppl'etés de uiille manieres, tant
l'art de cette cuisine éta it varié dans ses
ressources. Des coupes d'or ou des co·
quilles de mer artistement travaill ées,
les unes pleines de chocolat, les autres
d~
di verses liqueurs de cacao, ornaient
ce pompeux ser\(ice. Quatre
cent~
jeu–
nes seigneurs -servaient de laquais; ils
apportaient les plats, les présentaient
a Sa
l\T
ajesté, et se retiraient aussitót
qu'elle était assise. Le roi indiqnait
avec une ba¡;;uette celui dont il voulait
manger, et le surplus était distribué
aux nobl es que nous avons vus dans
l'antichambre. Quatre jeunes femmes,
six miBistres et l'écuyer tranchant, as–
sistaient au dlner du roi. Cet officier
avait cha-rge de fermer la porte aussitót
que le roí avait pris place a table, afio
que personne ne pút le voir manger.
Nu l des assi tants ne luí adressai-t Ja
parole. Les dan'les et l'écuver tr:mchant
le servaient et lui préseniaient le pain
de ma"is cuit avec des reufs. On lui fai–
sait de la musique pendant le répas,
ou quelques bouffons d'office, nains oü
bossus, le divertissaient par des bis- •
toires plaisantes et de joyeux propos.
Moctezuma disait qu'a travers leurs •
folies il découvrait sou"ent d'utiles
renseignements, et des révélations im- '
portantes dont il faisait son profit; in- '.
génieux moyen probablement ernployé
pour faire arriver jusqu'a lui des véri–
tés que les bommes d'Etat n'avaient
osé luí faire entendre, et qu'il etlt
trouvées
fo\t
inconvenantes et tres–
punissables dans la boucbe de sujets
loyaux et dévoués.
Apres Je dlner, on Tui présentait une
grande pipe de roseau richeme11t gar–
nie, et
il
s'endormait en fumant. A
son réveil, il recevait les grands du
royaume, puis des poetes musiciens lui
chantaieot les exp!oits de ses nncetres