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¡86

EL 1

·eelle d'

E Li{aheth ;

mais pour cenx qui préferent

l'éclat de la viétoire aux vertus pacifiques, la pomp_e

fafi:ueufe des conquérans

a

la bienfaifance des

fOlS

{ages

&

modérés , 1'Aogleterre n'a point eu de fou–

verain qui puiífe entrer en parallele avec

Eli{_abetlz,

qui réunit aux talens des héros les vafi:es. coll:–

noiffances qui font les légitlateurs ; ce qm dolt

encore ajouter

a

l'admiration de la poítérité, ce íont

les circonfrances o1r

{e

trouvoit le royaume lors de

{on avénement au trone, c'efi la fituation violente

&

pénible de la narion lors de la mort de la fangui–

naire Marie. Que l'on fe repréfente 1'Angleterre

énervée, épuifée par les folles dépenfes

&

les ca–

prices tyranniques de H enri ViU; agitée, déchirée

par le choc des faétions fous le malheureux Edouard;

opprimée, défolée , flétrie par les profcriptions

&

l'inflexibilité de Marie. Qu€ l'on fe repréfente la

gloire du fc eptre ternie par la pene de plufieurs

villes qui étoíent rentrées fous

la

domination Fran–

~oi(e,

&

par les fucces éclatans des Ecoffois, qui,

foumis

&

tremblans

au~refois,

avoient

brifé

le joug,

&

a

leur tour étoient devenus redoutables en s'al–

liant avec la France. Enfin, que l'on fe repréfente

1'

Anglete'rre preífée dans le meme tems, au dehors

par fes ennemis, au dedans par l'abus de la puiífance

royale gui tendoit au defpotifme le plus oppreffif,

ppr

les tureurs

&

les exces les plus monfirueux de

l'intolérance ; foible, accablée, fans appui;

&

l'on

v~rra

qn'il ne ponvoit

y

avoir qu'un génie élevé,

un efprit vafie

&

ft.!cond en reífources, une fermeré

inébranlable ,

&

fupérieure anx o bftacles en appa–

rence les plus infttrmontables; en un mot, qu'il n'y

.....-

avoit qu'une ame au-deífus du commun, qui ptrt

arreter les fléaux qui menas:oient la patrie' réparer

{es

_difgraces paffées, diíl1per les malheurs aétuels

&

s'oppoíer

a

ceux qui fembloient annoncerfa

·

pro.chaine. Ces ralens fupérieurs formoient le ca–

raétere

d'E!i{_abeth,

qui forcée de fe contraindre

pendant la trop longue durée du dernier regne,

avoit couvert du voile de l'indifférence le fenfible

intér"t qu'elle prenoit

a

l'oppreffion des peuples'

dont elle avoit juré de faire le bonheur.

Filie de Henri VIII

&

de l'infortunée Anne de

Boulen,

Eli{abeth

née le 8 Septembre .r 533, avoit

d'abord res:u, par les foins

&

' fous les yeux de

Henri VUI, l'éducation la plus brillante: l'étude des

belles-lettres avoit rempli fes premieres années;

&

le gout qu'elle pri-t pour la lirtérature , la confola

pendant fa jeuneffe de la dureté de l'efpece de pri–

{on oü la jaloufe vigilance de Marie fa freur la

retint jufqu'au dernier jour de fon regne. Les ri–

gueurs outrées de Marie

&

fon intolérance tou–

jours prete

a

porter des arrets de mort,

a

profcrire'

a

envoyer les Protefians fur l'échaffaud , avoient

depuis long-tems ulcéré l'ame compatiífante

d'Eli–

zabeth'

qui attribuant par erreur le fanatifme de

Marie aux dogmes du catholi:ifme, avoit abjuré en

fecret la religion dominante,

&

embraífé les dogmes

du protefiantifme: ·mais la crainte d'irriter la dé–

votion de fa fceur, luí avoit fait diffimuler fes vé–

ritables fentímens;

&

elle étoit reíl:ée catholique

en apparence' jufques

a

ce que raífurée par la mort

de Marie, el1e leva le mafque , en montant ·fur le

treme, le

17

Novembre

1

55 8, & fe déclara haute–

ment protefiante décidée. Les premiers foins q\ü

l'occuperent , fment tres - embarraffans , par les

grandes difficultés qu'elle eut

a

furmonter. Elle

<JVOÍt en meme tems

a

prendre des mefures contre

Henri

Ir,

roi de France, qni avoit fai.t déclarer roí

d'Angleterre le dauphin fon fils, en vertu du ma–

riage qu'il avoit contraété avec Marie Stuart, reine

d'EcofTe;

&

a

écarter les prétentions de Philippe II,

roi d'Efpagne, qui

paroiífoi~

déterminé

a

foutenir

fes

~roits,

en qualité d'époux de Marie , derniere

EL I

reine de la Grande-Bretagne. Mais l'objet le plus

important étoit de commencer par affermir fa puif–

fance;

&

dans cette vue elle fe rendit

a

Londres,

·ou en fe faifant couronner folemnellement par

l'archeveque d'Yorck, elle promit de défendre la

religion cathoiique,

&

de conferver les privileges

des églifes; ferment que les circonítances la for–

cerent de prononcer, comme le célebre Gnfiave–

Vafa promettoit, a-peu-pres daos le meme tems,

devant les états de Suede , de refpeél:er les privi–

leges abufifs des év'&c¡ues qui bleífoient l'autorité

royale'

&

qu'il fe propofoit a'anéantir auffi-tot que

le teros, l'occafion,

&

fur-tout fes fujets plus do–

cites, pourroient le lui permettre.

Eli{abeth

penfant comme Vafa, fe conduifit avec

autant de diffimulation,

&

fe promit en fecret de

violer fes fermens aufli-tot que les circonílances lui

laifferoient la liberté d'opérer les grands changemens

qu'elte fe propofoit de faire dans toutes les parties

de l'adminifiration.

Cependant, Philippe

li,

ambirieux de réunir le

fceptre Anglois

a

la couronne d'Efpagne, fit deman–

der la main

d'ELi{abetlz

par le comte de Féria, fon

ambaffadeur

a

Londres. Cette propofition étoit

odieufe

a

la reine' foit par la haine infurmontable

qu'elle avoit pour Philippe, foit

a

caufe de la dif–

férence de religion qui rendoit cette union incom–

patible : mais fa fituation ne lui permettoit point de

dévoiler fes fentimens : l'amitié de Philippe étoit

alors pour elle d'autant plus importante,

qt~'elle

ne

pouvoit attendre la reítitution de Calais, que du zele

&

de la fermeté que montreroient les plénipoten–

'ttatres Efpagnols dans le congres de Cateau·Cam–

breíis : elle cliffimula , donna une réponfe vague,

rétexta des fcrupules fur les liens de parenté qu'il

avoit entr'eux ; elle montra des craintes fur les

di:fficultés que feroit la cour de Rome, qui

~e

con–

fentiroit jamais que le roi d'Efpagne épousat fuccef–

fivement les deux freurs. Les vrais motifs de ces

détours n'échapperent point

a

Philippe , qui,

Óf–

fenfé du refus, abandonna les intérets de l'Angle–

terre,

&

fit fa paix avec la France, fans infúler,

comme il l'avoit fait jufqu'alors, fur la refiitution

de Calais

&

de Guines.

Eli{abeth

peü fenfible

a

- cette marque de reffentiment, ne tarda point auffi

a

faire avec la France une paix avantageufe. Daos

le

traité que fes miniílres conclurent avec ceux de

Henri

li,

il fut fiipulé .que pendant huit années

Calais refieroit aux Franc;ois, qui remettroient alors

cette place

a

l'Angleterre,

a

moins que pour en

conferver la poffeffion·, la France n'aimih mieux

payer la

{o

mme de cinq cens...mille écus: traité

q~i

violé trois ans apres par l'entreprife des Anglois fur

le Havre-de-Grace , affura pour jamais a la France

la poífeffion de Calais.

Raífurée contre les projets des pu,iffances

étran~

geres,

Elitabeth

{e

livra toute entiere aux foins

dll

gouvernement,

&

fur-tout aux moyens d'achever

&

de rendre fiable l'établiífement de la réforma–

tion. Afin que rien ne s'opposat

a

cette grande inno–

vation, eUe crut que les plus fages. mefures qn'elle

eftt

a

prendre contre l'Ecoífe , gouvernée par les

princes de Guife {ous le nom de la régente leur

fceur, étoient d'allumer, en accordant fa proteétion

aux Proteítans Ecoffois, le feu de la difcorde, qui

divifant entr'eux les habitans de ce royaume , les

mettroit dans l'impuiífance de s'oppofer

a

l'exécu–

tion du plan de la réformation. La nouvelle doc–

trine fit des progres auffi rapides en

Anglet~rre

qu'en Ecoífe. Dans ce dernier royaume, •la Régente

s'oppofa au chanaement qui s'opéroit: mais, malgré

le fecours d'un c

0

orps de troupes

Fran~oifes

que les

princes de Guife lui fournirent , la réformation

s'établit par les foins

d'Eli{_abeth,

qui s'en étant