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1

322

CHA

de

t el ou

de tel caraaere , comme la gaieté, la

mé-–

l ancolie, la volupté,

Ere.

mais fouvent auffi la danfe

eft pantomime,

&

fe propofe l'imitation précife

& ·

propre d'un perfonnage

&

de fon aétion ; il en efr de

m eme du

chant.

Que la

mufi~ue

infuumentale flatte l'oreille, fans

préfenter

a

l'ame aucune image difiinéte' aucun

n–

timent décidé ,

~

qu'a travers le

~ma&e d'~n

x–

preffion légere

&

confufe, elle lalff-e ltnagmer

& .

fentir

a

chacun ce qu'il veut, felon le

cara~ere

&

la

fituation de fon ame ; c'en eft aífez. Mms on de–

mande

a

la muúque vocaie une imitation plus fidelle'

ou de l'image ou du fentiment que la poéíie lui donne

a

peindre;

&

alors

i1

n'eft pas vrai de dire que la

rnufique foit indépen_dante. de la langue, puifqu'en

s'éloignant trop des rnflex10ns naturelles, fur- tout

en les contrariant, elle n

'at~roit

plus d'expreffion.

Les inflexions de la langue ne font pas toutes ap–

préciables, mais ellés font toutes feníibles;

&

l'o–

reille s'apperc;oit tres-bien fi le

chant

les imite , ou

s'il en eft trop éloigné.

La mufique n'obferve de l'accent profodique que

la durée relative des fyllabes,

&

peu lui importe,

fans doute, qu'une fyllabe foit plus ou moins lon–

gue, ou qu'elle foit

lus ou moins breve, pourvu

qu'elle foit longue ou breve, c'efi-a-dire, qu'elle

foit fufceptible de lenteur ou de rapidit é : des que la

voix peut fe repofer deux tems de fui te fur un ion,

illui efr permis , daos tout:es les langues , de s'y

repofer tanr que la rnefure l'exige ; mais l'accent

oratoire eíl: un guide que la muíique ne doit jamais

abandonner, paree qu'il efi lui· meme la mufique na–

tttt:..,_elle de la parole , c'efi-a-dire , le fyfteme des

intoh~tions

&

des inflexions qui, daos e

ha

que lan–

gue, car-aélétifent

&

difiinguenr toutes les affeélions

"&

tous les mouvemens de l'ame. La plainte , la

menace, la crainte, le defir , l'inquiétude , la fur–

prife, l'amour , la joie

&

la douleur, toutes l<!s

paffions enfin , tous leurs dégrés, toutes leurs nuan–

l:es, les intentions memes de l'efprit

&

les modes de

la penfée , comme la.diffimulation , l'ironie , le ba–

-dinage , ont le ur expreffion naturelle , non-feule–

ment daos la parole, mais dans les accens de la voix.

Aux paroles qui expriment telle ou telle paffion de

rame' telle ou telle inten tion de l' fprit' attacher un

accent contraire

a

celui que la nature ou que l'habi–

tude y attache, ce feroit done oter

-a

l'expreffion

fon caraétere

&

fo effet. Or il eft certain que l'ac–

cent oratoire a' d'une langue

a

l'autre' des diffé–

rences

fi

marquées, qu'une Angloife ou un Italien

qui

réciteroit

ft,¡r

le théatre Franc;ois le role de Zaire

ou celui d'Orofmane, avec les accens de fa lan–

gue les plus touchans

&

les plus vrais' nous feroit

rire au lieu de nous faire pleurer.

Si notre langue eft muficale, ce n'eft done point

pa-ree que tontes les langues font indifférentes a la

muúq

ue , mais paree qu'elle a réellement de la mé–

lod.ie

&

du nombre,

&

que fes inflexions naturelles

font a

ifez fenúbles pour fervir de modele aux infle–

:xions du

chant.

L'homme de lettres dont nous parlons, a done pu

.Conner dans un exces; mais un homme de lettres '

non moins éclairé, a donné daos l'exces conrraire.

f<

Je vous félicite, nous dit-il, dans un

T raid

du

Mé–

i o-drame,

d'avoir abandonné .vos vieilles pfalrno–

dies, pour vous faire initier daos )a bonoe mufiq ue,

<lont les Pergoleífe, les Galuppi vous ont facilité

l'acces; mais je ne puis m'empecher de vous plaindre

d'avoir pouífé l'enthoufiafme ju{qu'a prendre vos

rnaitres pour modeles. Oui , fans doute, la mufi–

que Italienne efi: helle

&

touchante ; elle connoit

fe nle toute la puiífance de l'harmónie

&

de la mé–

lodie ; fa marche , fes moye ns , fes formes habituel–

l es' font rr_es-propres

a

lui donne.r tout le charme

CHA

dotlt elle efr fufceptible · fimple

&

précife dans

le

récit ordinaire , hardie

&

pittorefque dans

le récit

obligé ; mélodieufe , p ériodique, cadencée ,

unt•

enfin daos

l'

air,

elle nous offre des P.rocéd ' s métho–

diques

&

fondés fur fa propre nature ; maí

tour

cela, qu'eíl-ce en derniere ana lyfe ? d

la mufique,

un concert. Que

fi

vous tranfportez fu r un th 'arre

toutes ces formules nouvelles , ú vous voulez. les

employer pour faire mieux qu'un drame ordinaire,

pour exagérer dans votre ame

to~ttes

le

impreffions

que la fcene, que la

d

' clamation fimple ont con..

turne de luí faire éprouver , vous verrez que votre

art fera contradiétoire

a

votre objet'

&

vos moyens

a

VOtre

fin

H.

Voici done quel efi: fon fyfteme.

u

I1 y a deux

fortes de muíiques, une mufique fimple

&

une mu–

fique compofée, une mufique qtü chante

&

une mu–

íique qui peint, ou ú l'on veut, une muúque de

concert

&

une muíique de théatre . Pour la mufique

de concert, choifiífez de beaux motifs , fuivez bien

vos

chams,

phrafez-les exaélement,

&

rendez-l es

périodiques, rien ne fera meilleur. Mais pour

la

mu–

;íique de théatre , n'ayons égard qu'aux paroles ,

&

contentons-nous d'en renforcer l'expreffion par tou–

tes les puiífances de notre art. Ici j'oublie tous les

príncipes analogiques auxquels j'avoue que la mníi–

que eft redevable de fes plus grands effets.

J

e ne

rn'embarraífe plus des formes du récit, ni de e Hes

que vous donnez

a

l'air; je néglige enfin tou te idée

de rythme

&

de proportion; je ne veux qu'exprimer

chaque penfée, que rendre avec exaélitude tont ce

qu~

je voudrai peindre ., je quitterai mes motifs, je

les multiplierai', je les tronquerai, je melerai l'air

&

le récit , je changerai les rythmes, je multiplierai

les phrafes, rnais je faurai bien vous en dédomma–

ger

».

Et nous dédommagerez-vous de la vérité úmple,

énergique

&

inimitable d'une déclamation na turelle?

, oterez.-vous les accens de la voix de Mérope , les

fanglots , les cris d ' chirans de la voix d'une Dumef–

nil? Dédommagerez-vous la tragédie de l'efpece de

mutilation a laquelle elle eft condamnée' pour

J

par–

gner

a

la mufique les gradations ' les développe–

mens dont celle-ci

efl:

ennemie

?

Nous dédommage–

t'ez-vous des penfées approfondies que le poete s'efr

interdites, par la raifon que leur caraétere tranqu1lle

&

grave,

de

majefté, de force

&

d'élévation, fans

.aucun mouvement rapide

&

varié , n'étoit pas fa-

. vorable au

chant?

Ou fera·la

comp~nfation

de toutes

les beautés qu'on aura facrifi ées

a

la muft.que

?

Une

déclamation rompue, o

't

le rythme

&

la période fe–

ront tronqués a chaque infl:ant ; une déclamatron

entrem>@lée de traits de

fhant

brifés, mutilés, avor–

tés ; tine déclamation qui n'aura ni la vérité de la

nature ni aucun des agrémens de l'art, vaut-elle bien

ces facrifices

?

L'expreffion en {era pathétique dans les momens

de force ; mais daos les intervalles ou la chaleur de

la paffipn vous abandonnera, quelle monotonie

&

queUe infipide langueur! Et dans les momens meme

les plus paffionnés , oubliez-vous que la vé rité dont

vou voulez etre l'efclave' vous interdit encore plus

l'harmonie que la mél odie,

&

que l'accompagnement:

eft une licence plus hardie

&

moins vraifemblable

que le tour fym 'trique d-es

chants

phrafés

&

arron–

dis?

Mais cédons la parole

a

l'auteur de 1;

Ejfai fur

l'u.

nion de

La

poéjie

&

de la mufique.

«

S'il eft , dit-il , en

répondant au févere auteur du

M éto· drame ,

s'il eft

de l'eífence de la mufique d'etre mélodieufe,

íi

les

formes de cette mufique, qu'il vous plait d'appel–

ler

mujique de concert

,

font les plus beHes que l'art

puiife vous préfent er ; ú cette muúque de concert

m'arrache

des iarmes

~

me ravit

,

me tranfporte

$