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CAN

cette fage ordonnance: de nouveaux c?Ions árrive–

rent de

tout~s par~s

: c.ette affiu.ence rn1t le gouver–

neur en état de

re~abhr

la &l01re des armes

Fra~coifes. C'étoit Dame lde Bem1 de Courcelles.

L~

pa1x

fut

bientot condue, paree qu'elle fut le frmt des

viél:oires remportées fur les Iroquois, fouvent vain–

cus

&

toujonrs redoutables. Quand le calme fut ré–

tabli dans fa colonie ,

il

n'adopta point la barbare

politique de fouffi r la difcorde parmi fes ennemis,

&

de les rendre les propres inftrumens de leur def–

truélion.

Il

termina les différends qui s'étoient élevés

parmi les cantons Iroquois ,

&

le fucces de fa né–

gociarion fut d'apprendre aux fau.vages a refpeét:er

le nom

Fran~ois.

Enfin parut Loms de Buade, mar–

quis de Frontenoie, qu'on

pe~t appell~r ~efondat_~ur

de la nouvelle France.

Soldar, cttoyen, general, rnagtf–

trat

&

néoociateur

il

uniífoit les vertus de l

'honnete

.

homme

a~tx

talens du grand capitaine. Son

premi.er

fQin fut d'affi rmir la paix conclue avec les I

roquots.

11

affeét:a dans toutes les négociations un ton de fierté

inconnu

a

fes préd

1

ceífeurs ;. il parla

~n

rna'itre q_ui

diltoit des loix a un peuple bbre,

&

¡}

eut la gloire

d'en etre écouté.

ll

s'appliqua enfuite

a

faire fleurir

.l'aoriculture

&

a faciliter la circulation dans le

~

'

commerce.

Ces occupations pacifiques ne le détournerent pas

des foins de la guerre allumée entre l'Angleterre

&

la France. Les troupes fe mirent en campagne fuivies

de quelques fauvages,

&

s'emparerent de Cozlar

&

de Cemenfelles. Cafquebé eut la meme deftinée.

Tous les forts voifins ouvrirent leurs portes ,

&

foufcrivirent aux conditions prefcrites par

1

vain–

queur. Les Anglois, réfolus de venger la ho,nte de

tant de défaites, firent una armement

confid~ra~le.

Trente-quatre voiles, fous .les ordres de

.1

arntral

Phibs

couvrirent le fleuve Samt-Laur'ent. Ph1bs fom–

ma le gouverneur de

rendr~ Qu~bec

a.

Guillaume

II,

roí d'Angleterre.

J

e

conn~:ns

, repond1t le comte de

Frontenoie, Jacques

ll,

roi d'

~ngleterre;

quant au

roi Guillaume, je ne le conno1s pas.

J

e fa1s

fel\1~ment que le prince d'Orange eft un ufurpateur; ma1s

quel que foit le légitime

poíf~ífeur

.de

~a co~~o?ne

Brirannique, Quebec n'app:ruent

.m

a

1

~n

m

a

1

au–

tre. Louis

XIV.

en eft le ma1tre,

&

¡e

le

hu

conferve–

rai au péril de ma vie. Les Anglois débarqués ten–

terent des a rtaques

infruél:~eufes

, eífu:yerent <les

forties meurtrieres,furent vamcus dans.trOis combats,

remonterent fur leurs vaiífeaux

&

dtfparurent. lls

tournerent leurs armes contre Mont-Réal o"lt le che–

valier de Calliere émule de la gloire du marquis de

Frontenoie

fitun~ d~fenfe

fi opiniatre, qu'il

for~a

le

'

1

'

ennemis

a

faire une retralte pr Clpltee.

Tant de fucd!S ne furent pas fans quelque melange

de revers.

Plufieur~

partís

Fran~ois

,

~rahis

,par un

courage

impru~nt,

furent

ba~tu~

&_

dtfperfes•

C:es

pertes, quoique légeres '·

affoi~híf01ent 1~ col~

me;

&

le cornte de

FrontenO

l~ ' qm

chercholt mOinS a

r

mporter des

viéloir~s

íl

:éril.es,

qu'a

~ettre'

une bar-.

riere entre les Anol01s

&

lUl, n

egoc1a avec les Iro–

quois pour leur

fai.re

acce~ter

la

neutr~lit

1

,

foui la

condition de ne

pomt

ouvnr aux Anglots de paífage

fur leurs terres: mais

il

n'obtint d'eux que des pro–

pofitions infidieufes, des

pr?m~ífes vagues~

destre–

ves enfreinres auffi-tot que ¡urees. Frontenote fe for–

tifia de l'alliance de plufieurs nations voifines ,

&

fur-tout des anciens Hurons , dont une partie étoit

rentrée dans fes poífeffions. La gue!"re fe renouvella,

&

la fortune favorifa alternativement les deux par–

tís.

Frontenoie, impatient de fixer la viétoire, crut

que fa préfence infpireroit aux foldats pl/us de conf–

tance dans les fatigues,

&

que

~on exemp~e

les ern–

braJeroit de cet enthoufiafme qm eíl: le prefage cer–

tain des fucces. Ce vieillard courbé fous le poids des

ans,

&

des infirmités quien font

le

triíl:e appanage,

e

A N

167

s'erl&a~e~

dans des pays entrecoupés

de

préc~pices,

&

henífes de tochers oú la nature avare refufoit

tout aux premiers befoins de l'homme

4

Sa conftance

triomph~

de tous les ?bftacles; il combattit toujours

au prem1er rang , .

defi~

les Iroquois dahs plufieurs

rencontres, &revmt tnomphant. Une conduite auili

vigoureufe

lu~

acqnit un tel afcendant fur cette na-–

tion perfide, qu'elle n'ofa plus infulter ni les Fran–

~ois

ni leurs alliés. Frontenoie, qui n'ambitionnoít

des viét:oires que pour terminer la guerre , crut tou–

che:

a

~)infrant

d'une paix générale;

&

pour

y

par–

v:emr,

Il

convoqua une aífemblée de toutes les na-·

twns. Mais il n'eut pas la douce fatisfaélion de rnet–

tre la derniere main a fon ouvrage : ce fut la feule

ch~fe

qui

rnanqu~

a

fon bo.nheur

~

non pasa fa

glou~

•.Le

che~aher

de Calhere , qm lui fuccéda ,

r~cuellht

le fru1t de fes travaux politiques

&

guer–

tiers.. Ce

~ut

par un congres général qu'il fignala les

prem1ers

¡ou~s

de

~on gouv~rne~ent.

On

y

vit arri–

V~1

plus de

d1x-~u;t

cens depures des nations feptet1-

tnonales. Le trrute fut

coo~lu

avec une pompe véri..

tablernent fauvage. Comme on alloit terrniner' les

conférences, un des chefs

s'avan~a

&

tint ce dif–

cours qui décele le caraét:ere national' :

H

Le gtand

ouvrage eíl: achevé

&

la hache va reíl:er cachée au

fein de la terre : l'arbre de la paix eft planté fur une

haute montagne , oit toutes les nations pourront

contempler fes ramea-ux. Si quelqu'un de nous ·fent

renaitre ql!'elque

d~íir

de vengeance, il flxera les

yeux fur lUI,

&

fenttra auffi-tot fa fureur s'éteindre

>,.

Se tournant enfuite vers le gouvernenr, illui dit:

H

Mon pere, ton creur eíl: fatisfait,

&

le

mi

en

e.ft

auffi

rempli

d~

joie ;

,

c.ar

le

c~u,r

de ton

~ls

ne fait qu'un

avec le t1en. Pe

nffe

le rn1ferable qm fe fentiroit en–

core altéré du fang de fon propre frere. Nous fu–

mons tous dans le meme calumet

un meme foleil

nous éclaire, une meme terre

nou~

nourrit · & 'mon

pere, tu as applani fa furface, il n'y a plu; de bar–

riere quí nous fépare; nous fommes tous ta famille.

Mes freres les Outaouacks ont été perfuadés que

la

mort de plufieurs de nos compagnons étoit l'effet de

te~1"or;i}eges:

ils m'?nt député vers toi pour te fup–

pher d ecarrer de fo1, pendant leur re tour

tous les

fléaux qu'ils difent que tu tiens dans res mains. Pour

m

o},

qui fuis _chrétien, je fais qu'il n'efi qu'un feul

ma1tre de la v1e des hommes,

&

ce mairre eíl: Dieu.

Je ne te

d:rn~nde

done point la vie, elle ne dépe,nd

pas de to1 : Je te demande un don plus précieux

un don qui eíl: en ta puíífance; c'efr ton creur

n~

me le refufe. pas. f!élas} mon pere , ton 1ils te

p~rle

pour la dermere f01s. C efr en te Vetlant vifiter qtHl

j'ai gagné la rnaladie qui m'arretera fans dou:e en

chemin. Mais puifque je t'ai vu, je neme plains p::Is.

J~

parts, mes jambes peuvent

a

peine me porter. La

rnort m'atteod a quelques journées d'ici. Mes der–

niers regards fe tourneront de ton coté : ils te cher–

cheront,

&

ne te trouveront pas; tandis qu'íls te

contemplent encore, embraffe tón fils,

&

fouviens–

roi de lui quelquefois. Adieu , mon pete

».

J'ai cru devoir rapporter ce difcours, pour donner:

une idée del' ' loquence des fauvages :

les

expreifions

les plus touchantes,

&

toujours ornées d'imaues

leur font naturelles. Ils prodiguent les nom;

d~

pere

&

de frere avec autant de facilité que

les

Eu–

ropéens prodiguen! le nom d'ami. Ononthier eít le

titre par lequel ils défigent les gouverneurs de

Quebec. Ce mot.' dans Ieur la?gue, fignifie

mon pert

donne-nous la pazx.

Le chevaher de Calliere ne né–

glige~

rien

pot~r

rendre plus durable la paix

qu'il

veno1t de publter avec un pompeux appareil; &

pour fe conforme r au ftyle figuré de

ces

nations ,

il

leur avoit annoncé , dans leur langage, qu'il avoit

enfoui la hache, que lui feul connoiífoit le

lieu ofi

elle étoit cachée ,

que

lui feul auroit déformaís

lt: