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empire {upreme fur les animaux
a
celui qui iroit
chercher un peu de terre au fond des eaux , fauf
néanmoins les droirs
ae
la divinité du gtand lievre;
le caílor preífé par la faim, animé pár l'ambition ,
fe jetta dans l'eau'
&
revint
a
vuide; la loutre ne
fut pas plus heureufe;
le
rar mufqué renta !'aventure
a
fon tour,
&
rapporta quelques grains de fable' que
Michapoux féconda
&
groffit au point, qu'il en fit
d'abord une monragne,
&
enfin il en créa la terre
entiere. A mefure--que le monde prenoir des accroif–
femens, le die u s'éloignoit des animaux pour fe por–
ter toujours
a
l'extrémité de fon ouvrage: alors la
difcorde s'alluma entr'eux, le fort écrafa le foible,
dont il fit fa proie. Dans le premier tranfport de fa
colere il créa l'homme : va, luí dit-il, exterminer
ces animaux, je te réferve au bout du monde un
f¡'jour délicieux, apres ta mort; il forma enfuite la
femme, qui fut chargée des foins domefriques ·' tan–
dis que fon époux feroit occupé
a
la chaffe: amfi le
monde fe peupla. Mais bientot l'intéret rnit la divi–
fion parmi
les
hommes , ils tourner.ent contre eux–
rnemes leurs armes qu'ils avoient rec;ues pour dé–
truire les betes féroces. Michapoux indigné fut tenté
de créer un etre d'une troifieme efpece ponr exter–
miner le genre humain : on le dit maintenant occupé
a
groffir
&
féconder la terre vers le fud; il revient
cependant quelquefois verfer fes influences fur le
nord. Les aurores boréales
&
tous les météores
enflammés font autant de traces de f0n paífage ;
auffi.-tot que l'efpace des airs en eft éclairé, les fau–
vages fortent de leurs cabanes, fument du tabac ,
dont ils lui envoient la fumée comme une offrande
précieufe.
Les cérémonies religieufes de ces peuples fauva–
gesne font pas fopt multipliées; la religion ne fe mele
point de l'union conjugale: lorfqu'un jeune homme,
apresavoir réfifté loog-tems aux amorces de l'amour,
fe rend le témoignage que ce fentiment n'efr point
une foibleífe ni· un vice du creur , mais un befoin
auquella nature l'a aífujetti, il entre pendant la nuit
dans la cabane de fa maitreífe, allume un morceau
de bois, s'approche du lit, pince par trois fois le nez
de la belle , l'éveille
&
lui déclare·fa paffion, elle ne
répond rien, mais fesyeux parlent pour elle: fil'amant
a furpris un regard favorable, il revient toutes les
nuits pendant deux mois, toujours éloquenr,
&
tou–
jours tendre
&
refpeB:ueux: enfin, apres ce noviciat
conjuga! , les peres de famille ont une entrevue
&
fument dans la meme pipe : le rnariage efr conclu'
&
fouvent n'eft confommé que pluúeurs mois apres
la célébration. La fucceffion de l'époux appartient
a
fa belle-mere ; celle-ci néanmoins n'a pas le droit de
s'oppofer
a
un fecond mariage, qui dirninue fes droits
de moirié ; en recevant une feconde femme dans fa
cab~ne
, le fauvage y introduit la difcorde. Les cleux
époufes font divifées par l'intéret
&
l'amour,
&
~'on
en vient fouvent aux maiP.s fur la natte nuptiale :
pendant la melée' le mari tranquille fpeB:ateur du
combat, s'applaudit de voir difputer fa conguete;
il fume fa pipe avec flegme,
&
daigne fourire de
tems en tems aux tranfports de deux forcenées qui
fe déchirent pour poíféder fon creur. Cependant la
poügamie n'efi: pas commune
e
hez eux; la continence
y
eft meme honorée' paree que la volupté énerve
les jarets' rend l'homme moins léger
a
la courfe
&
rnoins propre
a
la chaífe. Ils ne vivent que de
~ibier
&
de poiífon : lancer une fleche avec adrefre, Jetter
une ligne
a
propos, -ramer avec viteífe, nage.r avec
grace, gravir le long des rochers
&
des pré
cipices;telle eft l'éducacion qu'ils donnent ·
a
leurs
enfa.ns.Dans les tems favorables
a
la chaífe, la jeune
ífe d'unCBnton fe raffemble
&
potufuit le gibier
a
travers les
bois; fouvent dans leurs courfes deux nations fe
rencontrent
&
fe djfputent la meme proie ; voila
CA
t 6
a~~-,
t
une guerre allumée. La campagne paroit
henffee de fleches : on porte au bout des piques d(!
longues chevelures qu'on a enlevées aux ennemis
dans les guerres précédentes. Chaque partí marche
fous les ordres d'un chef qui efi: le hétos de fon can•
ton : on fe cherche , on fe rencontre ; on en
ient
aux inains; les vainqueurs arrachenr les chevelures
des morts & les portent en tri<Dmphe dans leurs ha–
bitations , trainant apres eúx leurs prifonniers; c'efr
alors un fpeétacle qui fait frémir l'humanité. Un
che(
s'~p~r<?che
de l'un de ces infortunés: Tu vas périr,
hu du-11,
fi
tu as du courage, chante l'hymne de la
mort. L_e fauvape déployant tonte fa férocité,chante,
danfe, 1nfulte a fes bourreaux, exalte fes exploits
1
s'approche du poteau fatal , fe laiíle garotter ; voit
de fang-froid fa chair déchirée- avec des
peiane~
de
fer, tomber en lambeaux. On lui jerte de
l'ea~
boí.IÍl...
lante , on introduit des charbons ardens dans fes
plaies; on prolonge fon fupplice par
un~ffinem.ent
de cruauté;
&
l'on a vu plufieurs de ces malheu;eux
. fouffrir ce
~upplice
pendant un jour enrie fans pouf–
fer un foup1r,
&
fans donner le moindre témoignage
de fenfibilité; quelques-uns meme infultent
a
leurs
~nnemis,
&
leur
reproch~nt
d'un ton railleur, qu'ils
1gnorent l'art de brí'tler un homme,
&
ils leur décou–
vrent le barbare fecret de les tourmenter davanra..
g7;.
fouve_nt
ce~ ~annibale~
n'attendent pas que la
VIélime foit expuee pour devorer fa chair : ce mets
exécrable ne leur fait point horreur,
&
ils ne
~et
tent point ·de différence entre_la chair d'un cerf
&
celle d'un homme. D ' s que la voix d'un enfant peut
artic_nler des fons
fuiv~s
',
f~n
pere lui -apprend le
can~1que
de la mort,
lu~ repeta~t
fans ceífe qu'il doit
un ¡our combattre pour la glo1re
&
les intérets de
fa nation;
&
que s'il a un jour la Iacheté de fe laiffer
prend.revivant ~, ~~
faut avoir le courage de favoir
mounr fans fe plamdre. Leur lan
e efi:
all~gorique
&
tient beaucoup de leur férociré : propofer une
chaudiere , c'efi: propofer une expédition militaire •
~o~pre
une c_haudiere_, c'eft dé_clarer la guerre;
InVlter Ú>n VOllln
a
botre du botullon des VaÍncus ,
c'efi: partager avec .lui la joie
&
les fruits de la
-vi
e~
toire. La paix fe fait par députés, leurs difcours font '
vifs
&
pleins d'images ; tous les objers de leur mif–
fion font déíignés par autant de colliers fufp(mdus
a
un baton ; on en détache un
a
chaque article ; on
fume enfuite dans le meme cahimet ' on maoge
dans la meme chaudiere'
&
l'on fe fépare fatisfaits
fans aucun refi:e de reffentiment. Le morts font en–
terrés fans pompe; leur tombe eft couverte de quel–
ques planches
~
des que le mort y efr enfermé , fa'
nation l'oublie. Aucun monument n
onferve le
fouvenir de fes exploits; tous les honneurs font ré–
fervés aux héros vivans: on fe contente de pleurer
en général tous les morts de la nation;
&
ce deuil
public fe renouvetle tous les deux ans.
Tels étoient les peuples que les Franc;ois eurent
a
combattre, lorfqu'ils defcendirent fur les hords dtt
fleuve Saint-Laurent , en
1
5oo;
J
ean CaBol,
V
éni..
tien,
&
Gafpard de Portréal, Portugais, les avoient
déja prévenus. Des
1
504,
les Bafques, les Bretons
&
les N'ormands, uriles
&
audacieux navigateurs,
fe hazardoient avec de foibles barques fur le banc de
Terre-nenve,
&
nourriíl'oient une partie de la France
du fruit de leur peche ;-jufqu'a cette époque la coul'
de France n'avoit point paru s'intéreífer
a
ces décou·
vertes ; mais Franc;ois premier, rival de Charles–
-Quint en Europe, voulut l'etre auffi dans le nou·
veau monde.
Mes frens les rois d'Efpagne
&
de
Por–
tugal,difoít-il,je partagent entr'eux l'Amérique,je 'YOU•
drois bien 'Yoir l'article du te(fament d'A dam
qu.~
les en
rend maítres
&
qui me désb.árite.
Vorazani parrit
&
ar–
bora les armes de France fur que.l.ques rivages de
l'Amérique feptentrionale. Jacques Cartier pénétra