s
U B
fleuve . nouS verrons une vaRe étendue d'eau qui
réíifre :mais foiblement, au toucher, qui efr pe{ante,
liquide, tranfparente , fa ns c?uleur
~
fa ns gOllr, fans
o deur, & en mouvement. 51 tont-a-coup ce corps
venoit
a
perdre fa
tra.Dfpa~ence,
&
a
fe
c~lorer
d'un
gris fale , ou d'un gn s n01r .; pour un íi leger .cha n–
gement , nous ne lui donnerións pas un nouveau
Dom nous dirions feulement que le flel1ve fe tron–
ble , qu'iL charie ; lors meme qu'il
acqnérer.o~t
quel–
que gOllt , quelque odeur, ce ferOlt touJonrs uh
fl euve. Mais s'il venoit
a
perdre fon mouvement,
a
refrer pour toujours en repos , ce changement nouS
paroitroit plus coníidérable, parce qu'alors ce fleuve
deviendroit femblable a ces amas d'eau, fiJue 1'ort
nomme
lacs
ou
étaltgs
;
ce ne feroit plus un fl euve ,
mais [eulement de l'eau, un lae. Si enflúte la rigueU1:
du froid aglífoit , nous ne [avons trop comment, fur
cet amas d'eau, & lui faifoit perdre [a liquidité, il
P!!rdroit auffi fon nom d'
eau
&
deviendroitglace.
L'
été
fuivant, expo[ée aux ardeurs du [oleil, cette eau
quitteroit, pour ainíi dire , [a pe[anteur , elle s'éle.>.
v eroit dans l'air en vapeur ; on ne la nommeroit
plus
eal/.,
mais
vapeur, brouiLLard, nuage.
Cependant
dans tous ces changemens elle a confervé ron
éten–
due
,
cette réíifrance que les Phyíiciens appellent
impénétrahilité;
auffi a-t-elle toujolirs été corps. Mais
:íi
elle venoit
a
perdre cette étendue, cette impéné–
trabilité, que lui refreroit-il
?
Rien du tout ; car nous
Re concevons ni la pe[anteur, ni la fluidité, ni le
mouvement [ans 'étendue impénétrable. Auffi cette
defrruétion de l'étendue
&
de l1impénétrabilité n'ar–
rive point; ces qualités [ont tout autrement durables
qua les autres, il n'efr aucune force dans la nature
qui puiífe les produire ou les détruire, c'efi: pour–
quoi leur aífemblage prend le nom propre de
laJuhl–
tance.
Le corps , c'efi:-a-dire l'étendue impénétrable
efi: une
[ubjlance
;
mais la vapeur , la glace , l'eau, le
fleuve [ont ici
desJuhjlances madifiées.
Remar~uons
dans cet exemple que
la
gradation
'des qualites d'une
Juhflance,
qui fait que nous les re–
gardons comme plus ou moins eífentielles , eft toute
fondée [ur leur dépendance mutuelle. Ici un fleuve
c'efi: de l'eau courante ; le cours de l'eau ne peut [e
concevoir que l'eau elle - meme n'exifi:e" l'eau eft
donc comme
laJuhflance
du fleuve dont le mouve–
ment efr le mode. L'eau efr un corps liquide, pe[ant.
La liquidité , la pe[antellr ne peuvent exifi:er fans
l'étendue impénétrable. C'efi: pourquoi le corps
eft
regardé comme faifant
laJubflance
qui, modifiée par
la pe[anteur , par la liquidité, s'appelle
ea1/..
Nous
ne voyons aucune qUé.\lité plus eífentielle dont dé–
pendent l'étendue & l'impénétrabilité , ce {ont done
elles qui font la
Juhftance
connue fous le
nom
de
. corps.
La rai[on s
'arrete.la; parce
qu'~lle
ne peut aHer
plus loin , en ne con[ultant que des idées claires.
Mais l'imaginaríon fait bien plus de chemin ; & voici
coinme elle rai[onne chez la plupart des homrnes.
Voyant, dalls l'exemple dont nous nous {ervons de
l'eau tantot froide, tantot chaude; jugeant
d'ailI~urs,
que l'ean refroidie efi: la meme que I'eau qui étoit
chaude peu auparavant, elle reo'arde l'eall comme
un etre di'ílinél: de ces deux
qn~lités,
le
/raid
& le
d aud,
comme un [ujet qui [e rev&t ou [e dépouilIe
alternativement de l'une on de l'antre.d
e
ces quali–
t és, qui ,pour ainíi dire, {ont des modes appliquées
on mifes en ufage [ur un habito Découvrant enfuite
dans I'eau d'autres qualités , comme le monvement
la tranfparence , la fluidité , dont les unes
peuven~
etre [éparées fans que l'eau ceífe d'etre eau , & dont
les autres ne (e trouvent pas dans tous les corps .
l'imaginanon met toutes ces qualités dans le rang de;
m~des
Ol!
des acci?ens, dont le [ujet
~fi:
revetu ju[–
~u
allX
plus eíIent1elles, teQes que
l'et.end~le)
l'im-
s
U B
p énétrabilité ; en[uite elle cherche un fui
t
ro ;
r .
1 [,
.
l
:)
rlllOlt
'Co.mme e
.00lt1~n,
e nre,ud de cet affemblage ,
e'
e
\u¡et
e.fi: blentot
~omme!ubjlallCl!.
Pllis On "ient '
1
e.xam~ner
plus pres, &
1
on
trollV~
'lu'on ne fauroit
lu~
attn?uer en .propre aucUne quahte , puifque
I
on
a
e.cart~. d~
[o.n Idee tontes celles dont l'on s ima ._
nOlt qu
11
etolt íimplement rev tu : car dit-on
~
[ujet de l'eaü n'efi: pas lui·melue l'étendue
mai; '~
efi: doué d'étendlle ; il n'eíl pas la fluidité ' ll1ais
~I
poífede cette qllalité.
N
e croyei pas que
c~
Coit
l~
pe[anteur ou la trao[parence , mais dites qtl'il a
de
I~ p e[ant~ur
& de .la tran[parence ; ainfi plus on étu–
dIe ce pretendu [uJet, molOS on pellt le concevoir
parce qtt'en effet iI n'efi: I?as poffible , apres avoir
dé~
po~~illé.llne
chofe de tontes fes qualités , .de vouloir
qu lllUl refte encore qllelque chofe. Ce [uJet devient
donc d'autant plus obfcur, qu'on le reaarde d'un reil
plus attentif , de [ortt'l que l'on efi:
for~é
de condure
que les
filbflanc es
nous font entierement inconnues
& que nous n'en connoiífons que les modes.
M.
Lo~
clee, ,ce grand
méthaph~f¡cien,
efi: aUé jufque-Ia,
&
fonde [ur ce que les vrales ca1lfes des qualités [enli–
bIes nous étoient cachées , il en a conclu que les
ej~
[ences réelles des etres ou
lesJubflances
nous étoient
entieremetit inconnlles.
Il
efi: vrai que flOllS ne Con–
l?-oiífons pas toujours la liai[on qui efr entre ces qua–
lités dont nous avons
~ormé
un
a~~mblage,
c¡ue nou
ne pouvons pas [avolr íi cette halfon eíl: neceíTaire
on ca[uelle; pa ree qne nous ne pOllvons pénétrer
ju[qn'a la fource d'Oll ces qualités dérivel1t, que
jn–
geant par nos [ens des etres extérieurs,
&
ces fens
ne nous montrant que la relatidn que ces erres ont
avec nous , ou les impreffions qu'ils p'euvellt
faire
[ur n01l5 en agiífant
[ m
nos organes', jI ne nous ea:
pas facile de jnger ni d@connoitre les qllalités ori·
ginales ou fubfi:antielles , qui donnent I'etre aux qua·
lités [eníibles.
N
ous éprouvons que le feu
eít
challd;
mais qll'y a·t-il dans le fe u qui ne [e trouve pas dans
la glace? & en vertu de quoi cet élément fait-il fuI'
nos organes cette impreffion d'oll nait la fenfation de
la chaleur? C'efi: ce qu'on ignore, & que les Phyfi–
cjens ne [avent guere mieux que ·les autres, En ce
[ens, on a raifon de dire que les eífences- réelles on
les
Jubflances
nous font inconnues , que les idées que
nous en avons fondées [ur des qualités fenúbles ne
[ont pas des ima&es vraies, ni
de~
reíTembla'nce5
exaél:es des qualités primitives qui conftitnent la
(ilbjlallce,
qu'elles font défeél:ueu[es
&
tres-diverfes
chez la plupart des hammes, comme étant Fouvrage
de leur e[prit¡ Cependant I'on ne peutpas dire ablo–
lument Ci{u'elles [oient de pur caprice , pui{qlle
ce~
qualités,
él
I'aífe~b.lage
de!qllelles naus
~vons d~nne
un nem & forme amu une
Juhjla~ee
,
.ex,líl:ent reeHe–
meót en[emble & dans. une umon 111tlme,
Ú
elles
n'ont rien de contradiél:oire, au qu'eIles ne s'ex–
c1uenf pas mutuellernent ; & que n'y ayant que
l~s
qualités [eníibles qui
HOUS
trompent, nouS
co~~o~~
trons du-moins l'eífeflce des
[uhjlances
dans
1
Idee
d€lfquelles il n'entre ancnne de ces idées feníibles ,
telles que l'ame .& le corps pris en général & par
abfi:raél:ion ; qu'ainíi leur eifence que
no.u~
favons
coníifrer dans la
~éunio!1
des qnalités
pri~ltIve;,
&
non [eníible.s, nous fera fiaellement repre[entee pa!'
ron idée
~
c'efi:-a-dire qu'elle nouS [era connue
tout
comme celle des etres qui [ont pUl'ement de notre
fa <.ron.
,
•
Nous pouvons dire que nous
connoífl:o~s
1,
eífen~~
de l'ame ,paree que nous avons une
~dee
Juíl:e "
{es facultés, l'entendement, l'imaginatlo?, la,;e–
moire , la [en[ation , la volonté , la liberte;
vo-! ce
qu~
c'eft que l'ame
&
fon eífen-t::e. Nous
cr~y'o~
qu'il ne faut pas
y.
chercher d'autre myfrere?
OI
l~
a
giner ua {ujet inéonnu qui ne [e pré[en;e
1ama~u_
nous &que nous
voudrion~
[upp0fer etre le
{i .
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Ílen