254
s
O
e
Tel eft le contrat formel ou tacÍte
pafii'
entre ous
les h()1J1ales,
1
uns fon au-deífus les autres au–
de1fous pour la différence des conditions; pour ren–
dre leur
focüté
auiIi heureuíe qu'elle le puüfe
tr ;
íi
tous étoient roís, mus vouaroien· cornmander
&
nul n'obeiroit;
h
toos étoient {ujets, touS de roient
obéir,
&
aucun ne le voudrorr faire plus qu'un au–
tre ; ce q
i
rempliroit la
fociété
de confuúon de trou–
ble,
d
diífcofton; au líeu de l'ordre
&
de 1
arrange–
ment qui en ait
le
fecours , la tranquillité ,
&
la dou–
ceur.
Le
fupérieur eft done rede 'able aux inféri urs,
comme ceux-ci lui (ont redevables ; l'un doir procu–
rer le bonheur commun par voie d'autorité ,
&
les
autres par oie de {oumiilion ;
1
autorité n'eft légiti–
me , qn'autant qu elle contribue
a
la fin pour laquelle
a été infiituée l'autorité meme; l'uCage arbitraire
qll'on en 1-.:1"oit
¡
feroit la defuuéhon de l'humanit '
&
de
lafociü¿.
Nous devons travaillertolls ponr le bonheur de la
foc¡été
a
nOllS rendre maltres de nous-m@mes ; le bono
heur de la
fociüé
(e réduit
a
ne peint nous fatisfaire
aux d 'pens de la fatisf.,ilion des auues : or les incli–
nations, les defirs
, &
les gOLltS de h mmes , t"e trou–
v ent continuellement oPPof,'s les uns
al1X
alttres. Si
nOUS comptons de vouloir fui vre les notres en tout ,
Olltre qu'il nous fera impoffible d'y r' uffir ,
it
efi en–
core plu impoffible que par-la nous ne méconten–
t ioos les autres,
&
que tot
011
tard le contre-conp ,
ne retombe fllT nous ; ne pouvant les fai re tons paífer
a
nos gotas particuliers , il faut néceíl"airement nous
monter a11 gout qui regne le plu llniverfellement,
qui eft la raifon. C'cfr done celui qu'il notlS faut fui-
re en tout ;
&
comme no inclinations & nos paf–
fions s'y trouvent fouvent conttaires , il faut par né–
ceffité les contrarier. C'efi
a
quoi nous devons tra–
<tiller fan ceífe, pour nOllS en fair une falutaire
&
douee habitude. Elle eH la bafe de tome vertu,
&
m"me le premier principe de tont favoir vivre ,
don le mot d'un homme d'e{prit de notre tems, qui
faifoit conílfrer la fcienee du monde
ti
favoir
fe
con–
traindrefans contraindre perfonm.
Bien qu'il
fe
trouve
de inclinations natllrelles,
incomparabl~ment
plus
conformes que d'autres,
a
la regle commune de la
rai{on ; e p ndant il n'efi per[onne qui n'ait
¡\
faire
effort de ce eoté·la,
&
a
gagner (ur foi ; ne ñlt-ce
que par une forte de liai(on, qu'ont avec certains dé–
fauts les plus heureux t empéramens.
Enlin, les hommes (e prennent par le cceur
&
par
les bienfaits,
&
rien n'efr plus convenable
a
l'huma–
manité , ni plus utile
a
la
/ociété ,
que la compaffion ,
la doucenr, la bénéficence, la généroflté. Ce q'ui
fait dire
a
Cie' ron,
(1
que comme il n'y a rien de
" plus vrai que ce beau mot de Platon , que nous ne
" {ommes pas nés feule:nent POttr nous·memes, mais
)) aufE
pou~·
notre
patr~,e,
&
pOl~r
nos amis;
&
que
" C0mme dl(¡ nt les Stolclens ,
Íl
les produ8:ions de
" la ten 'fon t pour les hommes ,les homrnes eux–
)) memes [ont n 'S 1 s uns pour les alltres c'ell-a–
)) dir ,pour s'entre-aider
&
fe faire du
bie~
mutllel–
" lement; nous devons tOllS entrer dans les deíl"eins
)) de la natme,
&
fuivre notre defiination en con–
)) tribllant
chaCl~n.
du ílen pour
l'u~ilité
commu,oe par
" un com rce recIproque
&
perpetuel de fervlces
&
" de bons offices, n' 'tant pas moins empreífés
a
don–
" ner qu'a recevoir ,
&
employant non-feulement
s, nos {oins
&
notre indllfirie, mais no biens me–
"
n:;~ ~ ferr~r
de
ph~s
en plus les ncends de
lafo–
.,
Clet
htunalOe
H.
PLUS Clone que tous les fentimens
de jullice
&
de bonté 'Cont les {euls
&
vrais líens qui
attachent
1
s hommes 1 s uns aux alltreS,
&
qui peu–
yent r ndre la
foúété
fiable, tranquille,
&
floriífante,
11
f;
lit
r garder ces vertus C0mme autant de devoirs
CJU
Dieu nous impoíi ,par la raUon 'J,ue tout ce qu i
efi n 'ceífaire
a
fon but,
&
par ,ela meme conforme
ala
volont ' •
soc
Que que p a bIes que puiífent etre les maxi es
de la morale,
c'
quelque utilit ' qu He p.
n
ayoir po la ou eur de la (o iété humain elles
n'auront rien de fue
&
qui nous attache in branla–
blem nt fans la reEgion . Quoique la feul raifon
nous rende pal ables en
aén
' ral les principes des
mrellfS qui COGti' uent
a
la doueeur
&
él
la paix que
nous de ons gouter
?
faite gouter au.-x autres dans
lafociét ' ;
il
t
vrai pourtant qu elle ne fuffit pas n
certaines occafions , pOlir nOlls convaincre que no–
tlie avantage eft toujours joint avec celui de lafoci.!td :
il faut quelqllefois
(&
cela efi néceífaire pOllr
le
bonheur de
lafociété)
nous priver d'un bien pr'fe nt,
ou rneme eíl"uyer un mal cerrain, pour ménager un
bien a venir,
&
pI'
'venir un mal guoiqulocertain.
Or , eomment faire gol'tter
él
un efprit qui n'ell capa–
ble que d s ehofes íenfuelles ou a8:uelJement fenfi–
ble ,le partí de quitter un bien pré{ent
&
d 'ter–
miné, pour un bien
a
,'enir
&
ind 'te 'miné; un
bien qui dans le moment meme le touc e viv -
ment du coté de la cupidité , pour un bien qui
ne le touche que foiblement du c té de fa raifon :
[era-t·il arreté par les reproches de la confcien e ,
qlland la religion ne les fllCcite pas ? par
lrt
crainte de
la punition , quand la force
&
l'autorité l'en
~ttent
a cOl1vert? par le Centiment de la honte
&
de la con–
fuiton , quand il
fai~
dérober fon crime
a
la connoif–
fance d'alltrni ? par les regles de l'humanité, quand
il ell déterminé
a
traiter les alares fans ménagement,
pour fe fatisfaire lui-meme ? par les principes de la
prudence, quand la fantaifie OH l'humeur lui tien–
nem lieu de tous les motifs? par le jugcment des per–
fonnes judieieufes
&
fenfées , quanclla préComption
lui fait préférer fon jugement
a
celui du relle des
hommes? Il efi peu d'eíprits d'un eara8:ere
fi
outré ,
mais il peut s'en trouver : il s'en trouve quelquefois,
&
il doi! meme s'en trollver un grand nombre, itl'on
foule allX piés les principes de la religiolJ natureUe.
En effet
~
que les principes
&
les traités de mo–
rale foient mille fois pl4S (enfés encore
&
plus dé–
monftratifs qu'ils ne font, qui eft-ce qui obligera des
efprits libertins de s'y rendre
~
itle refie du genre
hllmain en adopte les maximes
?
en feront-ils moins
difpofés
a
les rejetter malgré le genre humain,
&
a
les foumettre au tribunal de leurs bifarrel:ies
&
de
lem orgueil? Il parolt done que fans la religion ii
n'eft point de frein aíl"ez ferme qu'on puiífe donner
ni allXlaillies de l'imagination , ni
a
la pré(omption
de l'efprit, ni
a
la fource des pafEons , ni
a
la cor–
ruption
A
dt.l
c~~lr,' ~i ~ux
artifices de
~'hypoerifi.e.
D,un cote vente,
Jt~lllce,
fa geífe, pUlífance d'un
Dleu vengeur des cnmes,
&
remunérateur des ac–
tions juíl:es , font des idées qui tiennent fi naturelle–
ment
&
fi néceíl"airement les unes au,X autres, que
les unes ne peuventfllbitller, la OtIles autres font dé–
tmites. Ceci prol1ve évidemment combien efi né–
ceíl"aire l'union de la religion
&
de la morale pour
affermir le bonheur de
lajociétl.
'
Mais,
10.
¡mur mettre eette vérité dans toute fon
évidence, il faut obferver que les vices des partiCll–
li.e,r~
quels qu'ils foient, t;:uifent au bonheur de
la
fo–
cte/e;
on nous aceorde deJa , que eertains vices tels
que
la
calomnie, l'injufiice , la violence nuifent
a
l~fociété.
Je vais plus loin,
&
je
foutie~s
que les
VIces memes qu'on regarde ordinairement comme
n~ ~aifa~t tor~ g~'a
celui qUl en efi atteint , font per–
meleux a
lajocleté.
On entend- dire crffez communé–
m.ent,
par,exe,?pl~,
qu'un.homme qui s
'enivre.nefal!
tort.quél
lUl-meme; mals pour peu qu'on y faíTe
~
'attentl.on,
on s'appercevra que rien n'efi moins
Jufie que cette penfée. Il ne faut qu'écouter pour
cela les perfonnes obligées de vivre dans une meme
famille avec un homme fujetal'exce:s du vinoCe eue
nous fotihaitons le plus dans ceux avec qui nouSvi-