s o e
&
gen~reux
trouvent-ils la fatisfaé1ion la plus pure;
a
faire du bien aux autres hommes, parce qu'ils ne
font en cela que fuivre une pente que la natme leur
a donnée. Les moralifres ont donné
a
ce germe de
bienveillance qui fe développe dans les hommes , le
nom de
fociabilité.
Du principe de la fo ciabiEté, dé–
coulent, comme de leur f?urce , toutes les lois de
lafociéti ,
&
tollS nos devoll's envers les alltreS hom–
mes tant généraux que particuliers. T el efi le fon–
aem~nt
de toute la fageífe humaine , la fource de
toutes les vertus purement naturelles ,
&
le princi–
pe général de toute la morale
&
de toute la
focilté
civile.
1°.
Le bien commun doit etre la regle fupreme
ae notre conduite ,
&
nous ne devons jamais cher–
eher notre avantage particuli;r '. au préjudice,de,l'a–
vantage Pllblic; c'eíl: ce qll eXige de nouS 1umon
que Dieu a
é~ablie en~re .l~s,ho~n; es.
,
2
0.
L'efpnt de fOClablltte dOlt etre umverfel; la
!ociét¿
humaine embraífe tous les hommes a
vec
lef–
quels on peut avoir commerce, puifqu'elle efi fon–
dée fur les relations qu'ils'ont tous enfemble, en con–
féquence de leur nature
&
de leur état.
Voye.{
Hu–
,MANITÉ.
Un prince d'AlIemagne , duc de \Vmem–
berg, fembloit en etre perflladé , lorfqu'un de fes
fuj ets le remerciant de
l
'av.oi~proté~é
cont!e \es pe:–
fécuteurs: mon enfant , 1m da le pnnce, Je
I
aurOlS
dú faire a Pégard d'un tmc; c0!1,ment
y
aurois-je
manqué
a
l'égard d'un de mes fUJets ?
30.
L égalité de nature
entr~
les .hommes, efi un
principe
qll ~
nous ne
de.vo?sJa~als.
perdre de. vue.
Dans
lafocieté
c'efi un pnnClpe etabh par la p11110fo–
phie & par la religion ; quelqu'inégalité que femble
mettre ehtr
'eux.ladifférence des conditions , elle n'a
été introduite que pour les faire mieux arriver, fe:
Ion leur état préfent , tous
a
leur fin commune, q:l1
efi d'etre heurellx antant que le comporte cette Vle
mortelle ; encore cette difE'rence qui paro!t bien
mincea des yeuxphilofophiques ,
e.fi-elle d'une
~our
te durée . il n'y a qu'lIn pas de la Vle
a
la mort ,
&
la
mort mer'au meme terme ce qui efi de plus élevé
&
de plus brillant , avec ce qui eH de
pl~ls
bas
~ ~e
plus
obfcur parmi les hommes.
11
ne fe trouve amÍl, dans
les diverfes conditions, guere plus d'inégalité que
dans les divers perfonnages d:
u.nemem~
comédie : la
fin de la piece remet les comedlens au nlveau de leur
eondition commune, fans que le court intervalle qu'a
duré leur perfonnage, ait perfuadé Oll pll per fuader
él
aucun d'eux, qu'il étoit réellement au-deífus ou
au-deífous des autres. Rien n'efi phis beau dans les
grands, que ce fouvenir de leur égalité avec
le~
au–
tres hommes , par rapport
a
lenr nature.
U~
tralt .du
roi de 5uede, Charles
XII.
peut donner a ce {uJet
une idée plus haute de fes fentimens , que la plus
brillante de fes expéditions. Un domefiique de l'am–
baífadeur de France, attendant un minifire de la cour
de Suede, fut interrogé fur ce qu'il,attendoit, par
une perfonne
a
lui inconnue ,
&
vetue comme un
fImple foldat ; il tint peu de compte -de fatisfaire
a
la curioíité de cet inconnu; un moment apres, des
feigneurs de la cour abordantla perfonne íimplement
vétue, ·la traiterent de votre majefié, c'étoit elfeé1i–
vement le roi; le domeílique au déldl)oir, & fe
croyant perdu, fe
j
ette
a
fes piés ,
&
?eJ~and~
par–
don de fon inconíidération d'avoir pns fa maJeL é,
difoit-il ,
pour un homme. Vous ne vous etes pomt
m¿–
'p
ris
,
lui dit le roi avec humanité ,
rien ne
rejJer~bLe
plus
ti
un hommequ'un roi.
T ous les hommes, en fup–
pofant ce principe de l'égalité qui eíl entre eux , dOl–
vent y conformer leur conduite , pour fe preter mu–
tuellement les fecours ejont ils font capables; ceux
'luí font les plus puiífans , les plus riches , les plus
accrédités , doivent etre dilpolés a employer leur
pui!rance, leurs richeífes,
&
lem autorité, en faveur
soc
de
c:n~ q~li
en manqüent,
&
cela
a
propórtion
dú
b~fol~
qUl efi dans les uns,
&
du ponvoir d'y fubve.
mr qll1 efi dans les autres.
4°. La fociabilité étant d'une obligation
técipro~
que
entr~ ~es
?ommes , ceux qui par lent malice ,
ou
le~lr mJníll~e,
rompent le-lien de la
Jociété,
ne
faurOlent fe plamdre ralfonnablement, íi ceux qu'ils
offen{ent, ne les traitent plus comme amis, ou me–
me s'ils en viennent contre eux a des voies de fait ;
mais.íil'on efi endroit de fufp endre a l'égard d'un en·
neml, les aé1es de la bienveillance, il n'efr jamais
permis d'en étouffer le principe: comme il n'y a que
la néceffité qui nous autorife
a
recourir
a
la force
contre un inJufre aggrel'feur; c'efi 'auffi cette mema
néceffité qui doit etre la regle
&
la mefme du mal
que nOllS pouvons lui faire,
&
nous devons toujours
etre difpofés
a
rentrer en amitié avec lui des qu'il
nous aura rendu juílice,
&
que nous
n'a~rons
plus
rien
a
craindre de fa part. II faut donc bien diílin–
guer la jufie défenfe de foi-meme, de la vengeance;
la premiere ne fait que fu{pendre , par néceffité
&
pour un tems , l'exercice de la bienveillance,
&
n'a
rien d'oppofé a la fociabilité; mais l'antre, étouf–
fant le p ríncipe meme de la bienveillance , met
a
fa
place un fentiment de haine
&
d'animoíité , vicieu"",
en lui-meme , contraire au bien public ,
&
que la loi
l1aturelle condamne formellement.
I
Ces regles généraIes font fertiles en conféquences;
il ne faut faire aucun tort
a
autrui , ni en parole , ni
en aétion , & l'on doit réparer tout dommage : car la
fociéti
ne fauroit fubíifier
fi
l'on fe permet des in–
juílices.
Il faut etre íincere dans fes dífcours,
&
tenir fes
en$age?Iens : car quell€ confia nce les hommes pour–
rOlent-lls prendre les lillS aux autres ;
&
quelle fllre–
té y auroit-il dans le commerce , s'il étoit permis de
tromper
&
de violer la foi donnée
!
-'
Il faut rendre
a
chacun non-feulement le bien qui
lui appartient, mais encore le degré d'efiime
&
d'honneur qui lui efi du , felon fon état
&
fon rang:
paree que la fubordination
d!:
le líen de
lafociété
,
&
que fans cela il n'y auroit aucun ordre dans les famil–
les, ni dans le gouvernement civil.
Mais íi le bien public demande que les inférieurs
obéiífent, le meme bien public veut que les fupérieurs
confervent les droits de ceux quí leur font foumis,
&
ne les gouvernent que pour les rendre plus heu–
reu.x.
~out
fupérieur ne l'efi point pour lui meme ,
malS ul11quemedt pour les alltreS; non pour fa pro–
pre fatisfaétion
&
pour fa grandeur particuliere, mais
pour le bonheur
&
le repos des autres. D ans l'ordre
de la nature, efi-il plus homme qu'eux? a t-il une
ame ou une intelligence fupérieure?
&
quand ill'al!–
roit, a-t-il plus qu'eux d'
env.ieou de befoin de vivre
fatisfait
&
content? A regarder les choles par cet en–
droit, ne feroit-il pas bizarre que tous fuífent pour
un,
&
que plutat un ne fut pas pour tous? d'oll
pourroit-il tirer ce droít? de
Ül
qualité d'homme?
elle lui efi commune avec les autres: du goút de les
dominer? les autres certainement ne lui cederont
pas en ce point : de la poífeffion meme Oll il fe troU–
ve de l'aurorité? qu'il voye de qui il la tient, dans
quelle vue on la lui laiíTe ,
&
a
quelle condit;on; touS
devant contribuerau bien de
laJociété,
il Ydoit bien
plus eífentiellement fervlr , n'étant íi.lpérieur qu'a
titre onéreux , & pour travail1er au bonheur com–
mun,
a
proportion de l'élévation que fa qualité lui
donne au-deífus des autres. Quelqu'tw difoit devant
le roi de Syrie, Antigone, que les princes étoient les
maltres,
&
que tom leur étoit permis:
oui,
reprit-il,
parmi üs barbares ;
ti.
nOtre é'!ard ,
ajouta.t-il,
nous
fommes maltres des chofespré(" i'es, parla raiJon
(,.['hu–
manÍtJ; miú" rien ne notts
efl
permis
,
que ce qui
e.ftcon:
forme
ti.
'la juflice
&
au
d~Yoir.
/