COM
fnorable de la fcélérateífe des envieux,
&
des com–
h ats que doit fe préparer
a
fofttenir celui qui ofe
etre plus fage
&
plus verrueux que fon fiecle.
La fageífe
&
la vertu de Socrare étoient parvenues
a
un fi haut point de fublimité' qu'il ne fallo ir pas
moins qu'un opprobre folennel pour en confoler fa
patrie. Arillophaoe fut chargé de l'infiime emploi de
calomnier Socrate en plein théatre;
&
ce peuple qui
profcrivoit un julle, par la feule raifon qu'il fe laf–
foit ¡le l'enterydre appeller
j ujie,
countt en foule
lt
ce fpeaacle. Socrate y affilla ¡lebout.
T elle étoit la
comédie
a
Athenes, dans le meme
tems que Sophocle
&
Euripide s'y difputoient la
gloire de rendre la vertu intéreífante ,
&
le crime
odieux, par des tableam.:touchans ou terribles. Com–
ment fe pouvoit-il que les memes fpeaateur' applan–
diífent
a
des mceurs fi oppofées? Les héros célébrés
par Sophocle
&
par Euripide éroient morts; le fage
c alomnié par Arillophane étoit vivant: on loue les
grands hommes d'avoir été; on ne leur pardonne
pas d'erre.
Mais ce qui
eil
inconcevable, c'ell qu'un comí–
que groffier, rampant,
&
obfcene, fa ns goftt, fans
mceurs, fans vraiílemblance , ait trouvé des enthou–
:fiaíl:es dans le fiecle de Moliere. 11 ne faut c¡ue Jire
c e qui nous refie d'Arillophane, pour juger , com–
me Plutarque,
que c'ifi moins pour fes lzonnétc
s gensqu'il a écrit, que pour la vile populace, pour des lz.om–
mts perdus d'envie, de
noirce.ur~&
de
débauclu ..
Qu'on
life apres cela l'éloge qu'en fait madame D acier :
J amais homme. n'a
Ulplus
define.ffi, ni un tour plus
ingénieux;
le
jiyle
d'Ariflophan~e
auJ i agtéable que
fon ifprit;
Ji
L'
on
n,
a pas
Lú A
ri oplzane
,
on nt con–
noít pas encare tous les clzarme.s
touus les beautés du
Grec,
&c.
Les magillrats s'appen;ftrent, mais trop tard, que
dans la
cornédie
appellée
rnoyenne
les poetes n'a–
v oienr fait qu'éluder la loi qui défendoit de nom–
mer : ils en porterent une feconde, qui banniífant
du théatre toute imitation perfonnelle, horna la
co–
médie
a
la peinture générale des mceurs.
C'efi alors que:; la
com 'die noavelle
ccífa d'etre une
fatyre, & prit la forme honnete & déccntc qu'elle a
confervée depuis . C'ell dans ce
~enre
que fleurit
Ménandre, poete auffi pur, auffi eléVant, auffi na–
rurel , auffi fimple, qu' Arillophane l étoit peu. On
ne peut, fans regretter fenfiblement les ouvrages de
c e poetc , lire l'éloge qu·en a fait Plutarque, d'ac–
c ord avec toute l'antiquité:
C'ejl
une. prairie éntaiLt.!e
de jleurs, oU L'on aime a rifpire.r un air pur
.. .
.
La
muje
d'./}
riflopharu nffimble
d
une fimme perdue; celle
de fflénnndre
ti
Ullt
lzonne'te firnme .
Mais comme il eíl: plus aifé d·imiter le groffier &
le has , que le délicat
&
le noble , les premie" poe–
t es Latins , enhardis par la liberté
&
la jafouíie ré–
publicaine, fuivirent les traces d'Arifiophane. De
ce nombre fut Plaute lui-meme; fa mufe efi , com–
me celle d'Ariíl:ophane, de l'aveu non fufpefr de
l'un de leurs apolog1lles ,
une bacc!tante, pour ne rien
dire de pis
,
dont la langue
efl
détrempée defiel.
Térenc~
qui fuivit Plaute , comme Ménandre Ari–
fiophane, imita Ménandre fans l'égaler. Céfar l'ap–
p clloit un
demi-Ménandre ,
&
lui reprochoit de n'a–
v oir pas la
force comique;
expreffion que les com–
mentateurs Ont interprété
a
leur fac¡:on, mais qui doit
s'entendre de ces grands traits c¡ui approfondiífent
les caraaeres,
&
qui vont chercher le vice jufque
dans les replis de !'ame, pour l'expofer en plein
théatre au mepris des fpeaarenrs.
'
Plaute efi plus vif, plus gai , plus fort, plus va–
r ié; T erence, plus fin, plus vrai, plus pur, plus
élégant: l'un a l'avantage que donne l'imagination
qui n'efi captivée ni par les regles de l'art ni par
eelles des mceurs, fur le talent aífujctti
1t
tom es ce
T om< 111.
COM
regles; l'autre a le mérire d'avoir concilié l'agré–
ment
&
la décence, la politelle
&
la plaifantcrie ,
l'exaaitude
&
la facilité: Plante toftjours varié , n'a
pas toftjours l'art de plaire; T érence trop fembla–
ble
a
lui-meme' a le don de paroitre toftjoury nou–
veau: on fouhai teroit
a
Plaute !'am e de T érence ,
a
T érence l'efprit de Plante.
Les révolutions que la
comédie
a éprouvées dans
fes prerviers figcs,
&
les différences c1u'on
y
obler–
v e encore aujourd'huj , prennent leur fource dans
le génie des peuples
&
dans la forme des gouverne–
mens: l'adminiftration des affaires publiques, & par
conféquent la conduite des chefs, étant l'objet prin–
cipal de l'envie
&
de la cenfure dans un état démo–
cratique, le peuple d'Athenes, toftjours inc¡uiet
&
mécontent' devoit fe plaire
a
voir expofer fu r la
fcene, non-feulement les vices des particuliers, mais
l'intérieur du gouvernement, les prévaricatioos des
magifirats, les fa utes des généraux, & fa propre fa–
cilité
a
fe laiífer corrompre ou féduire. C'efi ainíi
qu'il a couronné les fatyres politiques d'Arillo–
phane.
C ette licence devoit erre réprimée
a
mefure que
le gouvernement devenoit moins populaire;
&
l'on
s'apperc;:oit .de cette modération dans les dcrnieres
comédies
du
n1éme
auteur, niais plus eneore dans
l'i:
dée qui nous refie de celles de Ménándre, oit l'état
fut
toftjours refpeaé,
&
ou les intrigues privées
prirent la place des affaires publiques.
Les Romains fous les confnls, auffi jaloux de leur
liberté que les Athéniens, mais plus jalonx de la
di–
gnité de leur gouverncment, n'auroient jamais per–
mis queJa république fi'tt expofée aux traits infitl–
ta~
de leurs po'eres. Ainíi les premiers comiques
Lattns hafarderent la fatyre perfonnelle, mais jamais
la fatyre politique.
D es que l'abondance
&
le luxe eurcnt adouci les
mceurs de Rome, la
comldie
elle-meme changea fon
apreté en douceur; & comme les vices des Grecs
avoientpaífé chez
les"R.omains~
Térence, pour les..
imit.er,ne fit que copier Ménandre.
Le meme r apport de convenance a déterminé le
caraaere de la
comédie
fur tous les théatres de I'Eu–
rope, depuis la renaiífance des Lettres.
Un peuple c¡ui affeaoit autrefois dans fes mceurs
une gravité fuperbe,
&
dans fes fcntimens une en–
flure romanefque, a dft fervir de modele
a
des in–
trigues pleines d'incidens
&
de caraaer es hyperboli–
ques. T el ell le théatre Ef¡>agnol; c'ell- Ia feule–
ment c¡ue feroit vrai.([emblable le caraaere de cet
aman! ( Villa Mediana ) :
Q ui brúla fa maifon pour emlmz.Jfor
fo
dame
,
L
'emportane d.-travers
Ltt
jlame.
Mais ni ces exagérations forcées_, ni une Jiceuce d,i–
magination qui viole tomes les regles, ni un raffi–
nement de plaifanterie fouvent puérile, n'ont pft
faire refufer
a
Lopes de Vega une des premieres
places parmi les poetes comiques modernes. Il joi nt
en effet
a
la plus heureufe fagacité dans le choix des
caraaeres,une force;: d'imaginarion que le grand Cor–
neille adrhiroit lui-meme. C'ell de Lopes de Vega
qu'il a empntnté le caraélere du
Mencmr,
dont il di–
foit avec tant de modellie
&
li
peu de raifon ,
qu'il
donneroie deN..X defls nzeiLleuriS pie.ces pour L'ayoir ima–
giné.
Un peuple qui a mis long-tems fon honncur dans
la fidélité des fe mmes,
&
dans une vengeance cruelle
de l'affront d'etrc trahi en amour, a dft fournir des
intrigues périlleufes pour les amans ,
&
capabies
d'exercer la fou.rberie des valets : ce peuple d'ail–
leurs pant.omime , a donné lieu
~
ce jeu muer, qui
quelquefots pan une expreffi?n vtve & plaifante, &
fo uvent par des gnmaces qm rapprochenr l'homme
p p p p
ij