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COM
blance la fiáion de la réalité, l'atl:ion de la
<omJdie
nous étant plus familiere que celle de la tragédie,
&
le défaut de vraiífemblance plus facile a remar–
quer' les regles y doivent e tre plus rigourcufement
obfervées. De-la cette uniré , cette contimúté de
caratl:ere , cetre aifance, cette íimplicité dans le tiífu
<le !'intrigue, ce naturel dans le dtalogue , cette v é–
r ité dans les fentimens ' cet art de cacher l'art meme
Q.ans l'encha1nement des íituations, d'olt réfulte l'il–
luíion théatrale.
Si l'on coníidere le nombre de traits qui caraété–
tifent un perfonnage comique , on peut dire que la
eom&ie
efl: une imitation exagérée.
l1
efl: bien difficile
en effet, qu'il échappe en un jour
a
un feul homme
autant de traits d'avarice que Moliere en a raífem–
blés dans Harpagon ; mais cette exagératio n rentre
d ans-la vraiífemblance lorfque les rrairs font multi–
pliés par des circonfl:ances ménagées avec art. Qnant
;lla fo rce de chaque trait , la vraifie mblance a des
b o rnes. L'Avare de Plaute examinant les mains de
fo n va ler lui dit,
voy ons
la
troijieme,
ce
c¡ul
efi cho–
quant : Moliere a tradnir
L'autre ,
ce qui efi na tnrel,
atténdu que la précipitation de
1'
Avare a pftlui faire
oublier qu'il a déjil examiné deux mains ,
&
prcndre
cclle-ci pour la feconde.
Les
atUres,
efi une fa ure rlu
comédien qui s'eíl: gliífée dans l'imprellio n.
11
efi vrai que la perfpeétive du rhéatre exige un
colo ris
for~
&
de grandes touches , mais da ns de juf–
tes proportions , c'efl:-a-dire re!les que l'oeil du fpe–
él:ateur les réduife fans peine
a
la vérité de la nature.
L e
B ourgeois gmti/hornme
paye les ritres que !tú do n–
n e un complaifant mercenaire , c'efi ce c1u'on voir
t ous les jours; mais il avoue qu'il les pay e ,
voi/a
p our
Lt
M onfoigmur;
c'efi en quoi il renchérit fur fes
inodeles. Moliere tire d'un fo r l'aveu de ce ridicule
po ur le mieux faire appercevoir dans ceux qui onr
l'efprit de le diilimuler. Cette efpece d'exagérarion
d em:mde une grdnde juíl:eífe de raifon
&
de gour. Le
théarre a fo n optique,
&
le tablean efi manqué des
que le fpeétateur s'appen;oit qu'on a outré la nature.
Par la meme raifon, il ne fu ffi t pas pour rendre
l'"mtrigue
&
le dialogue vraiífemblable, d'en ex
el
u–
r e ces
a
parte,
que tout le monde entend excepté l'in–
t erlocuteur ,
&
ces méprifes fo ndées fur une reffem–
blance ou un déguifement prétendu , fuppoíition que
t ous les yeux démentent , hors ceux du perfonnage
qu'on a deffein de tromper; il fa ut e ncore que tollt
ce qui fe paífe & fe dit fu r la fcene foi t une peine
u
re
·fi
nalve de la fociété , qu'on oublie qu'o n eH au f¡Je–
él:acle. Un tableau efl: ma l peint , íi au premier coup
d'oeil on penfe
it
la toile ,
&
íi l'o n remarque la dé–
g radation des couleurs a vant que de voir des con–
rours , des reliefs
&
des lointains. Le preilige de
l'art , c'eíl: de le faire difparoitre au poi nr c¡ue no n–
feu lement l'illuíion précede la réfl exion, mats qu'elle
la repouífe
&
l'écarte. Telle de voit erre l'illu!ion des
Grecs
&
des Romains aux
com.Jdies
de Mt!nandre
&
de T érence, non
a
e
elles d'Ariil:ophane
&
de Plante.
O bfe-rvons cependant ,
it
propos de T érence, que le
poíftble 9ui fuffi t a la vraiJTemblance d'un caraétere
ou d'un cvenement rragique , ne fuffit pas
it
la vérité
des !Dreurs de la
comédie.
Ce n'eíl: point un pere com–
rne
il
peut y en avoir, mais ttn pere comme il y en
f. ;
ce n'eíl point un individu, mais un e efpece qu'il
1 aut prendre pour modele; conrre cette regle peche
e
cra~ere
un!que du
bourreau de
lui-mém~.
e n
ef1
pomt l.tne combinaifon pollible' a la ri-
gueur. e en u
¡· .
11 d'é
.
li
' .
d .
ne tute natnre e
venemens famt-
- ers qut on form
¡•·
.
d
1
,
J '
•
•
d
er
IntT•gue e a
comr:au
>
pnncx-
pe qtu con amne
¡•·
·
,
·
T'
d
rr
Lntngue de 1
H ecyre :
íi tourefOJS
.
erence a eu el.1ein
de
fai re une
com(die.
d'une
ac–
tton toute
pathét~que
•
&
d'ou il écarte juli u'
a
la fin
-avec une précauuon marquée le
íi
1
¡;
q
.
-pouvoit etre plaifam.
eu per onnage qut
C OM
D 'apres ces regles que nous allons avoír occaíl011
de développer
&
d'appliquer , on peut juger des pro-·
gres de la
<omédie
ou plutot de fes révolurions,
Sur le chariot de Thefpis la
com&it
n'étoit qu'un
tiífu d 'injures adreífées a ux paífa ns par des vendan–
geurs barbouillés de líe. Crates ,
a
l 'exemple d'Epi–
charmus
&
de Phormis , poetes Siciliens , l'éleva
fur
un théatre plus décent, & dans un ordre plus régu–
lier. Alors la
comédie
prit pour modele la tragédic in–
v entée par Efchyle , ou plutot !'une
&
l'autre
fe
formerenr fur les poéíies d'Homere ; !'une (ur l'ilia–
de
&
l'Odiífée , l'autre fur le Margites, poeme fa ty–
riqu e du meme auteur ;
&
c'efi-la proprement l'é–
poque de la
~~iJTance d~
la
comédie
Grequ
e.On la divtie
e h
a nctenne , tnoyenne,
&
nou:vt.llt_
rnoins par fes ages que par les différentes modiñca–
tions qu'on y obferva fu ccellivement dans la pein–
ture des moeurs. D 'abord on o fa mettre fur le théa–
tre d'Athenes des fatyres en aétion, c'efi-a-dire des
perfo nnages connus
&
nommés, dont on imitoit les
ridicules
&
les vices: te
U
e fitt la
comédie ancienne.
Les lois , pour réprimer cetre licence , défendirent
de nommer. La maligniré des poetes ni celle des
fpeétareurs ne perdit ríen a cette défenfe ; la relrem–
blance des mafques ' des v etemens, de l'ailion,
dé–
íignerent íi bien les perfonnages, qu'on les nom–
moit en les v oyant : telle fut la
comldie moyennc, oit
le poete n'ayant plus
a
craindre le reproche de
la
perlonnalité, n'en étoir que plus hardi dans fes in–
lit!
tes ; d'auranr plus ffll' d'aiUeurs d:erre applaudí
~
qu'en repaiífant la matice des fpeétateurs par la
noirceur de fes ponraits ,.il ménageoit encore
a
leur
v aniré le plaiftr de deviner
les~odeles.
C'eft dans.ces.
deux genres qu'Ariíl:ophane tnompha tant de folS
a
la honre des Athéniens.
·
La
comédi< fotyrique
préfentoit d'abord une Íace
avantageufe.
11
eft des vices contre lefqaels les lois
n'ont point févi : l'inaratitude , l'infidélité au fecret
&
a
fa parole ' l'ufu.?pation tacite
&
artificieufe. doi
rrré'rlte d'autrui, l'intéret perfonnel dans les alfall'es
publiques' échappent a la févé!ité des lois; la
coml.–
diej'atyrique
y artachoir une peme d'autant plus ter–
rible, qu'il falloit la fubir en
ple~n théa~re;
I:e
c~m
pable y étoit traduit ,
&
le
publ~c
fe fa1fott ¡ulbcc.
C'étoit fans rlo ute ponr entretem;. une
tcrr~""
íi
fa–
lutaire , que non-feulement les poetes farynques fu–
rent d'abord tolérés, mais gagés par les ma.gdl:"ts
comme cenfem s de la république. Piaron
hu·m~me
s'étoit laiífé féd uire
a
cet avanrage apparent, lorf–
qu'il adrnir Ariílophane dans fon
banq~et,
íi toute–
tefois
1'
Ariíl:ophan e comique efl:
1'
Anfiophane d11
banc¡uet; cequ'on peut au
moi~
révoqu:ren dollte.
Il
eíl: v rai que Piaron confeillott a
D: ms
la letlure
des
comMies
de ce poete , pour
~or;~01~e l.e~
m_reurs
de la république d'
A
thenes ; malS c. etOit,!ttt
';'d1qu~r
ttn bon délateur , un efpion adro11 , qu
il
n en eih–
moit pas dava nrage.
Qua
m
aux fuf!Tages des
A thé,~iens,.un
peuple en–
nemi de toute domination devo1t cramdre fur-tout
la fupériorité du
méri.te. La plus
fan~lante,
fatyr:
étoit done
ltll'C
d
eplaiTe
a
CC
pettple ¡a(01L'I:
>
(orf.
qu'elle tomfioit fur l'objet de fa jalouíie.
n
e~
deu."
chofes que les hommes vain5 ne trouvent
Ja~(;alS
•
A
la med1 an-
trop forres; la flaten e pour eux-memes ,
' ord
a
ce contre les am res: ainíi tout concourur d
ab
favorifer la
comédie fotyrique .
On rte fut
pa~
lo':'g–
tems
a
s'appercevoir que le
ral~':'r
de cenfurer
e":"~
pour etre ut.ile devoit erre dm gé par la vertu
'e
que la liberté d; la fatyre accordée
a
un
!"alh~nn~e
homme, éroit un poignard dans les ':"'ams
?
un
•
rieux: mais ce furieux confoloit l'env1e. Voiia pour·
quoi dans Athenes , comme ailleurs , les mécha:;s
onr trouvé rant d'indu.lpence·,
&
les bons tanr
:'
févériré. Témoin la
comedí<
desNul<s ,
exemplcme·