COL
mé des fociétés. L'ambirion, la violence, la guerre,
& meme la multiplicité, obligerent dans la fuite des
mcmbres de ces fociétés de chercher de nouvelles de–
Jneures.
'eíl: ainfi qu'Inachus, Phénicien d'origine, vint
fonder en Grcce le royaume d'Argos, dont fa poíl:é–
rité fu t depuis dépouillée par D anaiis , autre avan–
turier forti de l'Egypte. Cadmus n'of.1nt reparoltre
devaneAgenor fon pere roí de T yr, aborda fur les
confins de la Phocide, & y jetta les fondcmens de
la ville de Thebes. Cécrops
a
la tete d'une
colonie
Egypáenne batit cette ville, qui depuis fous le nom
d'Atlums
devine le temple des Arts
&
des Sciences.
L '
Afrique vit fans inquiétude s'élever les murs de
C arthage , qui la rendir bientot tributaire. L'ltalie
re~ut
les Troyens échappés a la ruine de leur patrie.
C es nouveaux habitans apporterent leurs lois
&
la
connoiífance de leurs arrs dans les régions olt le ha–
fard les conduifit ; mais ils ne formerent que de pe–
tites fociétés , qui prefque toutes s'érigerent en ré–
publiques.
La multiplicité des citoyens dans un territoire
b orné ou peu fertile, allarmoit la liberté: la politi–
que y remédia par l'établiífement des
colonies.
La
perte meme de la liberté ' les révolutions ' les fac–
tions , engageoient quelquefois une partie du peu–
ple
a
quitter fa patrie pour former une nouvelle fo–
ciété plus conforme a fon génie.
T elle eíl: entre autres ['origine de la plupart des
colonies
des Grecs en Afie , en Sicile, en ltalie, dans
les Gaules. Les vltes de conquete
&
d'aggrandiífe–
ment n'entrerent point dans leur plan : quoiqu'aífez
ordinairement chaque
colonie
conferv at les lois , la
religion,
&
le langage de la métropole, elle étoit
libre,
&
ne dépendoit de fes fondatenrs que par les
liens de la reconnoiífance , ou par le befoin d'une dé–
fenfe COffili1UOe: On [es a meme VtteS danS queJques
occafions, aífe2. rares il eíl: vrai, armées !'une contre
l'autre .
Cette feconde efpece de
colonies
eut divers motifs ;
mais l'effet quila caraélérife, ce fut de multiplier les
foc iétés indépendantes parmi les nations , d'aug–
menter la commuoicaáon entre elles, & de les po–
lir.
III. D es que la terre eut aífez d'habitans pour qu'il
leur devint néceífaire d'avoir des propriétés diíl:inc–
tes , cette propriété occafionna des différends entre
cux. Ces différends jugés par les lois entre les mem–
bres d'une fociété ' ne pouvoient l'etre de meme en–
tre les fociétés indépendantes; la force en décida :
la foibleíle du vaincu fut le titre d'une feconde ufur–
p ation,
&
le gage du Cueces ; l'efprit de eonquete
s'empara des hommes.
Le vainqueur, pour aíffirer fes frontieres, difper–
foit les vaincus dans les terres de fon obéiífance,
&
difuibuoÍt les [eurs
a
fes propres fujets ; Oll bien
j]
fe contentoit d'y batir & d'y fortifier des villes nou–
velles, qu'il peuploit de fes foldars & des citoyens
de fon état.
T elle eíl: la troifieme e{pece de
colonies,
dont pref–
<Jlle tomes les hiíl:oires anciennes nous fourniífent
des exemples, fur·tout celles des &rands états. C'eíl:
par ces
colonies
qu'Alexandre conont une multitude
de peuples vaincus fi rapidemenr. Les Romains , des
l'enfance de leur république , s'en fervirenr pour
l'accroltre;
&
dans le tems de leur vaíl:e domina–
ñ on, ce furent les barrieres qui la défendirent long–
rems contre les Parthes
&
les peuples du Nord.
C ette efpece de
colcnie
éroit une fuite de la con–
qu~te,
&
elle en lit la fltreté.
lV. Les excurfions des Gaulois en ltalie, des
Goths
&
des Vandales dans toute l'Europe
&
en
Afrique , des T artares dans la Chine, forme n! une
s uatrieme efpece de
,otonies.
Ces peuples chaífés de
Tom,'
111,
leur pays par d'a_utres peuples pi:ls puiífans , ou par
la nufere, ou attll'és par la connotífance d'un climat
plus doux
&
d'une campagne plus fertile, conqui–
rent pour partager les terres avec les vaincus
&
n'y faire qu'une nation avec eux : bien différen; en
cela des autres conquérans qui fembloient ne cher–
cher que d'autres ennemis , comme les Scythes en
Afie; ou a étendre leurs fronrieres, comme les fo n-
dateurs des quatt·e grands empires.
'
L'effet de ces
colonies
de barbares fut d'effa'rou–
cher les Arts ,
&
de répandre l'lgnorance Hans les
contrées ott elles
s'établir.ent:en n\eme tems elles y
augmenterent la
populatJ.on,
&
fonderent de puif–
fantes monarchies.
V. La cinquieme efpece de
colonies
eíl: de celles
c¡u'a fondées l'efprit de commerce,
&
qui enrichif–
íent la métropole.
T yr, C arthage, & Marfeilfe, les feu les.'villes de
l'antiquitc! qui ayent fondé leur puiífance fur le com–
merce, font auffi les feules 9ui ayent fuiv_i ce plan
daos
quelqt~es-unes
de leurs
colonies.
Utique b5tie
par les Tynens pres de
2.00
ans avant la fuite d'E–
liíf~ , pl~s
connue fous. le nom de
Didon,
ne préten–
dtt ¡amats.a aucun e':'ptre fur
le~ terres
de l'Afrique :
elle fervott de retratte aux vatlfeáux des T y riens
ainfi que les
'olonies
établies
a
Malthe
&
le Ion;
des cotes fréquentées par les Phéniciens. C adix"
!'une de leurs plus anciennes & de leurs plus fameu:
fes
colonies
,
ne prétendit jamais qu'au commerce
de. l'Efpagne,
~ans entr~pre?dre
de .luí donner des
lots. La fondat10n de Ltlybel" en Stcile ne do,ma
aux Tyriens aucune idée de conqut!te fur cette !le.
Le commerce ne fut point l'objet de l'établiffe- •
ment de Carthage , ma1s 'elle chercha a s'agarandir
par le commerce. C'eíl: pour l'étcndrc ou le
~onfer-'
ver exclufivement , qu'elle fut guerriere ,
&
qu'on
la vir difputer
a
Rome la Sicile, la ardaigne, l'Ef–
pagne , l'ltalie,
&
meme fes remparts. Ses
colonies
le long des cotes de l'Afrique;
liu-
]'une & l'autre
mer jufqu'a Cerné, augmentoienr plus fes richeífes
que la force de foa empire.
Marfeille,
colonie
des Phocéens chafrés de leur pays
&
enfuite de l'lle de Corfe par les T yriens , ne s'oc–
cupa dans un terriroire íl:érile que de fa pechi!- de
Con
commerce,
&
de fon indépendance. Ses
cÓlonies
en Efpagne
&
fur les. cotes méridionales des Gau–
les , n'avoient point d'autres motifs.
Ces forres d'établiífemens étoient doublement né–
ceífaires aux peuples qui
s'adonnoi~nt
au commer–
ce. Leur navigation dépourvue du fccours de la bouf–
fole, éroit timide; ils n'ofoient fe hafarder trop loin
des cotes' & la longueur néceífaire des voyages exi–
geoit des retraites ffll'es
&
abondanres pour les na–
vigateurs. La plftpart des peuples avec lefquels ils
trafiquoient, ou ne fe ra1Tembloient point dans des
villes , ou uniquement occupés de leurs befoins , ne
metroient aucune valeur au fuperflu. ll étoit indif–
penfable d'établir des entrepots qui fiífent le com–
merce intérieur ,
&
Ott les vaiífeaux puífent en arri–
vant faire leurs échanges.
La forme de ces
colonies
répondoit afrez
il
eelles
des nations commer,antes de l'Emope en Afrique
&
dans l'Inde: elles y onr des comptoirs
&
des forteref–
fes pour la commodité
&
la fitreté de leur commer–
ce.'Ces
colonies
dérogeroient a leur iníl:iturion,
fi
elles devenoient conquéranres '
a
moins que l'état
ne fe charge!lt de lem dépenfe; il faut qu'elles foient
fous la dépendance d'une
compagni~
riche & exclu–
fi ve, en état de fo rmer
&
de fuivre des projets poli–
tiques. D ans l'lnde on ne regarde comme marchands
que les Anglois, parmi les grandes nations de l'Eu–
rope qui y commercent; fans doute, paree qu'ils Y.
font les moins puiífans en poífeffions.
VI, La
dé~ouvene
de
1'
Amérique vers la fin du;
N Nn n