COL
• J'ai entendu quelquefois regretter les thefes qu'on
foutenoit autrefois en Cree; ¡'ai bien plus de regrec
qu'on nc les fofttienne pas en
Fran~ois;
on feroit
obligé d'y parler raifon, ou de fe taire.
Les langues érrangeres dans lefquelles nous avons
un grand nombre de bo
auteurs, corñme l'An–
glois
&
l'Italien,
&
pcut- etre l' Allemand
&
l'Efpa–
gnol, devroient auíli entre( dans l'éducation des
colléges;
la plttpart fero ient plus utiles a favoir que
des langues mortes, dont les favans feuls font
a
por–
; ée de faire ufage.
J'en dis autant de l'Hiitoire & de toutes les (cien–
ces qui s'y rapportent, comme la Chronologie
&
la
C éographie. Malgré le peu de cas
~te
l'on parolt
faire dans les
colliges
de l'étude de l Hiitoire , c'cfi
peut-l~tre
l'enfance qui efi le tems le plus propre a
l'apprendre. L'Hifioire alfez inutile au commun des
hommes, efi fort utile aux enfans , par les exemples
qu 'elle leur préfente, & les
le~ons
vivames de ver–
tu qu'elte peut Jeur donner, dans un age
OÍl
ils n'ont
point encore de príncipes fixes, ni bons ni mauvais.
Ce n'efi pasa trente ans qu'il faut commencer
a
l'ap–
prendre, a moins que cene foit pour la fimple cu–
riofité; paree qu'a trente ans l'efprit & le creur font
c e qu'ils feront pour tom e la vie. Au refie, un bom–
me d'efprit de ma co nnoiifance voudroit qu'on étu–
diat
&
qu'oñ enfeignih l'Hifioire a-rebours, c'eft-a–
dire en
commen~anr
par no tre tems,
&
remontant
d
e.Jaaux fi ecles palfés. Cette idée
me
parolt tres–
jufte, & rres-philofophique:
a
quoi bon ennuyer d'a–
bord un enfant de l'hiitoire de Pharamond, de Clo–
vis, de Charlemagne, de Céfar,
&
d'Alexandre, &
lui laiífer ignorer
e
elle de 1"on tems, comme il arri–
ve prefque rottjours , par le dégour que les commen-
c emens tui infpirent?
_
A l'égard de la Rhétorique, on voudroit qu'elle
c o nfiíl:ilt beaucoup plus en exeroples c¡u'en précep–
tes.; qu'on·ne fe bomat pasa Jire eles auteurs anciens,
& a les faire aclmirer quelc¡uefois alfez mal-a-pro–
pos; qu'on ettt le courage de les critiquer fouvent,
les comparer avec les auteurs modernes,
&
de faire
v oir en quoi nous avons de l'avanrage ou du defa–
v amage lltr les Romains
&
fur les Crees. Peut- erre
memedev roit·o n faire précéder la Rhétorique par-la
Pbilofophie; car en
fin ,
il faut apprendre a penfer
a vant que d'écrire.
.
..
D ans la Philofophie, on borneroit la Logique a
quelques lignes; la Métaphyfic¡ue,
a
un abregé de
J..ocke ; la Morale purement philofophique, aux
OL~vrages de Séneque & d'Epifrete ; la Morale chré–
tienne, au fermon de Jefus-Chrifi fur la montagne;
la Ph.yfique, aux expériences
&
a la Céométrie, c¡ui
efi de routes les logiques
&
phyfiques la meilleure.
O n voudroit enfin qu'on joignlt
a
ces différentes
études , celle des beaux Arts,
&
fur-rout de la Mu–
fique, émde fi propre pour fo rmer le goftt,.
&
pour
adoucir les 1'hrems,
&
dont on peut bten dtre avec
Cicéron :
Hac flu.dia adoLifcentiam alunt
_,
ftnefluu.nzoble.Elant,
j
ucundas res ornant,
advujis_peifugirtm
&
f olatiuln
pra!bent,
. Ce plan d'études iroit, je l'avoue , a multiplier
les mattres
&
le tems de l'éducation. Mais
1°.
il me
femble que les jeunes gens en fortant plCttard du
col–
lége,
y gagneroient de toures manieres, s'ils en fo r–
toient plus infiruits.
:>.
0
•
Les enfans font plus capables
d'application
&
d'intelligencc qu'on ne le
croit
com–
munément; j'en appelle
a
l'expérience;
&
fi ' par
exemple, on leur apprenoit de bonne heure la Céo–
métrie, je ne doute point que les prodiges
&
les ta–
lens précoccs en ce genre ne fuílent beaucoup plus
fréquens: il n'efi guere de fcience dont on ne puiíre
infiruire l'efprit le plus borné , avec beaucoup d'or–
dre
&
de méthode; mais c'eft-13. pour l'ordinaire par
ou l'on peche. 3°. Il ne feroít pas néceífaíre d'appli- ,
,
'
'"'1
COL
<juer tous les enfans a tous ces objets
a
1a fois. on
pourroit ne les monrrer que fucceílivement; quel–
ques-uns
pourroie~t
fe
b~r~er
a
u~
certa!n genre ;
&
dans cette qttannre prodtgteufe, tl ferott bien diffi–
cile qu'un jeu ne homme n'eut du goCtt pour aucun.
A
u refte c'efi au gouvernement, comme je l'ai clir
a faire changer la-deífus la routine
&
l'ufage; qu'il
parle ,
&
il
fe trouvera alfez de bons citoyens pour
propofer un excellent plan d'études. Mais en atten–
dant cette réforme , dont nos neveux auront peut–
&tre le bonheur de joiiir ' je ne balance point
a
croire que l'éducation des
coLléges ,
relle qu'elle
e~
efi fuj etre
a
beauco.upplus d'inconvéniens qu'un:
éducation privée, o!t ilefi beaucoup plus facile de fe
procurer les diverfes conno ilfances dont je viens de
faire le détail.
Je fai gu'on fait fonner tres-haut deux r;rands avan–
tages en faveur de l'édncarion des
coLleges ,
la
(ocié–
té
&
l'émulation : mais il me femble qu' il ne
feroi~
pas impo!Tible de fe les procurer dans l'éducarion
privée ' en liant cnfemble quelques enfa ns a-peu·pres
de la meme force
&
du meme ar;e. D'ailleurs , j'en
prends
a
témoin les. maltres, l'emularion dans les
colliges
eft bien rare;
&
il l'égard de la fociété, elle
n'eft pas fans de grands inconvéniens: j'ai déja tou–
ché ceux c¡ui en réfnltent par rapport aux mreurs ;
mais je veux parler ici d'un autre qui n'efi que trop
commun , fur-tout dans les lieux oü on éleve beau–
coup de jeune noble/fe; on leur parle
a
.chaque in–
íl:anr de leur naiífance
&
de leur grandeur,
&
par–
la on leur infpire, fans le vouloir, des fentimens
d 'orgueil
a
l'égard des autres. On exhorte ceux qui
préfident
a
l'infimfrion de la jeunelfe' a s'examiner
foigneufement fur un point de fi grande impor tance.
Un autre iñconvénient de l'éducation des
colliges.
efi que le maltre fe trouve obligé de proportionner
fa marche a u plus granel nombre de fes di(ciples,
c'efi-a-dire aux génies médiocres; ce qui enrraine
pour les génies plus
he~treux
une perte de tems con–
[ldérable.
·Je
n~ puis
m'empecher non plus de fa ire fenrir
a
cette occaJion les inconvéniens de l'infirnfrion gra–
tuite ,
&
je fuis afiCtré d'avoir ici
po.urmoi tous les
profelfeurs les plus éclairés
&
les plus célébres:
fi
cet établifiement a fait quelqtte bien aux difciples ,
il a fai t encore plus de mal aux maitres .
Au refie, fi l'éducation de la jeuneífe efi négligée;
ne nous en prenons qu,a nous-memes , &
au
peu de
co nfidération que nous témoignons a ceux qui s'er¡.
chargent; c'eft le fruit de cet efprit de futi lité c¡ui re–
gne dans notre nation,
&
c¡ui abforbe , pour ainíi
dire , tout le refie. En France on fait peu de gré a
quelqu'un de·remplir les deyoirs d,e fon état; on ai–
me mieu" qu'il foit frivole.
Voyet
EDVCATION. .
Voila ce que l'amour du bie.n public m'a infpiré
de dire ici fur l'éducation, taot publique que privée:
d'ou il s'énfuit <J,Ue l'éducation publique ,{e devroit
é tre la refJouri:e que des enfans dont les parens ne
font malheureufement pas en état de fourni'r
a
la dé–
penfe d'une éducation domefiique. Je ni" puis penfer
fans regret au tem,s que j'ai perdu dans
m~n
enfan–
ce: c'eíl: a l'ufage ·erabh'
&
non a mes mattres, que
j'impute cette perte
irrépar~le;
&
¡e vo.udrois que
mon
expérienc~
pttt erre urde
a
roa patne.
E xoria–
re.
aliquis. (O)
- · COL·LÉGE ,
(Jr¡rijjmtd. )
les
colléges
defiinés pour
l'éducation de la jeunefie , ne fonr conftdérés que.
.comme des
corps
tales ., quoique de fa ir ils (oient
mixtes, c'efi·a-dire compofés d'ecdéfiafiiques
&
de
talques.
Les places de p.rincipal ni les bour[es des
colléges
ne fonr poirtt des bénélices ; elles ne font poinr íi.t–
jetres
a
la régale.
Voyt{
Ch.opin,
de facr. po/ir. lib. I.
tit. v.
f1..
9·
&
fuiv.