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ARG

<Iuantité comme íigne ; fixer celle qui eíl: entre

?i–

vers métat'x employés a la monnoie ; établir le pOlds

&

le citre de chaque piece ,

&

donner

a

la

'pi~ce

de

monnoie la valeur idéale , qu'il faut bien

d~{hnguer

de la valeur réelle , parce que l'tUle eíl: intnnfeque,

l'autre d'infritution; l'une de la nature, l'autre de

la loi. Une IYrande {!.uantité d'or

&

d'argent

efi

tou–

jours favorable, loric¡u'on regarde ees métaux com–

me marchandife: mais il n'en efi pas de

m~me

lorf–

.qu'on les regarde comme.

~gne,

parce gue leur

abondance mút a leur quallte de íigne , qUl efi fon–

dée fur la rareté.

L'argent

efi une richeITe de fiaion;

plus cette opulence fiüice fe multiplie, plus elle

perd de fon prix, parce qu'elle repréfente moins:

c'efi ce que les Efpagnols ne comprirent pas lors de

la conql.1ete du Mexiqlle

&

du Pérou.

L'or

&

l'argenl

étoient alors tres-rares en Europe.

L'Efpagne, maitreITe tout d'un coup d'une tres-gran–

de quantité de ces métaux , conC;:llt des efpérances

qu'elle n'avoit jamais eues : les richeffes repréfenta–

tives doublerent bientot en Europe , ce qui parut en

ce que le prix de tout ce qui s'acheta fut environ du

double: mais

l'argene

ne pllt doubler enEurope, que

le profit de l'exploitation des IlÚnes, coníidéré en

lui-m~me

&

fans égard aux pertes (Iue cette eA'Ploi–

tation entrame, ne dimimdit du double pour les Ef–

pagnols, qui n'avoient chaque année que la meme

quantité d'un métal qui étoit devenu la moitié moins

précieux. Dans le double de tems

l'argent

doubla en–

core,

&

le profit diminua encore de la moitié ; il di–

IlÚnua meme dans une progreffion plus forte: en voi–

ei la preuve que donne l'auteur de

l'Efprit des Lois,

lomo

1I.

pago

48. Pour tirer l'or des mines, pOlU lui

donner les préparations requifes,

&

le tranfporter en

Enrope ) il falloit une dépenfe quelconque; foit cette

dépenfe comme

1

efi

a

64:

quand

I'Mgene

fut une

fois doublé ,

&

par conféquent la moitié moins pré–

cieux, la dépenfe nlt comme 2. a

64,

cela efi évi–

dent; ainíi les flotes qui apporterent en Efpagne la

meme quantité d'or, apporterent une chofe <[ui réel–

lement valoit la moitié moins ,

&

COlltoit la moitié

plus. Si on fuit la meme progreíTion ,on aura celle

de la caufe de l'impuiffance des richeífes de l'Efpa–

gne. Il ya environ deux cens ans que l'on travaille

les mines des Indes : foit la quaatité

d'argene

qui

efr

a préfent dans le monde c¡ui commerce , 11 la quanti–

té qui y étoit avant la decouverte comme 32. al,

c'efr-a-dire qll'elle ait doublé cinq fois, d,ans deux

eens ans encore la meme <[uantité fera

a

celle qtú

étoit avant la découverte, comme

64

al, c'efr-a–

dire , qu'elle doublera encore. Or

a

préíent cin–

quante <[uintaux de minerai pour l'or , donnent qua–

tre , cinq

&

{¡x onces d'or ;

&

quand ü n'yen a qtle

deux, le mineur ne retire que fes frais : dans dew.::

cens ans, lorfqu'il n'y en aura <[ue <[uatre, le IlÚneur

ne tirera auffi que fes frais ; il Y anra donc peu de

profit 11 tirer fur l'or : meme raifonnement fur

['af–

gene,

excepté que le travail des mines d'

argene

efi un

peu plus avantageux que celui des mines d'or. Si l'on

découvre des mines {¡ abondantes qu'elles donnent

plus de profit , plus elles feront abondantes, pllltot

le profit finira. Si les Portugais ont en effet trouvé

dans le Bréfu des mine d'or

&

d'argene

tres-riches,

il faudra

néceífair~ment

que le profit des Efpagnols

diminue coníidérablement,

&

le leur auffi. J'ai oiü

déplorer pluíieurs fois, dit I'auteur que nous venons

de citer, l'aveuglement du confeil de Franc;:ois pre–

~er

, qui rebuta Cbrifrophe Colomb qttÍ lui propo–

fOlt les Indes: en vérité , continue le meme auteur ,

on fit.peut-etre par imprudence une chofe bien fage.

En fUlVant le calcul qui précede fur la multiplication

de l'

argcn~

en Europe , il efi facile de trouver le tems

olteette ncl?efre repréfentative fera íi commune c¡u'–

elle ne fervua plus de rien : mais c¡uand cette valeur

ARG

fera réduite a rien, qu'arrivera-t-il

?

Précifément ce

gui étoit arrivé chez les Lacédémoruens lorfque l'

af–

gene

ayant été précipité dans la mer,

&

le fer fubili–

tué

a

fa place, il en falloit une charretée pour con–

clurre un u-es-petit marché: ce malheur fera-t-il done

íi grand,

&

croit-on que qlland ce íigne metallique

fera devenu, par fon volume , tres-incommode pour

le commerce, les hommes n'ayent pas l'indufirie

d'en imaginer un autre? Cet inconvénient efi de

tous cellX <[lÚ peuvent arriver le plus facile a répa–

rer. Si

l'argent

efi également commun partout, dans

tous les royaumes ; fi tous les peuples fe trouvent

a.

la fois obligés de renoncer

a

ce figne , il n 'y a point

de

mal;

il Y a meme un bien, en ce qtle les particu–

liers les moins opluens pourront fe procurer des vaif–

felles propres, faines

&

folides. C'efi apparemment

d'apres ces principes, bons ou mauvais ,

(IUC

les Ef–

pagnols ont raifonné lorfqu'üs ont défendu d'em–

ployer l'or

&

l'argenl

en dorure

&

autres fuperflui–

tés ; on diroit qu'ils ont craint que ces íignes de la

richeífe ne tardaífent trop long-tems

a

s'anéantir

a

force de devenir commllns.

Il s'enfuit, de tout ce qui précede , que l'or

&

l'

ar–

gene

fe détruifant peu par eux-memes, étant des fi–

gnes tres-durables, il n'efi prefqtle d'aucllne impor–

tance qtle leur quantité abfolue n'augmente pas,

&

que cette augmentation peut a la longue les réduire

¡\

l'état des chofes communes qui n'ont du prix <[u'au–

tant

~u

'elles font utile alIJe ufages de la vie,

&

par

confequent les dépouiller de leur qualité repréfenta–

tive, ce qui ne feroit peut-etre pas un grand malheur

pour les petites republiqtles : mais pOlU les grands

états, c'efi autre chofe; car on conc;:oit bien qua

ce que j'ai dit plus haut efi moins mon fenciment,

qu'une maruere frappante de faire fentir l'abflUdité

de l'ordonnance des Efpagnols fur l'emploi de l'or

&

de

l'argmt

en meubles,

&

étoffes de luxe. Mais

íi l'ordonnance des Efpagnols efi mal raifonnée, c'efi

c¡u'et:lOt poífeífeurs des IlÚnes, on conc;:oit combien

i1

étoit de leur intéret cJlle la maciere qu'ils en tiroient s'a–

neantlt

&

dev¡nt peu commune, afio qtt'elle en

mt

d'autant plus précieufe;

&

non-précifément parledan–

ger qu'il y avoit qtle ce figne de la richeffe ñlt jamais

réduít

a

rien ,

a

force de fe multiplier: c'efi ce dont

on fe convaincra facilement par le calcul qltÍ fui1. Si

l'etat de l'Europe refioit durant encore deux IlÚlle

ans exaüement tel qtl'il efi aujourd'hui, fans aucune

viciíTitude feníible; que les mines du Pérou ne s'é–

puifaifent point,

&

puffent tOlljOlUS fe trava.iller;

&

que par leur produit l'augmentation de l'argent en Eu–

lOpe fuivit la proportion des deux cens premieres an–

nées, celle de 32.

¡\

1,

il efi évident qtle dans dix-fept

a díx-huit cens ans d'ici, l'argent ne íeroit pas encore

aífez commun, pour ne pouvoir etre employé

a

re–

préfenter la richeffe. Car íi l'argent étoit deux cens

<[uatre-vingts-huit fois plus commun, un figne éc¡ui–

valent

¡\

notre píece de vingt-quatre fous devroitetre

deux cens quatre-villgt-huit fois plus grand, ou no–

tre piece de vingt-c¡uatre fous n'équivaudroit alors

qtl'un íigne deux cens qtlatre-vingts-huit fois plus pe–

tit. Mais il

y

a deux cens quatre-vingts·huit deniers

dans notre piece de vingt-c¡uatre fous; donc notre

piece de vingt-qtlatre fous ne repréfenteroit alors qtle

le denier; repréCentation

~ui Ü~roit

11 la verité fort

incommode, mais qui n'aneantiroit pas encore tout–

a-faít dans ce métalla qualité repréfentatiye. Or dans

combien de tems penfe-t-on que l'argent devienne

deux cens qtlatre-vingt-huit fois plus commun, en fui–

vant le rapport d'accroiífement de 32.

a

1

par deux

ccns ans? dans 1800 ans, a compter depuis le ma:–

ment oit l'on a commencé a travailler les mines, ou

dans 1600 ans

a

compter d'aujourd'hui. Car 32. efr

neuf fois dans 2.88, c'efi-a-dire, que dans neuf fois'

deux cens ans, la quantiré d'argent en Europe fera

a