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:XVI

DISCOllRS PRELIMINAIRE

.roujours dansune pareille diviíion, pour croire que notre

ry{h~me

roÍr l'unique ou le meilleur;

Ílnous fuffira que notre travail ne foit pas entierement deraprouvé par les bons efprits..Nous

ne voulons point reírembler a cette foule de Naturaliítes qu'un Philorophe moderne a eu

..rartt

de raifon de cenrurer;

&

qui occupés fans ceíre a divirer les produEl:ions de la Natllre

'en genres

&

en erpeces, ont con[lImé dans ce travail un tems qu'ils auroient beallcoup

mieux employé a !'étude de 'ces produEl:ions meme.

Que

diroit-on d'un ArchiteEl:e qui

ayam a élever un édifice immenfe, paíreroit tome fa vie

él

en tracer le plan; ou d'un Curieux

qui fe propo[antde parcomir un vaíl:e palais, employeroit tout fOil tems a en obferver

l'entrée?

Les objets dOAt notre ame s'occupe, [ont ou rpirituels ou matériels,

&

notre ame s'oc–

cupe de ces objets ou par des idées ¿ireEl:es ou par des idées réfléchies. Le fyíteme des

..connoiírances direEl:es ne peut C'oníifier que dans la colleEl:ion purement paffive

&

comme

machinale de ces memes connoiírances; c'eít ce qu'on appelle mémoire. La réflexion eíl:

de deux [ortes, noos l'avons déj1t obrervé; ou elle r1üfonne fur les objets des idées direétes-,

ou elle les imite. Ainíi la mémoire, la raifon proprement dite,

&

l'imagination , font les

trois manieres différentes dont notre ame opere rur les objets de fes peníees. Nous ne pre–

..nons point ici l'imagination pour ra faculté qu'on a de fe reprérenter les objets; parce que

cette faculté n'eít autre chofe que la mémoire meme des objets feníibles, mémoire qui

,[eroit dans un continuel exercice, íi elle n'étoit foulagée par l'invention des íignes. Nous

_prenons l'imagination dans un fens plus noble

&

plus précis, pour le talent de créer en irnitanr.

Ces rrois facultés forment d'abord les troís diviíions générales de notre ryíl:eme,

&

les

trois obj.ets généraux des connoiírances humaines; !'Hiíl:oire, qui fe rappone a la mémoire;

la

Phílofophie , qui eít le frui.c de la raifoQ;

&

les Beaux-arrs, que l'imagination fait nalrre•

.si nous plac¡:ons la raifon avant l'imagination, cer ordre nous paroit bien tondé,

&

conforme

au progres naturel des opératwns de l'eíprit : l'imagination eíl: une faculté créatrice,

&

l'.e[prit, avant de fonger

a

c,réer, commence par raironner fur ce qu'il vbit,

&

ce qu'il

.connolt. Un autre morif quí doír déterminer a placer la rairon avant l'ímagination, c'eíl:

que dans cette derniere faculté de l'ame, les deux autres fe trouvem réunies ju[qu'a un

<ertaín point,

&

que la rai[on s'y joinr a la mémoire. L'etprit ne crée

&

n'imagine des

ob.jets qu'en tam qu'ils font femblables a ceux qu'il a connus par des ídées direEl:es

&

par

des fenfartons; plus

ils~éloigne

de ces objets, plus les erres qu'il forme [onr bifarres

&

peu agréables. Ainíi dans l'imiraríon de la Narure, l'invention meme eíl: aírujettie a cerraínes

regles;

&

ce fom ces regles qui formem principalement la parrie philoíopbique des Beaux–

artS,

jufqu'a pré[ent aírez imparfiire, parce qu'elle ne peut etre l'ouvrage que du génie,

&

que le génie aime mieux créer que di[curer.

,

Enfin, íi OA examine les progres de la raifon dans fes opérarions fuccelllves, on fe con–

vaincra encore qu'elle doit précéder l'imaginatíon dans l'ordre de nos facultés, puifque la

'¡-aifoll, par les dernieres opérarions qu'elle fait fur les objets , conduit en quelque forre él l'i–

magination: car ces opérations ne coníiíl:ent qu'a créer, pour ainíi dire, des etreS généraux,

qui féparés de leur fujet par abíl:raEl:ion, ne fom plus du reírort immédíat de nos fens. Auffi

la

Métaphyíique

&

la Géomérrie font de toutes les Sciences qui appartiennent

el

la raifon,

-celles on l'imaginarion a le. plus de parr. fen demande pardon a nos beaux e[prirs détraEl:eurs

.de la Géométrie ; ils ne fe croyoient pas,fans doute íi pres d'elle ,

&

il n'y a peut-etre que la

Méiaphyíique qui les en fépare. L'imagination.dans un Géometre qui crée , n'agit pas moins

que dans un Poete qui invente.

II

eít vraí qu'ils operent dlfféremmenr fur leur objet; le pre–

mier le dépouille

&

l'analy[e, le fecond le compofe

&

l'embellit.

Il

eíl: encore vrai que certe

maniere différeme d'opérer "'appartient qu'a différenres fortes d'efprits;

&

c'eil: pour cela que

les talens da grand Géometre

&

du grand Poere ne fe trouveronr peut-etre jamais enfemble.

Mais foít qu'ils s'exc!uent ou ne s'exc!uent pas l'un l'autre, ils ne font nullement en droir de

fe méprifer réciproquement. De touS les grands hommes de l'antiquité, Archimede eíl: peut–

.erre ceIui qui mérite le plus d'erre placé a coté d'Homere. re[pere qu'on pardonnera cetre

digreffion a un Géometre

~ui

aime fon art , maís qu'on n'accu[era point d'en etre admira–

-teur outré,

&

je reviens él illlon fujet.

La diítribution générale des erres en fpirituels

&

en matériels fournit la fous -diviíion

.des trois branches générales. L'Hiíl:oire

&

la Philofophie s'occupent également de ces deux

efpeces d'.etres.,

&

l'imaginaúon ne travaille que d'apres les etres puremenr matériels; nou–

velle raifon pour la placer la derniere dans l'ordre de nos facultés.

A

la tete des etreS fpirimels

eíl: Dieu, qui doit tenir le premier rang par fa nature,

&

par le befoin que nous avons de

le connoltre. Au-deírous de cet Erre [upreme font les e[prits créés, dom la révélation nous

apprend l'exiítence. Enfuite vient l'homme, qui compofé de deux principes, tient par fon

ame aux e[prits,

&

par fon corps au monde matériel;

&

enfin ce vaíl:e Unívers que nous

appelloni le Monde corporel ou la Nature. Nous ignorons pourquoi l'Auteur célebre qui,

nous