EXP
for Mtre
eceur une impreffion plus tri!le qu'une (uite
de notes afcendantes: en donnant toutes fortes de mou–
vemens
a
ces notes defcendanres, vous produirez de
la gravire, de la colere
&
de la fureur , mais fombres;
&
a coup fiir , Jes notes defcendantes ne peuvent pas
produire le mecne effet que Jes afcendantes.
De toutes Jes melo<lies qui vent par fauts, celle
q ui parcourt !'accord parfait majeur en montant, doit
etre
la plus agreable
&
remuer le mains, parce que
taus les
fons qui fe fuccedent font deja contenus
&
annonccs dans
le
premier. Une melodie qui va dia–
toniquement, remue plus. La melodie qui parcourt
l'accord parfait en allant de l'aigu au grave, e!t mains
naturelle, elle e!t auffi plus trill:e. Si la melodic, au
l ieu d'aller par fauts confonnans, va par fauts dilfo–
nans , elle frappe plus ;
&
en montant exprime de
l'etonnement
&
de l'ecnportement: en defcendant , de
la gravite , de la
tri!tclTe, de l'horreur. Le fam de
fauffe
quince ~.
en montant , e!t doux
&
trifle: cclui
de
triton
e!t dur; ii caufe un ctonnement mele de
fo_
reur. Les petits fau ts font en dfct moindres que Jes
grands. Un faut de fixte mineure en montant,
&
un
de fixte majeure, font un effet tout different. Montez
d iatoniquemcnt un imervalle de quince , en
y
inferant
un triton etranger au mode, comme
ut, re ; mi , fa ,
Ji
l ;
&
pour peu que
le
mouvement foit vif, vous
fcn tirez que cela vous agite , vous infpire de la co–
lere. Defcendez diatoniquement un intervallc de quin–
te, en
y
inferant un
b
mol , comme
tit,
Ji ,
la,
fol ,
f a
;
&
vous fentirez un fenciment trifle. Si l"on mon–
te par fomi-tons avec un mouvemenc lent, on impri–
me de la cri!tc<re : defcendcz par femi-tons avec le
meme mouvement ,
&
la trifte<re fera portee
a
fan com–
ble. Augmentez-vous la vitclTe de ces deux traits de
czhan~;
le premier
infpircra de la fureur;
le
fecond,
de l'horreur.
Arretons-nous ici pour ce qui regarde le mouvemcnt
&
la marche de la limple melodic. J'en ai dit afTez
pollr montrer comment ces deux chafes peuvcnt aug–
menter l'expreffion par l'analogie; en allant plus loin,
je courrois rifque de m'egarer.
La mefure eft encore une des principales fources
de
l'exprefiion de la melodic. La mefure
a
quatre terns
cit
trifte, lorfqu'elle e!t tres-lente; mains lente , elle
n'e!t que grave ; mains Jenee encore ,
elle
a quelquc
chofe de grand , de majeftueux. Lorfqu'elle cft
11/le–
gro ,
elle dcvicnt impofante , fiere ; enfin plus vice ,
elle e!t imperneufe , emportee , forieufe. Faites pa!fer
la
mefure
a
crois
terns par tous ces degres , die ne
pcrdra jamais
fa
douceur: ainll, lente elle exprimera
une triltelTe affeEtueufe ; mains lente, de Ja cendrelTe;
un peu vite , du contentement; plus vite de la gaie–
te , mais jamais de la colere;
a
moins que vous n'e–
touffiez
fa
douceur naturelle par le genre de vocrc
chant, par l'accompagnement,
&c.
L a mefure de .;, participe de la mefure
a
deux terns
&
de celle a trois ; car
elk
e!t compofee de deux terns
egaux, qui le font chachun de trois. Cette forte <le
rnefure efl: propre aux affetl:ions deuces
&
gracieufes:
c'e!t auffi eel
le
des pafiorales, quand
el
le
e!t moderee.
Plus vice ,
elk
devient gaie; mais on
a
beau faire, ja–
mais clle ne devient aufii fo rieufe que la mefure
a
quatre terns.
La
mefure
a
i
ell tres-propre
a
expri–
mer le defefpoir , for-tout quand ii e!t mele d'un JCn–
timent tendre. L a mefure
it }
ne fouffre ni une trap
grande ler.teur, ni une trap grande vitelTe.
Avant de continuer, ii
faut
obferverque fouvent c'e!t
la faute du poere quand le muficien choifit mal la
mefnre. Lorfque rhythme d'un air demande une me–
fure
a
trois terns '
&
que l'cxpreffion en demande une
a
quatre ,
le
compoficeur en embarra!le '
&
choifit d'or–
dinairc la mefure convenable au rhythme;
&
ii a rai–
fon , parce que la faufTe expreffion de la mefure peut
fi:
pallier , mais jamais
le
defaut de profodie.
Le
mod~
majeur
cit
propre
a
la gaiete ,
a
la gra–
vitc '
a
la colcre'
~
l'emportament '
a
la' triftelTe me–
'J'om~
II.
E X
P
87 5
Inc, mai
non
a
une tri!telTe auffi deuce , aufii tou-·
chante que celle du mode mineur.
Le mode mineur eft doux , tendre ; ii a quclque
ehofe <l'afiligeant; ii peut bien exprimer un eni por–
tement douloureux; mais de la colere , de la fureur,
jamais.
Que font cependant plulieurs muliciens ? Ils per–
vertilfcnc ces propriercs: ils veulent exprimer une ·pro–
fonde tri!tefTe par le mode majeur ,
&
une violence
colere par le mineur. lls reuffilTent fouvent' me repli–
quera-t•OO. Oui ' comme une femme reufiit
a
deve–
nir homme en prenant fes habits.
Je dis plus: cc font ces tours de force en mulique
qui perdent )'art.
Q.uefora le compoficeur pour pal–
lier la force du mode majeur dans un air
tri!te
&
touchant ? 11 prodiguera Jes difTonances mineures , il
entrdacera fan harmonic d'accords mineurs, ii accom–
pagnera fa meJodie de flutes, de cors, de violons avec
des fourdines:
&
en attendant ii nous accoutume mal–
a-propos
a
routes ces reffources de l'art' qui ' bien
menagees' peuvent produire le plus grand effet '
&
le
tout, pour ne pas
fe
fervir du mode mineur q uand
ii le faudroit.
Ce n'e!t pas tout : la meme mflodie executee clans
Jes tons les plus graves , doit produire un cffet diffe–
rent de celui qu'elle produiroit dans des tons plus
aigus. Si la melodic exprime quelque chofe de gai ,
plus on la portera au grave, plus on diminuera cette
gaiete ' on pourra meme la diminuer tellement qu'en–
fin
l'eff~t
en fera nul : palTe ce point, je crois que
cette melodic deviendra ridicule '
a
caufe du contre–
fens du ton avec le chant; tout comme une declara–
tion
cl'
amour tendre
&
paffionnee, devient ridicule
dans la bouche d'un grave .vieillard.
Une melodic deuce
&
tendre,
le
paroitra toujours
plus quand elle fera jouee par une flC1te, que quand
on l'execme fur le violon: le violon Jui 6tera mains
de
I~
douceur que le hambois;
&
celui-ci mains que
la trompette. Quant au cor-de.chalTe, c'e!t ,
a
mon
avis, un intlrument dont on peut tirer un trcs-grand
parti ; mais peu de melodies peuvent s'executcr en
entier fur cet inllrnment: ainf1, fon plus grand ufage,
fera dans l'accompagnement.
U ne marehe guerriere l'e!t bien plus avec des trom·
pettes , qu'avec des hautbois ; avec des hautbois ,
qu'avec des violons; avec des violons, qu'avec de1
flutes.
Enfin choilifTez un ton convenable. Independamment
du plus ou mains de gravite de ton , chaque mode
a encore un effet phylique for nous qui depend de
fon temperament.
II
e!t clair que plus
ii
y
aura de tons
alteres dans l'echelle du mode, mains ce mode pe9t
faire fur nous une imprellion agreable. Chaque inllru–
ment a fon
temperament: c'e!t au compofttt:ur
a
s'cn
inll:ruire.
Je ne parlerai pas du
piano ,
du
forte ,
du
crefcmdo,
du
minuendo ,
des fourd ines , du
pizzicato
;
taus moyens
d'nugmenter l'exprellion de la limple melodic. parce
que
leur effet phyfique
ell::
crop frappant pour
s'
y
tramper.
Apres ce que je viens de dire des
moyen~
de ren–
forcer
l'expreffion de
la
limple melodic ' niera-t-on
encore Jes effets de la mufique des anciens? Jc nc le
crois pas, au mains f1 l'on fait attention que ne con–
noilfant pas l'harmonie , tous le' Coins des anciens du–
rent fe tourner vers la melodie; que chaque mode avoit
chez eux fon emploi affigne; qu'enfin ils n'entre-me–
loient guere les in!trumens. Q.uand un G ree entendoit
preluder dans
le
mode Phrygien, ii favoit qu'on alloit
parler de guerre , de combats.
Eft.iletonnant que cc
mode l'enflammat?
Au retle , tout ce que j'ai dit de
l'exprej/ion
de le
melodic ' a tellement fon fondement dans la nature '
qu'on en crouve des traits dans prefque taus Jes airs
un peu pafTables. D'ou vient done , me dira-t-on, que
notre melodic produit
fi
pcu d'effecs? Je l'ai
deja
die,
SSs s s
2