EXP
caraCl:er'4,
&
marquant exaCl:ement leur plate.dahs l'or-'
Ore de la modulation , elle rappelle Ce qui precede ,
:rnnonce ce qui doit fuivre ,
&
lie ainli les phrafcs
dans
le
ch.ant, c;ornme les idees fe lient clans le difcours.
~'harmonic,
env·ifagee de cette maniere, fournit au.
compoliceur de grands moyens
d'exprejfio11
, ~qui
lui
echappent quand
ii
ne cherche
l'exprejjion
que clans la
feule harmonie ; car alors , au lieu d'anirner !'accent ,
ii l'ecouffe par- fes accords ;
&
tous Jes
inter~alles ,
confondus clans un continue! rernplifl:age, n'offrent
a
l'oreille Jqu'une fuite de fons fondarnentaux qui n'ont
rien de couchant ni d'agreable,
&
done l'effet s'arrete
au
c-erv~au.
,
Q ue fera done J'harmonifle pour COnC{)Urir
a
l'tX–
pref/ion
de la melodic
&
Jui donner plus d'effet ?'II
evir.:ra foignenfornent de cou vrir le fon principal dans
la C'Ombinaifon 'des accords ; ii
fubordonne~a
.tous fes
accompagnernens
a
la .partie chanranre; ii en aigui–
fera l'energie par le CO'.llcours des autres parties ; ii
renforcera'"l'
ffet
de
.certaiAs 'palfages par d,es accords
fenlibles ; ii en
derob~ra
d'autres par · fuppolition ou
p ar fu fpeniion, •en .les comptaot pour rjen•fur la baf–
fe ; ii fora forti r
le~
exprejfiom ,
fortes par des dilfonan–
ces majeures; ii rffenu:ra Jes :mineures , pom des. Jen:.
t imens plus idoux ; tancot ii liera tolltes fes panies
p ar de fons concinus
&
coules ;. tantot ii Jes fera con–
trall:er. fur le chant par des notes piquees , tantot
i~
frappera l'oreille par des·accords. pleins; tantot ii ren–
:l;'oreer-a l'aocrnt par le choix .d' un feul interv.alle. Par•.
tout ii rendra prefent
&
fenf1blt: l'enchalnernent des
modulations ,
&
fera fervir la ba!Te
&
Ion harmonic
a
determiner le lieu de chaque palfage clans le mode,
afin qu'on n'enttnde jarnais un ii:itervalle.013 un trait de
chant , fans fentir en meme terns fon rapport evec le tout.
A l'cgard du rhyrhrne , jadis li puilfant pour don-
11er de la force. de la variece. de l'agrem_ent
a
l'har–
m onie poetique,
Ii
.nos langues , moins accentuees
&
moins profodiques , one perdu
le
charme. :
q.uien re–
fultoit, notre rnulique en fubft itue un' autre plus in–
dcpendant du difcours, dans l'egalicc de la melure,
&
dans Jes diverfes combinaifons de fes terns ' foit
a
la
fois dans
le
tout, foit feparemmt dans chaque par–
tie. L es quantites de la laAgue font prefque perdues
fous celle des notes ;
&
la mulique, au lieu de par–
ler avec la parole, emprunte, en quelque forte , de
la
mefure un langage
a
part. La force de
l'exprejfio11
<:onlitle ' en cette partie a reunir ces deux laogages
]es plus qu'il
e(l:
poflible'
&
a
faire que '
Ii
la me–
f0;re
&
le rhythme ne partent pas de la mcrne manic·
re ils difent au moins Jes memes chofes.
I
L a gaiete qui donoe de la vivacite
ii
tous nos mou–
vemens ' en doit donner de meme .
a
la melure : la
tri(le'.ffe re!ferre le cceur , ralentit Jes mouvemens ;
&
la merne langueur fe fait ftntir dans Jes chants
qu'elle infpire : mais quand la douleur ell: vive ou
q u'il fe palfe clans l'arne de grands. combats , la parole
eJ'l:
inegale; elle marche alternativement avec
la
len–
teur du fpoodee ,
&
avc;c la rapidite du pyrrique ,
&
fo uvent s'arrece tout court comrne dans le recitatif
oblige : c'dl: pour cela que !es rnuliques Jes plus ex.
prcffives , ou du moins Jes plus paflionnees , font com–
munement celles ou Jes terns, quoiqu'egaux entr'eux,
font Jes plus inegalement divifes; au lieu que !'ima–
ge du fornmeil , du repos , de la paix de l'ame, fe
peint volontiers avec des notes egales qui ne mar.
chent ni vlte ni lentemenr.
Une obfervation que le compofiteur ne doit pas ne–
gliger , c'etl que plus l'harmonie ell: recherchee , rnoins
le
mouvemenc doit ecre vif, afin que l'efprit ait le
tern~
de fai.lir la marche des dilfonances
&
le rapide
enchainement des modulations : ii n'y a que le der–
nier emporremcnc des paffions qui permc;tte d'allier la
rapidite de la mefure
&
la durete des accords. Alors
q uand la tete dl perdue
&
qu'a force d'agiration l'a–
tl:cur femble ne favoir plus ce qu'il_dit, ce defordre
energique
&
terrible peut
Jc
port.erainJ1 jufqu'a l'a•
'Iome
11.
E X P
873
inc
·du fpechteur'
&
le mettre de meme·hors de lui:
Mais
Ii
vous n'eces bouillanc
&
fublime, vous ne
fe–
rez que barroque
&
froid : jettez vos auditeurs dans
le
delire, ou gardez. vous d'y tomber; car celui qui·
perd la raifon n'etl jarnais qu'un infenfe aux yeux de
ceux qui la confervent,
&
Jes fous n' incfre!Tent plus.
Quoique la plus grande force de
l'exprejfion
f~
tin:,
de la combinaifon des fons,
b
qualite de lellr t1mbrc
n'eft pas indifference.pour
le
rneme cffec. II
y
a des
voix fortes
&
fonores qui en impofent par !cur etof.
fe ; d'auues legeres
&
flexibles, bonnes pour Jes cho–
fes d'execution; d'autres fenlibks
&
delicates , qui:·
vont au cceur par des chants doux
&
pathetiques. En
general !es de!fus
&
toutcs !es voix aigucs font plus pro–
p res pour exprimer la tendrelfe
&
la douceur,
Jes
balies
&
Jes concordans pour l'emporternent .
&
la c;o–
lere. M ais Jes ltaliens one banni Jes ba!Tes de leurs
tragedies , comme une partie dont les chants font crop
rudes pour le genre hero'ique
, &
leur one fubtlicue !es.
taiJJes,
OU
tenors, dont Je chant·a Je meme ca.raC\:ere
\!Vee un effet plus agreable. Ils emploient ces memc:s
b.alfes plus convenable.nent dans
le
comique pour ks
r.oles
a
manteaux ,
&
generalement pour
10.usles ca·
raCl:eres de charge.
, ·
Les intlrumens ont auffi des
exprejfionf
tres-differe_n~
tes, fdon que le fon en eft aigre ou doux , que·le d1a–
pafon en dl: grave ou aigu,
&
qu'on en peut tirer dee
fons en plus grande ou moindre qllantite. La flute eft
tendre ;
le
haucbois, gai ; la tro.mperce, guerriere;
le.
eor, fonore, majetlueux , propre aux grandes
expref–
jions.
M ais ii n'y a point d'inHrument dont on tire une
exprejjion
plus variee
&
plus univerfelle que du vio–
lon. Get
inll:rum~nt
admirable fai t le fonds de tous
les orchellres ,
&
fuffit au grMd cornpoliteur
po.uren
tirer tous les effets que Jes mauvais m111iciqns, cher–
chent inutilement clans l'al1iage d'une
multitu.de. d'in•
ftrurnens divers. Le cornpoliteur doit
~onnoitre
le man•
che. du..:violon pour doigcer fes airs , pour difpofi:r
fe~
arpeges, pour favoir l'elfet des cordes .
a
vuide •
&
pour
employer.
&
choilir fes tons felon Jes divers ·
~aralle-.
res qu'ils .one fur cet intlr.umdnt.
V
ainement le compoliteur faura-t-il animer fon
OU•
yrag<1, li la chalrnr qui doit y regner ne paffe
a
ceux
qui l'executent : le ohanteur qui ne voit que
d~s
no•
tes clans fa partie • n'etl point en ecat de failir
l'e~prelfis11
du compoliteur, ni-d'en donner une
a
ce qu'il
chan ce, s'il n'en a bieJI faili le fens. II faut entendre
ce qu'on lit, pour le faire entendre aux autres;
&
il
ne fuffit pas d'etre fenlible en general,
Ii
on ne !'cit
pas en partirnlier
a
·l'energie de la Jangue. qu'on par–
le.
Comrnencez don:c par bien connoitre le caraCl:c–
re du chant que vous avez
a
rendre , fon rapporC
au fens des paroles ; la clill:inction de.fes phrafes , !'ac–
cent qu'il a par lui-rneme, cc .qu'il fuppofe dans
la
voix de l'execurnnc, l'eriergie que
le
cornpoliceur a
donnee au poete
&
celle que vous pouvez donner
a
VQtre .tour au compoliteur. Alors livrez VOS organes
a
toute la
~hakur
que ces
conlid~ratipns
vo1.,1s
auront in·
fp iree; faites ce que vous frriez·li vous C:tiez
a
la fois le
poete, k cornpoliteur, l'a&eur
& le
chant~ur,
&;
vout
aurez toute
l'exprej/ion.
qu'il vous ell pollible de donner
l
l'ouvrage que vous avcz
a
rendre. De cette maniere,
ii arrivera narnrellernent que yous rnettrez de la deli·
catelfe
&
des ornemens dans les chants qui nc fonC
qu'elegans
&
gracieux , du piquant
&
du feu dans
ceux qui fon t animes.
&:
gais , dos gemilferocrs
&
de~
plaintes dans ceux ·qui font tendres
&
pathetrques ,
&,
touce !'agitation du
forte-piauo
dans l'ernportement des
paffions violences.
Par-tout OU !'on reunira fortement !'accent tnlllical
a
!'accent oratoire ; par-tout ou la mefure fe fera
vi-·
vement frntir
&
fervira de guide aux accens du chant;
par-tout oil J'accompagnement
&
la voi,x fauront tel–
krnent accorder
&
unir leurs effets, qu'il n'en rfful·
te qu'une melodie ,
&
que )'auditeur trompe attribue
~
la voix Jes palfages dont
!'or~h;~:e
9
l'embe!lit ; c:n·