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S

E V

, nation les a enfanct<s , ma plume les a mis fur

le

, papier,

&

l'impreOion va les faire crotcre , .

ll

y

avoit

long~cems

que Cervantes s'occupoit

a

Ul)

aurre livre d'imaginarion, intitulé les

travaux

d~

Perfi–

le

&

Sigijino11d~,

qu'il fioit immédiacement avanr fa

more, arrivée en

1616.

ll

éroic alors artaqué d'une

maladic qui ne

l'emp~cha

pas rl'écrire ce roman,

&

les

pc:rires anecdoces qui s'y rapportoit!nt . Comme

nous n'avons point d'aucre hillorien que Jui-mc!me,

&

qu'il raconce tour avec grace: voyons ce: qu'il nous

dit

a

ce fujet_

Il

s'.exprime t!n ces termes

o

, Il

arriva, mon cher leéleur,

~ue

comme je ve–

" nois

~vec

deux de mes

~mis

de la farneufe ville

d'Elquivias, je dis

fammfl

par mille cnclroirs; prc–

'' mierement par fes familles illufhes

¡

en fecond lieu,

par fes excellens vins,

&

ainfi dtr refle

¡

j'entendis

., quelqu'u n g!loper derriere nous, comme pour nous

arrraper,

2

ce qu'il me paroill'oit ;

&

ce cavalier

ne nous permit pas d'en douter , nous ayant

cri~

de n'aller pas fi vice .

ous l'attentllmes done,

&

•• uou s vlmes approchcr monté fur une lnefle un

,, érudiant gris(j'cmends qu'il éroit tourhabillé degris) :

,. il

avoi!

des bocine• f.emblablcs

a

cellc& que por-

r~nc

les

moiffonneurs, pour empCcher le blé de leur

piquer les

jambes; des fouliers ronds, une épéc

&

un coll er noir, que le mouvemenr de fa

moneo~

re flifoJt fouvenc rourner de cllré

&

d'aurre, quel-

" que peine qu'i l f

e donn

~c

a

le merrre droic. Vos

,

fe igncuries, nous

dic.il,

vonr apparemment follici–

rcr quelque emploie ou bénéflce

i!

la cour;

fa ns

doure que frm éminenct! ell

ii

T olcdc, ou du moins

,

le roí, puifque vous a! lez

fi

vire. Franchemenc j'ai

eu bien de Ja peine

a

vous acreindre, quoique mon

,

~.oe

ait plus d'une fois , paffé pour un bon coureur.

., A

ce dtfcours un de mes compagnons répondir;

., le cheval du feigneur Cervantes en ell

(a

caufe

n

c'ell un dr6Je qui n'aime

pas a

all er doucemenc

o

'

''· A peine

mo~ homm~

eur.il

enrendu le nom de

Cervanres, qu'tl fa uca a bas de

f~

monrure, en fai–

fan r romber fon couilin d'un c6rt< ,

&

fon porte–

manreau de l'aurre

(

ear il avoir tour cer équipag-e

ave.c

lui ); il

vi~t

a

.mo! '

o

&

me prenant par la

, matn gauche ; out, out, dtt-JI , c'ell ici le fa meux

, le diverriffant écrivain, le favori des

rnuf'es!

M~

,

vo,yarc

complimen~er

fi

mag-nifiquemenc , je jugeai

., qu ti

y

aurott de ltl!lpoltrerie a

ne

pas Ju i rémoi–

" gner quclque reconnoiffance de fes

louanges; je

,

l'embraffai ( &. lui fis rourner fon coller par mon

, accolaJe ) ,

&

¡e l'a(l urai qu'il étoic dans la

m~me

erreur fur mon fujer, que d'aurres perfonnes, qui

me vouloienc du bien . je fu ii, luí dis-je,

Cerva~.

»

res , il ell vrai , mais non le favori dP.s mufes

ni

ríen de rout ce que vous m'avez

~it

de beau. Ayez

done la boncé, mon

cher

monfieur, de remonter

"

fur vorre

b~re,

&

concinuons norre voyaae,

en

, nous ceoanc compagnie. Mlln étudianr bien°élevt!

, obéir.

'

, Nous rallentlmes notre pas,

&

nous mnrcMmes

, bien doucemenc cnfcmble. On parla de mon mal

, &

mon h.omme me.

pror•on~a

hien-rllr mon arrt!t:

, en me dtfanc que ¡'avots gagné une hydropifie

&

, qu.e roure l'eau de la mer,

fac-~lle

douce, ne

po~r-

rotr me

d~falccr

er:.

C'ell pourquoi , feigneur , Cer–

'

vanees, a¡outa-

r.tl,

vous devez vous abflenir de

boirc,

mai~

n'

o

ubl iez pu de man..er ; cel<l

feul

, vous guérira lans

1~

m

oin

dre

méde~ine

. D'autres

, m'.en ?nr die dUt'dnt,

l.ui

répliquai-je,

ma i~

je ne

, puts m cmpEcher de botre, tour comme fi ¡e n'é–

" rois

n~

que pour baire . Ma vi

e

cend

a

fa

fin

&

, par !'examen

journalje~

de mon 'ponls, je

rro~ve

,, que q 1manche pr?chatn , au plus rard, il achevera

fa belpg-ne ,

&

m01 ma caurfe. Vous Eres arrivé

,. encare

1

point pour me connoitre, mai.; je n'au–

" raí pas le cems de vous prouver cambien je fu is

" fenfible

a

vos obligeaos procédés'.

, En difcouranc ainfi, nous gagnlmes le pone de

, Tolede , que j'enfilat , comml!' lui celui de Ségo–

" vie. Ce qu'on dira de mon avancure, c'ell !'affaire

, de

la

renommée; mes amis peuvent avoir envíe

,, de la raconrer ,

&

j'en aurai urre plus grande de

,

!'encendre . Je rerournai formes pas, pour embraf–

'' fer encare une fois mon étudiant,

&

il en fit

a

u–

'' can¡ de fon cacé. Enfuire il donna des deux

~

fa

monture,

&

me laiffa aufli malade fur mon cheval ,

,. qu' il écoir mal

mont~

fur fon

~ne!fe,

au fujer de la–

quelle ma plome vouloit faire encare quelque plai–

fanterie: mdis aJieu mes bons amis; car je m'en vais

, mour!r;

&

j'efpere de vous revair

a

van

e

qu'il foit

1om~

XV.

S

E V

115

,

long-tems dans l'aucre monde, aufli heureu" que

, vous le pouvez déúrer , .

Voila done Cervantes lur le bord du rombca u

L'hydropiúe augmenra,

&

fon mal épuifa fes furces :

Mais plus fon cprps s'affoibli !foic, pl us il s'arrachoita

~orrifier

fon efprir. IAyanr

res~

!' Exrreme-Onélion,

Il

atteodtt la more avec rranqutlltré,

&

ce qu'il y a

de plus furprenanc, c'elt qu'il ne pouvoit

5'emp~cher de dire ou d'écrire quelque chofe de plaifanr

a

mefure que des idées riantes luí en venoit daos

1'~[:.

pric .

En

effer, apres avoir re<¡u les facremens le

xs

Avril

1616,

il

diéla le lendemain la

didi.&ac~

de fes

trnvatiK

ti~ P~rfil~

&

Sigi.f=nd~, adrell~e,

comme

jc l'ai die, au comte de Lémos , con':Íue en ces cer•

mes :

,

lJ

y

a une vieille balade, qui eroir jadis forc en

vogue,

&

qui commen.¡oit,

a"..~c

1111

pi.é

for /'étrür.

, J c fo uhairerois qu'elle ne convine pas

li

parfaire–

menr

a

cecee éplrrc, car je puis dit'e :1-peu-pres de

m~me,

avu tm

pié

Ji•r Ntría.

En partane pour

,

les fombres régions, je prends le eourage d'écrire

,. cene épirre,

&

je fa lue monfeigoeur avec ce der–

nier foupi r. Hier on me donna l'Exrréme-Ouél:ion ,

&

aujourd'hui j'écris ceci . Le rems ell courr, le

mal

ero

le, J•efpérance diminue; cepen,Janc il me

fecnble que jc voudrois vivre uo peu plu' long-

" tems, moins pour l'amour de la vi

e,

que pour a–

"

voir

encor~

une fois le .plaijir de voir: vorre ex–

.,

cellen~e

fam.e

&

fa uve en Elpagne ,

&

tl ne {eroit

p01or tmpolhble que

ce

plailir ne me rcndit la fa n-

" té. Mais s'il elt

arr~ré

que je doive mourir, la

vo–

lonré du ciel foi c fai te ; ccpendanr vorre excellence

me permerrra de l'informer de mes delirs,

&

de

l'affurer qu'elle a en moi un ferviteur fi zélé , qu'il

,

iroit meme au-dela du crépas pour vou.s fervir ,

li

,

fon pouvoir é,galoit la fin céri ré de fes lemimens .

,, Je

n'ai pas- laillé que de me réjouir proph¿riquc–

nwnr du rerour de vorre grandeur en Efpagoe;

mon coeu r s'épanouint>ir de joie , quand je me re–

préfenrois rour le monde vou monrrant du doigc,

&

criane: voil.l le cornee de Lémos ! Mes efprits

,

fe ranimenr, en voyanc mes efpérances accomplies,

&

vos grandes qualités jufiilier les idées que j'en

, avois oonsues.

ll

relle encore chez

m

oí quelques

Jueurs de la meche du

jardín

¡

&

fi

par un heu–

" reux

h~fa;d ,

ou plut6t plr un mirade, le cie l me

,. confcrvoir la vie , vorre excelleace verra la

fl–

"

conde

partie

de la Galarée, que je lui confa crois.

, Agréez mes va:ux pour vorre confervacion,

&c.

, A Madrid, le

19

Avril I616

., .

[1

linic fes j0urs peu de rems apres,

&

ne

vi

e point

l'impreilion de fon livre, done le pnvilege fue ac–

c;ordé le

:t4

Senrembre

1616,

ii

C1therine

ae

Salazar

fa veuve .

L'hifloir~

de

Pe1jiü

&

Sigiji11onde,

&

le>

c;omes ou

novelas

exemplaru

,

onr écé traduics en

fran~ois ,

&

ne fon t pas inconnus aux gens qui ai–

menr ces forres de produél:ions. La vie de J'au reur

a

éré doonée par

don

Grégorio Mwans Elilcar, biblio–

rhécairc du roi

d'Efp~gne.

Elle cll a la e!te de l'édi–

rion efpagnole de don Quichocce, imprimée

a

Lon–

dres en

173S,

Í11

4

9 •

J 'ai die, au commencement de cet arricle, fur l'au–

coriré de Nicolds Anronio, que Cervante¡ naquir

a

ShJille;

cependanc l'auteur de fa vie, que je viens

de cirer, e!lime qu'i[ éroir né

i1

Madrid,

&

il appuie

fon lentimenc fur ce que Cervantes s'adreffe

a

ccrre

ville , en prenant congé d'elle dans fttn

f!oyagt

du

Pama/Te,

en ces cerme¡:

, Ñf,e tournanr enfuite vers ma panvre cabane,

, adieu, lui dis-je,

&

coi, Madrid, adieu; adieu Fon–

" raines, Prado,

&

vous campagnes ou coule le nec–

" car

&

degoure l'ambroi(ie; ailieu aimables

&

dou–

'' ces faciérés , ou les malheureux aublient pour un

, ccms leúrs peines. Adieu charmam

&

romanef–

" que féjour , ou deux gédM gui avoienr enrrcpris

,, d'efcalader le ciel, frappés de la foudre , maudif–

" fenr Jeur chute,

&

fonc renfermés dans les fom-

bres prifons de la rerre. Adieu rhé! tres, done

u

bus

avons banni le fens commun, pour

y

faire régner

la bouffonnerie. Adieu bell e

&

valle promenade

de Sainr-Philippe, ou l'on difcute les

iorér~rs

des

, puiffances,. o

u

les

nouvelle~

fe débirenr,

&

f?nt

J'unique fu¡er des cooverfartons, ou l'on exanune

" fi

le croiffanr brill.: a u palie, fi

le !ion

~ilé

( Ve–

::

nife) triomphe ou fuccombe. Adieu Dile famin.e;

je quiere au¡ourd'hui

mo~t

p4ys,

pour évirer le rrtf–

te forr de mourir

a

ta porte.

li

je

demcurois plut

, 1

long-rems ici ,. .

p

7.

~ico..