MOR
quer une
d~monflratioo
de mathématiqne, n'en diminue
I'infaillibilité. D'aillcu rs, ces difficultés ne re)(ardcnt pas
le>
principes générau'X , ni les maximos qui en découknt
immédiatement
Oll
médiatement, mais
f~ulemcnt
queJ–
q ues conféquences éloignées. Pour peu qu'on fatfc ufa –
ge de ron bon ren¡' on ne doutcra pas le moins du mon–
de de la certitude des regles fuivames : qu'il tant obéir
anx lois de la D ivinité, au rant qn'c11es nous font con–
n ues: -qu'il n'cfl pas permis de fairc du mal
a
autrui'
que fi l'on a ·caufé du don¡mage, on doit le réparer :
qn'il efl jufl'\ d'obéir aux lois d'un fouverain légitime,
tant qu'il nc prc[crit rien de cot)!raire aux
ma~imes
in–
variables du D roit natllrel, ou
a
quelqtte loi di vine clai–
rcmcnt ré velée,
&c.
Ces vérités,
&
plufieurs autres fem·
blables , font d'une telle évidence, qu'on
nc
fauroit
y
rien
oppofcr de plaufible .
S i la fdenae des mceurs s'efl trouvée de taut tems
extrememem négligée, il' n'efl pas diffi cile d'cn décou–
vrir les cauCes .
11
efl certain que les divers bcfoins de la
v ie , vrais ou imar,inaires, les f:tux intérEts,
les impre[–
fioos de l'e xemple
&
des coutumes, le torrem de
11
mo–
de
&
des opinions rec¡ues, les préjugés de l'enfance, les
paffions furtout, détournent ordinairement lo<efprits d'u·
nc étude férieufe de la
Mora/e.
L a Philofophie, dit agrél–
blement l'aureur moderne des D ialogues dos mons,
ne
rcgardc que les
homme~,
&
nullement le rolle de l'uni–
v ers . l,.'afl ronome pen[e aux aflres , le phyficien :\ la na–
furo,
&
les Philofophes a eux; mais paree que certe phi–
lofophie les incommoderoit , fi elle fe méloit de leurs
af–
faires,
& fi
elle prétendoir regler leurs paffions, ils l'en–
" oient daos le ciel arranger les planetes,
&
en mefurer
les mouvemens; ou bien ils la promenent fur la terre,
pour lui faire eu miner tour ce qu'ils y voient: enfin ils
l'occupent toüjours le plu¡ loin d'eux qu'il lcur efl pof-
6ble.
11 efl pomtant certain, malgré cette plaifan¡erie de
111.
de Fomenelle, que daos rous les toms , ce font les laY–
qucs philofophes qui ont fait le meilleur aocueil
a
laMo–
ra/e;
&
e'efl une vérité qu'on peut établir par rous les
c!crirs des Sages de la Grece
&
de Rome. Socrate, le
p lus honnéte homme de l'sntiquité, tit une étudc parti·
c ulicre de la
Mora/e,
&
la traita avec autan r de gran–
deur , que d'euélitude ; tour ce qu'il dit de la Provi–
dence en particulier, efl digne des lumieres de
1'
Eyangi–
le . La
M ora/e
efl autft partout répandue daos les ouvra–
ges de Platon. Ariflote en tit un fylleme méthodique,
d'apres lc1 mémes principes
&
la meme écon mie de
feo maltre. La
mora/e
d'Epicure n'efl pas moins belle ,
q ue droite dan¡ fes fondemens. Je conviens qt¡c
f•
doc–
trine fur le bunheur, pouvoit !tre mal
interpretée,
&
qu'il en ré fulta de fkheux etfet>, qui ddcrierent fa Cee–
te :
mais au fond cette doélrine é toit aífe'Z. raifonnable;
&
l'on ne rauroit nicr ' qu'en prenant le mor de
honheur'
dans le feos que lui donnoit Epicure, la fél icité de l'hom·
n1e ne eonfifle daos le !entiment du plaifir , ou en gé–
néral daos le cootentement de l'efprit .
Copcndant Zénon comemporain d'E picure,
~
fray oit
une rente eneore plus glorieuf", en fondant la feéle des
Sto'íciens . En effet il n'y a point cu de Philofophes qui
a ient parlé plus fonement de la fatale néceffité des che –
fes, ni plus magnifiquement de la liberté de l'homme,
c¡ue l'ont fait le¡ Stoi'ciens . Rien n'efl plus beau quo leur
m orale'
confiderée en
eiJe! m~ me;
&
a
quelques-unes de
leurs maximes pres , rien n'efl plus conforme atu lomie–
res de la d-roite r1ifoo . Leur grand principe, c'efl qu 'il
faut vivre conformé ment
a
la confl iun ion de la natore
humaine ,
&
que le fouverain bien de l'homme cunfifle
daos la ver
tu ;
c'efl -a-dire dan¡ les lu mieres de la droite
uifon, quj nous fon t confidérer ce qni convient vérira–
hlcment :i norre état. lls rega rdoient le monde com>ne
en ropume dont D ieu efl le prince,
_&
co~me
Ufl
tour_,
a
l'ut1lité duque! chaqoe perfonne qm en fa1t part1e, do1t
concourir
&
rappurt<r toutes fes nélions, fans préférer
jamais fun avantage particutier
a
l'intéret co mmun .
lis
croyok nr qu'ils étoient nés , non chacun pour Coi, m1is
pour la (ociété
hum~ine;
c'étoit la le caraélere di(lindif
de Icor feéle ,
&
l'idée qu'ils don noient de la nato re du
juile
&
de l'honnere. 11 n'y
a
point de Philofophes qui
aient fi bien reconnu,
&
fi for t recomn1andé les devoirs
indifpenfables ou ronr tous les hommts les uos envers
les auues , p• écifé ment en-rant qu'hommes . Selon eox,
011
efl
né pou r prQCuror du b1en
a
!01\S
les humains;
cxercer la bénéficenoe envers rous; fe contenter d'avoir
fait une bon ne aélion,
&
l'oublier méme en quelque ma–
niere, au-lieu de s'en propofer quclque réco!llpenfe; paf–
fer d'une bonne aélion
a
une bonoe nélion; fe croire
fu fli famm~nt
payé, en ce que l'on a
en
occafion de ren–
dre ferv ice aul auues,
&
ne cherGher par conf6quent
TumcK.
.Nl O R
h()rS de Coi, ni le profit ni la looange .
1\.
l'égard de nous–
m emes, il faot, difent les StoYciens, n'avoir cien tant
a
ca:ur que la vertu ; ne re lai(fer jamais détoorner de ron
devoir, ni par le defir de la vie, ni par la craime dos tour–
meos , ni par celle de la mort; rnoins encore de qudque
dommagc, ou de quclquc perte que ce foit .
]e
ne dois pas
emrer ici dans de plus p,rands détails; mais un favant an·
glois, Thomas Gatake;,
dan~
la préface de Con vafle
&
infl ru élif C ommenrairc fur M are Antonio, nous
a
don–
né nn abrégé des plus beau preceptes de la
mora/e
de5
Sto'ícien< ,
mé
du
livre
me
me de cet empereur,
&
de
. acur d' Epiél:ctc
&
de
S~neque,
trois philofophes de cet-
tc feéle ellimable,
&
qui font les feuls avec Plutarque,
do
m
il nous refle quelques écrits .
D epuís Epictlte
&
Z énon, e n ne vir plus de beau¡
génies tenter de nonvelles r utes dans la fcience de la
M ora/, :
chacnn fuiv it la feéle qu'il troova la plus :\ Con
goút_.. Les R om1in<, qui
.re~ orent
des Grecs les arrs
&
les tclences, s'en tinrent atlt fyflcmes de leurs maltres ,
D n tems d' Au•ufle un philofophe d' Alcxaudrie nom–
m é Potamon, [;¡troduifit une maniere c!e philofopher que
l'on appella
!cldli<¡u•,
paree qu'elk confifloit a choifir
de t'1US
les dogmes des Philnfophes, ceox qui paroif–
fnicnt les plus raifonnables . Cic¿ron fuit :i·peu-pres cette
méthode daos fi>n
livre des Offi ces ,
oii
il efl
tantl\r
péri?at~ticien .
Cet ercellent !ivre que root le
mood~
connoit , ell !3ns contredit le rneilleu r traité de
M oral•,
le pl us régulier, le plus méthodique
&
le plus exaél que
nous ayon1.
11
n'y a guere de moins bonnes cha les dans
celui des Lois , tollt
im~arfait
qu'il efl; mais c'efl grand
dommage qu'on ait perdu fon Traité de la république,
dont le peu de frag mens qu! noqs reflent do.LJnem la pln>
. haute idée .
Pour ce qui regarde la
Mora/e
de Séneque
&
de P lu–
tarqu~,
je ferois
a!fez
du fentiment de M oma;¡nc, daos
le jugement qu'il en porte. Ces donx auteurs , dit·il, fe
rencontrenr dans la
plt~part
de< opinions utiles
&
vraies;
comme aum leur fortunc les fit naitre a-peu-pres dan .
le méme liecle; tous deux
v~nos
de pays étrangor;
wus
deux tlches
&
puiífans. Leur lnrlruélion ell de la
crimt
J'hi/o[ophi911e:
Pl urarque efl plus uniforme
&
conllant:
Séneque pl us oudoyant
&
divers: celui -ci fe roidit
&
(o
tend pour armer
h
vcrtu centre la foialcífe, la craintc
&
les vicieux appétits: J'aurre Cemble n'eilimer pas tanr
leur
effi
rt,
&
dédaign~r
d'en harer
Con
pas ,
&
de fe
mettre fur ra garde: :1 parolt dans Séneque qu'il
pr~re
un pou
ii
11
ty rannie des empereurs de ron tetm: Plu–
tarque efl libre par-tout : Séneqoe efl plein de poiores
&
de faillies! Plutarque de chofe;: celui-lii vous échauflc
plus
&
vous émeut : celui-ci vous contente danmage
&
vous paye mieux, il nous p,uide ; l'autre nous pou!re
~
tanti'H daos Plutarque, les dit'cours t'ont étendus;
Ot
tan–
tó t
il
ne les touche que fimplcmcnt, montrant feulement
du doigr par ou 1Jous irons s'il nons plalr ,
&
te con–
tenunt de ne do nner qu' une atrei!>te dans le plus vif. d'un
repos . 11 les faut arrachcr de-li,
&
les mettr e en placc–
marchaude.
J'ajoute que les fujets des
m•,ralo
de Plutarqoe, f<>lll
en général traités fuperticiellement;
&
qne les ouvrages
de Séneqne, le meillcur méme, cclui des Bieufaits, n'a
point d'ordrc . Epiél:<tc efl pl us fi mple
&
plus pur ; mais
il manque de vues
&
d'élé vation . M are Antonio motJ•
tre un efprit plus vafle
&
pi
u
grand que Con empire.
11 ne s'e(l pas contenté d'cxpliquer folidement les pre–
ceptes de fes maitreS, ÍJ Jes
3
f<>UVeot <'Orrigés ,
&
leur
a donné une noovelle force, par la. maniere ingénieu[e
&
naturelle dont il les a propofés, ifu -psr !es nouvelles
découvertes qu'il
y
a jointes .
L es Platoniciens qui fe rendirent célebres dans le ilj.
&
iv. fiécl e, un Plotin, un Amélios, un Porphyre, un
Jamblique , un Proclus,
&c.
s'attacherent be•ocoup plus
:\ expliqucr les (péculations ' nu p!Qtót les re vedes du
fondateor de Icor feélc, qu'a cultiver fa
mornle.
Un
tres-petit nombre de doaeurs de
l'E~lile
chrétienne ne
fnrent guere plus heureux, en ''entctant
d'iJ~es
chimé–
riqoes , d'allégories , de difputcs fdvoles,
&
en s'aban–
donnant aux fougues de leur imagina1ion éch• ofTc'c .
11
!eroit fuperflu de parcoorir les fi ecks fuivln , ou
l 'i~>ID-'
rance
&
la corruprion ne laifTerent prefque plm
q• 'un~
étincellc de bon rens
&
de
mora/,.
Cependant Arillo1e abandonné, reparot dans
le .v;.
fiecle. Bocee en traduifant quelques ouvrages du
phtlc~!ophe· de Stagyre, jetta les fondemcns de cette aurorv–
t~
defporique, que la philofophie
péripatc!ticien~e
vint
a
acquérlr daos la fu ire des rems. Les Arabes s en eQ–
t6terent dans le xj. fiecle,
&
l'inr[oduifir~nt
en
~fpa~n~,
ou elle fu bfifle toüjom s : de-la naqmt la phJiofophiJ'
fc holafl ique, qui
fe
répandit daos toute l'Europe;
&
·
B b
b,
b.
done
•