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PÉROU ET BOLIVIE,

451

mer toutes les.portes, a l'imprudence

d'aller au-devant des ennemis; au mo–

ment ou

il

leur demande quelles sont

leurs intentions,

il

tombe percé de

coups. L'instant d'aJJres, les conjurés

sont en présence de Pizarre Jui-meme,

et une lutte furieuse s'engage aussitót.

Le ·gouverneur cherche

a

empecher ses

adversaires de pé11étrer dans la salle

ou il s'est retranché, et chaque en–

nemi qu · se présente

a

la porte est tué

de sa malin. Tous les coups sont mor-

, tels, et les assaillants commencent

a

désespérer de venir

a

bout d'un pareil

antagoniste. l\fais Alcantara tombe

mort aux pieds de son beau-frere , et

les

pa~es

sont hors de comba

t.

Pizarre,

affaibli par la longueur de la lutte, ne

soutient plus que diffioilement son

bouclier et son épée. Les oonjurés s'en

aperc,¡oivent et redoublent d'éilergie;

l'un d'eux s'expose volontairement aux

coups · de J'athlete épuisé, et tandis

que le gouverneur s'acharne sur cet

adversaire isolé, les autres le frappent

aisément. Atteint d'une blessure pro–

fonde

a

la poitrine , Pizarre expire en

embrassant l'image du Christ.

Des que la nouvelle de cet événe–

ment se fut répandue dans Ja ville, un

grand nombre d'individus, qui n>at:

tendaient que ce dénofünent pour se

prononcer, se déclarerent hautement

pour Almagro. Les nrnurtriers pille–

rent préalablement le palais de Pizarre,

et s'occuperellt ensuite du désarme–

.ment de leurs ennemis. Herrada, qui

avait joué le premier role et dans le

complot et daos la scene sanglante qui

l'avait terminé,

fit

monter Almagro a

cbeval et Je conduisiJ; ainsi par toute

la ville, aux acclamations de ses com–

plices·; puis on réunit

J~

municipalité

et on l'obligea de proclamer le Jeune

don niegue gouverneur général, en

vertu de l'hérédité stipulée dans l'acte

royal qui avaít concédé

a

son pere ce

meme titre de gouverneur de la Nou–

velle-Tolede. Des s11pplices et des con–

fiscations odieuses inaugurerent le pou–

voir du nouveau dictateur. D'anciens

serviteurs res.tés fideles

a

Pizarre jus–

qu 'a ses derniers moments, furent en–

voyés

a

Ja mort. " C'était, dit Zarate,

un objet dign

e de

compassion de voir

la désolation,

1.es

pleurs et les sanglots

des femmes et des familles de ceux

qu'on avait massacrés et dont on avait

pillé les maisons. ,, La terreur fut telle

a Lima, que personne n'osait rendre

les derniers devoirs

a

la dépouille mor–

telle de Fran1tois Pizarre, et qu'un

vieux domestique du défunt fut obligé

de se charger clandestinement de ce

soin pieux, afin de soustraire le corps

de son maitre

a

d'indignes mutila–

tions. Ainsi , tcet homme qui s'était

élevé au faite des grandeurs , apres

avofr reol'ersé

a

son profit un empire

aussi vaste qu'opulent, fut inhumé

comme un obscur crimine!, trop heu–

reux de trouver une main amie pour

luí donner Ja sépulture; exemple frap–

pant des vicissitud(;!s de la fortune et

de la fragilité du pouvoir

!

Ge erait peut-íltre ici le lieu de tra–

cer un portrait- complet de Pizarre

1

et meme d'établir un parallele entre

luí et son rival Diego d'Almagro; mais

nous craindrions de ne pas trouver

dans les historiens qui nous servent

de guides des éléments assez complets

ni ,

il

ti

ut )e dire, assez sinceres. Au–

gustin de Zarate s'est.amusé

a

ce jeu

de rhétoricien : il fait un long pané–

gyrique de Pizarre,

a

qui

il

attribue le

plus noble caractere et dont

il

fait un

héros accompli. D'apres certains actes

de ce conquérant,

il

nous est difficile

de croire qu'il réunissait en lui de si

nombreuses et si éclatantes vertus. A

nutre avis , ce grand homme, car on ne

peut tui refuser ce noin , aux qualités

éminentes qui distinguent l'homme

de guerre et l'aventurier du seizieme

siecle, c'est-il-dire l'audace, le cou–

rage et la persévérance, joignait les

vices les plus odieux, tels que J'avarice

poussée jusqu'il la cupidité la plus ef–

frénée' et une duplicité melée d'ins–

tincts de b11rbarie. Nous n'avons pas

besoin de résumer les faits sur lesquels

se fonde ce jugement

¡

le Jecteur se les

rappelle sans doute assez bien pour

décider si notre appréciation est con–

forme

a

la

vé~ité

et

a

la justice.

Qu'elques jours Jlpres la mort de Pi–

zarre , le jeune Almagro se trouva

a

la

29.