PÉROU ET BOLIVIE.
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étant trop nombreux pour que les Es–
pagnols pussent espérer vaincre leur
résistance, et le pays étant néanmoins
de nature a tenter leur cupidité, Pi–
zarre et Almagro se détermi nerent
a
ne pas chercher ailleurs; mais ils ajour–
nerent toute attaque sérieuse ju qu'au
moment ou un nouveau voyage de l'un
d'eux
a
Panama aurait suffisamment
grossi le nombre des combattants". En
conséq ence, tandis qu' Almagro cin–
glait v rs le nord , Pizarre se retira
avec les siens dans la petite lle de Gallo,
située
a
une tres-faible distance du con-
tinent.
·
Soit que l'insucces de ces deux pre–
mieres tentatives, et les perles rel ati–
vement considérables qu'avait essuyées
l'expédition, eussent produit une
fi.1-
cheuse impression sur le gouverneur
de Panama, soit que ce personnage ellt
congu quelque jalousie des projets des
trois associés, Pédro de los Rios, suc–
cesseur de Davila, bien loin de favori–
ser les efforts d'Almagro, expédia
iJ
Pizarre l'ordre de revenir aussitot
a
Panama avec tous ses gens. Cette in–
JOnction ébranla le cour.age de la plu–
part des soldats de Pizarre. Se voyant
au moment d'éLre abandonn de tous
ses camarades, l'intrépide cbefs'avance
au-devant de sa troupe, trace av{)c la
pointe de son épée une li gue ur le sol,
et apres une exhortation dans laqnelle
le point d'honneur était souvent rnvo–
qu é,
il
déclare que tous ceux qui fran–
chiront la limite indiquée seront désa–
voués par lui; que ceux, au contraire,
gui resteront en de<;a, seront les glo–
rieux compagnons de sa fortune et de
ses succes. Ce discours ne produisit
pas l'effet désiré. Depuis longtemps,
ces hommes avaient perdu tout espoir
de réussir; ils n'attendaient qu'u11e oc–
casion de quitter la partie, et elle se pré–
sentait trop belle pour qu'ils la lai as–
sent échapper. lis coururent au báti·
ment qui leut· offrait un asile assuré, et
quand Pizarre compta les fideles,
il
n'en trouva que douze
!
Que faire avec cette poignée de com–
battants?
on-seulement il fallait at–
tendre le retour d'Almagro , si toute–
fois Almagro devait revenir , mais
encore
il
ellt été imprudent de rester
dans l'ile de Gallo, si voisine du litto–
ral péruvien. Pizarre se
transporta
immédiatement dans l'ile de la Gor–
gone, située
a
qtielques lieues plus loin
de la cote
j
rocher désert et i·ncessam–
ment battu par les llots de l'Océan qui
n'y apportent que la tristesse et la
stérilité. La, réduits
a
vivre de coquil–
lages et de la cbair des reptiles, s'a–
breuvant d'une eau saumatre et mal–
saine, privés de toute ressource, et
presque sans vetements, Pizarre et
les douze braves qui s'étaient résignés
a
partager sa destinée, attendirent le
vaisseau qui devait leur apporter les
moyens de vivre et de triompher. lis
attendirent cinq mois entiers, dévorés
d'impatience et maudissant le mau–
vais vouloir du gouverneur de Pana–
ma. Enfin, le batiment qui portait
Almagro parut
a
l'horizon. l\lalheu–
reusement il
n~était
chargé que d'a ppro–
visionnements, le gouverneur n'ayant
pos voulu e.ncourager les espérances
de Pizarre par l'envoi dºun secours en
hommes. Malgré ce désappointement,
le' premier projét
fut
repris avec en–
thousiasme' et
1
on mita la voile pour
aller de nouveau
a
la décou1·erte (').
Le vingtieme jour apres le départ, ils
apercuvent la cóte pétu ienne, et je–
tererit· l'ancre devant la ville de Tum–
bez, située par dela le 3° degré de la–
titude méridionale.
La grande quantité
4'~r
et d'nr–
gent qu e les Espagnols v1rent dans
cette ville les éblouit et leur fit con–
cevoir les plus brillantes espérances;
(') Les historiens espagnols ont con ervé
les noms des hommes courageull qui con–
senlirent
a
rester dans l'ile de la Gor¡;ont!,
et
a
qui . par conséqnent, la métropole dut
Ja découverte dt1 Férou, c'esl-a-d ire de la
plus riche de ses po essions d'Amérique.
Voir1 ceull de res noms qui parvinrenl
a
tti
connaissance de Zarare: Nicolas de Ribera,
né
a
Olvera; Pierre de Candie, ori¡:inail'e
de l'ile de ce nom; Jean de Torre; All'on e
Bl'iseno, natif de l3ene\'enl; Christophe de
Péralle; Alfonse de Truxillo;
Fran~ois
de
Cuellar et Alfonse de Molioa. Le pilote de
Ja petite expédition était l3arthélemi Ruyz,
né a Moguer.