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L'UNIVERS.
mais ils étaient en trop petit nombre
pour pouvoir rien entreprendre de dé–
cisif. II
fall~t
done encore ajourner
lesopérations sérieuses, et l'expéditioa
remit
a
la voile pour Pannrna.
Trois ans s'étaient écoulés depuis
qne Pizarre avait quitté cette ville de
1'
Amérique centrale; trois aas de
fa–
tigues, d'épreuves de toute nature.
Certes, on ne peut trop admirer le
courage et la fermeté que déploya le
chef de la troupe d'aventuriers pen–
dant toute cette période de calamités.
Pour derniere infortune, Pizarre, en
arrivant
a
Panama , reconnnt qu'il
était ruiné, comrne se deux associés.
[!
n'en prit pas moins la ré olution de
poursuivre l'exécution de ses desseins.
Le
.~ouverneur
Los Rios, qui avait
une premiere fo is refusé tout concours
a
la tentative de Pizarre et d'Almagro,
fut
encore moin disposé
a
la secon–
der, quand il sut au ¡rrix de quelles
souffrances et de quels périls les deux
amis avaient fait une découverte dont
les avantages étaient ves-problémati–
ques.
11
ne restaít plus
a
Pízarre d'au–
tre re source que d'invoquer
l'inte~·vention de la métropole.
11
fút con–
venu qu'il se rendrait en Espagne,
qu'il implorerait l' assi tance de l'ern–
pereur, qu'il demanderait pour lui–
méme le titre de gouverneur des pays
découvevts au sud de Panama, pour
Almagro celui de lieutenant-gouver–
neur, et pour Fernand de Luque la
dignité d'évéque.
~I
pártit, apres s'étre procuré,
a
titre d'emprunt, la petite somrne né–
cessaire
a
son voyage, tant était dé–
plorable le dénument des trois asso–
ciés. II vit l'empereur, lui Taconta
ses entreprises, ses traverses, sa dé–
couverte; fit briller
a
ses reux une
perspective éclatante, exagera la ri–
chesse des contrées qu'il voulait con–
quérir; en un mot,
il
séi;iuisit le mo–
narque, et réussit au delá de ses
espérances. Voyant q11e la cour s'in–
tére sait
a
son projet, et lui accordait
conliance, il chercha
a
tirer le meil–
leur partí possible de ces dispositions
favorables' mais
il
songea d'abord
a
lui et s'occupa fort peu des intéréts de
ses associés. Comme
il
ne pouvait voir
dans Fernand de Luque un rival dan–
gereux,
il
demanda et obtint pour lui
Je titre d'évéque ; quant
a
Almagro ,
dont
il
redoutait l'ambition et les ta–
lents, il le traita tout
a
fait en
SU·
balterne , et se borna
a
lui faire con–
férer le commandement de la future
forteresse de Tumbez.
JI
se résen
1
a,
p.our lui, le titre de cap'itaine général
et, qui mieux est, cejui d'a¡Mantade
de tous les pays qu'il pourraii encore
découvrir et sµbjuguer, avec une au–
torité absolue sur toutes les branches
du gouvernement et de l'administra–
tion, et tous les priviléges accordés
jusqu'alors aux conquérants du nou–
veau monde. II fut stipulé que son
pouvoir, indépendant des gouverneurs
de Panama, s'etendrait sur deux cents
lieues de cote' au sud de la riviere de
San-Yago; qu' il nommerait tou
les
ofliciers qui serviraient sous ses or–
dres; enfin, qu'il serait souverain . ous
Je contrOle d,e la couronne d'
E
pagne.
En retour de ce énormes conces ions,
Pizarre s'engag;eait tout simplement
a
lever une compaanie de 250 hom111e ,
a
se procurer de vais eaux en nombre
suffisant, et
it
se pourvoir de muni–
tions, afin dr. pouvoir soumettre, au
besoin par les armes, le pays dont on .
lui accordait le gouvernement.
Pizarre trio111phait, et cependant
il
n'était pas au.bout de ses peines et
de ses contrariétés; il eut mille diffi–
cultés pour recruter les 250 soldats
en question. A peine lui fut-il possible
d'en réunir
125,
c'est-a-dire la moi–
tié; et au moment ou les commissaires
de la cour allaient venir vérilier l'ar–
mement, et s'assurer si toutes
les
conditions avaient été lidelement rem–
plies, Pizarre mit clande tinement
a
la voile , emportant ses lettres paten–
tes, sa commission de gouverneur,
en un nwt, tout ce qui devait servir
de fondement
a
sa grandeur future.
Ainsi, le conquérant du Pérou était
obligé , en quelque sorte, de voler
le~
titres sur lesquels devait s'appuyer sa
domination, et d employer la ruse
pour se procurer les moyens d'exécu-
tion dont il avait besoin. ·
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