CLO
Í10us
fa
puiírance. Les Romains avoient trop d'etn–
barras en {talie pour fonger a reconquéri r ce qu ils
avoient perdu dans les Gaules. L'entiere foumiffion
du
Soiífonnois, fruit de la viéloire des Frans:ois fur
Siagrius, fut fuivie de la guerre de Thuringe : une
invaíion, vraie ou fuppofée, furles terres des Francs
au-dela du Rhin, en fut la caufe ou le prétexre.
Clovisaccu(oit
l~s
Thuringiens d'avoir exercé fur fes
fujers les plus monfirueufes cruautés : fes armes fu–
rent fecondées par le plus heureux fucces; tout fut
mis a feu
&
a fang dans la Thuringe,
&
ce royaume
alloit etre réduit en province fujette, lorfque l'illufire
Théodoric , roi des Ofirogoths en Italie , défarma
C!ovis
,.
&
l'engagea
a
fe contenter d'un tribut annuel.
Une paix de pluíieurs années fuccéda a ce traité; les
premiers mois furent coqfacrés aux noces de
Clovis
avec Clotilde. Cette princeífe, niece de Gondebaut,
roi de Bourgogne, jouiffoit d'une réputation qui fé–
duiíit le monarque Frans:ois
:
Clotilde étoit belle ,
fpirituelle '
&
joignoit
a
cés heureufes qualités tou–
tes les graces
&
toutes les vertus de fon fexe.
Il
efi ce–
pendant
a
croire que le mérite de Clotilde., tour grand
qu'll étoit, ne fut pas l'unique
motif
qui détermina
Clovis
a
cette alliance:
&
ce n'efr pas trop préfumer
de la polirique de ce conquérant, que de penfer qu'il
regarda ce mariage comme un titre qui l'autorifoit a
dépouíller Gondebaut du royaume de Bourgogne.
Chilperic, pel'e de Clotilde, avoit péfi par l'ordre
de Gondebaut
.&
fa qualité de gendre fembloit exi–
ger qu'il fUt fon vengeur. La nouvelle époufe avoit
été élevée dans le fein de la religion : elle multiplia
fes efforts pour déterminer
C!ovis
a
fe plier au joug
<le la foi. Ses premieres tentatives furent infruélueu–
{es: le monarque permit cependant que fes enfans
fuífent levés fur les f-onts; mais
la
mort d'lnguiomet,
fon ainé, qui mourut peu de tems apres la cérémo-
. nie,
&
la maladie de ton fecond , qui fut aux portes
du tombeau, s'oppoferent aux vreux ardens de cette
princeífe, ils ne furent accomplis qu'apres la bataille ,
de Tolbiac contre les Allemands.
On
prétend que
Clovis,
fur le point de perdre cette fameufe bataille,
&
fatigué d'in voquer inutilement fes dieux, fe tour–
na vers celui des
Chr~tiens,
qui couronna fes efforts.
Les hifioriens lui pretent une aíl'ez longue priere ,
que, fu'!vant eux,
il
fit en préfence de fon armée :
mais c'eíü été une indifcrétion incompatible ave
e
le
caraélére d'un auffi grand général; ce n'étoit pas en
montra.ntfon défefpoir
&
en parlanr d'abé\ndon–
ner
~es
dieux de fa nation qu'il pouvoit fe flarter de
ranimer le courage de
~s
foldats, qui tous étoient
-
idolatres.
Si,
comme l'ajoutent ces écrivains, il par–
vinta exciter de cette forre l'ardeur des Francs, cette
ardeur doit erre regardée comme un miracle: La
dérou.tedes Allemands
&
des Sueves, leurs alliés,
fut complette, leur pays fut ravagé;
'&
tous les habi–
tans auroient été chaífés
Oll
exterminés , fi le .meme
Théodoric , qui avoit
déja
obten
u
la grace des Thu–
ringiens ' ne fftt parvenn a calmer le reífentiment
de
Clovis.
Les vaincus fe foumirent, le roi leur per–
rnit le libre exercice de leur religion,
&
leur con–
ferva leurs loix ; mais il
fe
réferva le droit de con–
firmer l'éieétion de leurs fouverains, auxquels il fut
défendu de prendre le titre de roi ' mais feulement
celui de duc. Cette conquete, 'qui ne coftta aux Fran–
<;o:is qu'une
f~ule
campa_gne, donne une haute idée de
leur valeur. Les Sueves feuls a voient été long-tems
le défefpoir des Romains : Céfar avoit meme re–
gardé comme fort glorieux d'avoir pu mettre le pied
dans leur pays.
Clovis
a
fon retour fe montra fidele
au
vreL~ ·qu'il
avoit fait d'embraífer le chrifiianifme:
il rec¡ut
le
bapteme par ]e miniftere de S. Remi qui
dans cette augufre cérémonie lui parla avec une ma–
gnanimit€ íinguliere.
u
Sicambre, dít ce prélat en lui
ad.reílant
la parole'
autrefois
fJ..
fier '
fi
faro
u
che '
&
·-
,.
CLO
471
qt~e
Iá gráce rend aujourd'hui
ú
humble ,
fi
foumis
plte le col, adore ce que tu as brulé,
&
brftle ce
que tu as adoré
H.
Remi eut parlé avec plus
d'exac~
titude , s'il eut recommandé a
CLovis
d'adorer ce
qu'il efi impoffible de
br~ler
; mais la religion
lui
pardonne en faveur du famt enthoufiafme qui l'ani–
moit. L'exemple de
Clovis
fut fuivi par une infinité
de Franc¡ois qui demanderent le bapteme. La conver–
fion de ce monarque ne nuifit point a fes deífeins :
elle fervit au contraire a en accélerer l'exécusion..
L'Eglife étoit infeétée de plufieurs feéles : le rof des
Viíigoths
&
celui des Bou·rguignons étoient Ariens ;
&
leur héréfie excitoít la haine des ortodoxes, qui
formoient le parti le plus puiflimt , tous devoient fe
déclarer en fa faveur contre les feétaires. T out le
clerg~
catholique, meme celui de Rome, s'empreífa
de lut donner des marques d'eftime
&
d'amour.
Le
pape, ou plutót l'éveque de Rome, fuivanr le ílyle
en
u~age
alors, luí parloit fans ceífe d'un dieu qui
devolt donner a fes armes . les fucces les plus écla–
tans : il l'invoquoit des-lors comme le proteéteur de
fon égli(e. (( Tres-cher, tres-g orieux , tres-illufire
fils, luí difoit-il, donnez cette fatisfaétion
a
votre fainte
mere : fo•yez pour elle une colonne de fer ; conti·
nuez, afinque le tout-puiífant protege votre perfon–
ne
&
votre ro'yaume' qu'il ordonne
a
fes anges de
vous guider dans toutes vos entreprifes,
&
qu'il
vous donne la viél:oire "· Une femblable épitre ef1t
été capable d'opérer
la
converíion de
Clovis.
JI
ne
tarda pas a entreproodre une nouvelle guerre;
ii
chercha tous les prétextes pour attaquer
Gondebaut~
dont les étars avoient allumé fa cupidité : les fouve·
rains en manquent rarement. Gondebaut n'avoit
qu'une perite partie de la Bourgogne; Godig\úle,.
fon frere, en partageoit l'empire avec lui. Ces deux:
freres nourriífoient l'un contre l'autre une fecrete
inimirié : cette inimitié, plus puiírante furGodigifile
que les nreuds du fang' le détermina
a
folliciter
le
roi de France d'entrer en Bourgogne; ce qui fut bien–
téh exécuté. Gondebaut n'ayant
pu
arr~ter
l'impétuo–
fité Frans:oife , fut vaincn
&
pourfui vi jufques aans
Avignon : il ne conferva fe·s états qtt'en s'affujertif–
fant
a
un tribut.
C!ovis
avoit conjuré fa ruine; il n€:
fe fut pas contenté de ce tribut; il fit dans la fui te
plufieurs tentarives pour
le
perdre
~
&
il
eíh
réufli
dans ce projet fans Théodoric qui ne vouloit pas
l'avoir pour voiíin. La foumiffion des villes Armo–
riques, c'efi-a-dire, de la Bretagne, fuivit l'expédi–
tion de Bourgogne: il ne
fut
plus permis aux Bre...
tons d'avoir des rois pour les gouverner, mais feu–
lement des ducs; ainfi tous les peuptes établis dans
les Gaules, étoient ou fujets ,
ou
tribntaircs de no–
tre monarchie. Les Viíigoths feuls avoient confervé
Ieur indépendance. Alaric ayant jugé
a
propos de
priver un éveque de fon fiege ;
C!ovis
affeél:a un faint
zele ,
&
feignit de croire qu'il ne pouvoit fe difpen·
fer de prendre la défenfe de l'éveque dépoíl'édé.
Alaric craignoít d'entrer enlice
avec ce
monarque:
fes fujets abatardis par le calme d'une ]ongue paix,
n'étoient pas en état de fe mefurer avec les FraAs:ois:,
il
eut recours
a
la négociation; mais
ilépronva
qu'un prince armé par la politique , efi implacab.le.
CLovis
l'accufa d'avoir voulu l'aífaffiner: il étoit bien
plus capable de
luí
fuppofer ce crime qu'Alaric ne
l'éroit de le commettre. Ríen ne put calmer l'indi–
gnation feinte ou véritable du monarque Franc¡ois.
Théodoric, qui régnoit ave c tant de gloire en Italie
~
&
dont le roi des Viíigoths avoit époufé la fille,
lui
écrivit les lettres les plus preífantes, qui toutes fu–
rent infruétueufes. Les Franc¡ois en partant pour
cette exp ' dition , firent un
v~u
qui éroit ordinaire
aux Catres, l'une des principales riges de leur na–
tion ; c'étoit de ne fe couper les cheveux
&
la barbe
qu~
úu:
les
dépouille_s
fanglantes des Vi!igoths.
f_toris
.
)