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- C H R

Ckr:(l;ne

eft la (eule qui s'y foit

déterm~née

par

un

mottf honorable aux yeux de la raifon, s'il efi vrai

cependant qn'il foit permis

a

un fouverain

de

facri–

fier fes fujets qu'il rend heure

lX ·,

au deíir fi naturel

de l'etre foi

-meme.Jl

n'efr peut-etre pas inutile de

ren;~arquer

que tous ceux qui fe font décidés

a

cette

démarche par des motifs

íi

différens, fe font tous

réunís dans le repentir qn'ils ont eu de l'avoir fait.

La réponfe de Sylla; qui au moment qu'ilfe dépouil–

loit de la diél:ature , fut outragé par un Plébélen;

les foupirs de Charles-Quint devenu ridicule

&

vil

dans le fond d'un cloitre ; les regrets du vieux Víc–

tor défefpéré de n'avoir plus de couronne

a

pré–

fenter a fa ma.ltreife ; les regards. que

Chriftine

laiifa

·quelquefois échapper vers le tróne de Suede, tout

femble avertir le philofophe de tenir en réfer:ve , '

l'admiration qu'ilefi te.ntéde proaiguer

~des

aéhons

qui, fublimes en apparence, ne (ont fouvent que des

faillies de caraétere qne le repentir dément.

Libre enfin des préjugés de fon age , de fon fexe

&

de fon rang,

Chrijlíne

voyageoit .dans les états

voifins de ceux qu'elle venoit d'abandonner, recueil–

lant fans émotion, fur fon paífage , les éloges

&

les

cenfures qu'on fairoit de fon abdication:

monerrmt

Jur cela,,

dit M._. d'Alet_nh,ert

~

une

,Ph~lofophie

fu_pé–

rieure

(l

celle

meme

qut

L

avozt portee a

cette

abdtca–

uon.

Chrijline

décidée

a

fixet fon féjour en ltalie , le cen–

tre des arts

&

par conféquent cehti du bonheur pour

cette reine

f~aV'ante

, fpngeoit

a

abj rer le protefian–

tiíme, dans !'efpérance de trouver aupres du pape

le feconrs qt\'elle prévit que la Suede lui refuferoit

un jour. Les Jéfuites qui

s~étoíent

emparé de la con–

vedion de cette princeífe, triomphoient, comme

fi.

{on fuffrage eftt ajouté beaucoup

at.tx

démonfirations

de la vérité de notre religion; les. protefians Suédois

étoient corríl:ernés, comme

.íi

affiíl:ant

a

la meífe

a

deux cens lieues de fon pays ,'la reine alloit renver–

fer le rdyaume:

Chriftine

en abjurant

a

Bruxelles,

fourioit de la joie des uns

&

de la·douleur des autres.

Le cardinal Mazarin la fit complimenter,

&

fans

·o01.lte pour ne point effaroucher la dévotion naiífante

de la princeífe , 6t partir pour Bruxelles des troupes

de comédiens Frans:ois

&

ltaliens. Les feítins , les

bals, les panies de chaífe, les tournois, rien ne fut

-épargné. Elle ne craignit point de fe

livr~r

a

toute

la diffipation des fetes les plus tumultueufes, croyant

peut-etre qu'une conduite plus févere ef1t été un

refie du protefiantifme auquel

ell~

venoit fi

~?lem­

nellement de renoncer. Elle prolongea fon fejour

a

:Bruxelles , dans l'efpérance d'entn!tenir le grand

Condé, le feul homme de l'EJrope qui, par l'éclat

de fa réputation fut digne alors d'exciter fa jaloufie.

Condé de fon coté, deíiroit de contempler cette

femme étonnante :

It

faut voir de pr'es

,

difoit-il,

cette princef{e qui abandonae

ji

faci(ement

la-

couronn._e

pour laquelle nous combattons nous autreS

'

&

apres

laq,uelle nous courons toute notre vie fans pouvoir

l'atteindre.

Cependant

Chrijline,

an fein des plaifirs qni l'en- ,

touroient, tournoit en foupirant , fes regards vers

l'Italie

Oll

toutes les merveilles de l'antiquité rattea–

doient. Innocent X , fameux autrefois par fa bulle

contre les cinq propofitions d!-'! Janfénius

&

alors

odie\: x par fon

.ingrati~ud~ e?v~rs

les Barberins

auxquels

il

devott la thtare, etolt mort le

6

Jan–

vier

165

5· Le cardinal Chigi venoit de lui fuccéder.,

fous le nom d'

ALexandre

V111.

Chrifline

dont il étoit

l'a.dmitateur

&

l'ami , treífailloit de joie en penfant

qu'eHe alloit trouver aRome toutes les facilités de

fe livrer

a

l'étude des chefi-d'reuvre dont elle alloit

etre environnée. Elle partit enfin, paífa par Infpruk

oit on luí perfuada de renouveller dans la cathédrale

de cette ville fa profeffion de foi catholique : dle

y

Tome

11!.

CHR

to.n{e?tit vol?htiers.

~oute

la pompe.

&

tóute lá

g;uete des fetes pubhques brillerent tl.'un nouvel

édat,

&

~h:iflin; fi~t

perfuadée' dit-ori, qu,e

ehan~

get de rehgwn etoH la chofe du monde la plus di=

1

vertiífante.

Le jonr meme de cet aél:e religieux ; on la pria

d'affifier

a

une comédie, elle répondit :

lL

efl

bien

jujle qu'on me donne cefoir la comédie;

apres

11'oits a 1

,oir

d&nné 1

'n.oi

-méme une force ce matin.

Convenons cepepdant qne M. Chevreau

qlli

rapo

porte ce fait, auroit bien d('t s'en défier.

<•

Certaine~

me!lt, dit M. Lacombe, la reine ne fut pas

6

impru1.

dente, que de to·urner en ridicule une aétion qu'elle

a voit tant d'intiéret de faire regarder comme fince re

par les avantagesqu'elle en

efpéroit~~.

La reine

dbnt

le voyage en Italie n'étoit qu'un long triomphe ··

avan<;oit vers la capitale oit elle fit fon entrée le

19

décembre , aux acclamations d'un peuple immenfe..

Ell.e defcendit au palais

&

baifa les ma'ins du pape

qut naturellement·, difoít-on , auroit dt1 baifer

le~

fiennes. Entourée de fs;avans célebres

.>

d'artifies

fupérieurs qu'elle étonrloit pat l'étendue de fes con–

noiífances,

Ch.r-ijline

employoit tous fes mom€ns

a

vifiter les monumens publics ' les églifes ' les

académies , les cabinets des curieux , les colléétion3

de

t~bleaux

,

&c.

dans ce premier enehantement

d'une jouiífance qu'elle avoit íi ardemrflent deíirée

~

Clzrijline

heureufe

&

libre a u fein des beaux arts, ne

regrettoit par l'éclat du rang qu'elle avoit facrifié. Le

moment de l'yvreífe étoit arrivé, celui du repentir

ne l'étoii: pas encore. Parmi les perfonnesfenfibles

au mérite de la jeune reine, le cardinal Colona eut,

dit-on, l'andace de l'aimer, Fimprudence de le lui dé–

clarer,

&

le ridicule d'en etre plaifanté.

Chriftine

fou–

rit

a

la paffion de fon éminence'

&

luí dédara qu'elle

n'étoit point venue

a

Rome pour etre fcandalifée.

Uny fois femme en fa víe, elle eut la foibleífe

d'etre trop fenfible

a

qnelqnes propos que tinrent

des Efpagnols jaloux de l'attachement qu'elle pa..

roiífoit témoigner aux ltaliens. Elle demanda jufiice,

robtint,

&

fe repentit de l'avoir obtenue. Le dépit

fecret d'avoir

~référé

la fatisfaétion de fe venger

a

la gloire d'un pardon généreux qui pouvoit l'hono–

rer

a

fes yeux; la fit rougir'

&

des·lors elle prit

la

réfofution d'abandonner un pays témoin de fa foi–

bleífe pour fe rendl'e en France, oit la fingularité de

toutes fes démarches devoit lui miriter de nouveauX:

éloges

&

de nouvelles cenfures. Elle res;ut daos ce

royaume tous les honneurs qu'on rendit autrefois

a

Charles-Quint. La cour s'ernpreífa de voir par cu-–

riofité une femme dont }e ¡:araétere avoit du moins

l'attrait piquant de la nouveauté ; mais la plupart

des courtifans ne remarquerent en elle que la fin-

. gularité de fes habillemens,

~P-peu-pres

comme le

marquis de Polainville, qui

a

Londres donnoit pout

le réfultat de fes obfervations , que les Angloi!i

avoient l'air un peu étranger.

Ch.rifline

de fon coté,

ennuyée du cérémonial de la cour, demandoit pom ..

quoi les clames montroient tant d 'ardeur

a

la bai·

fer :

ejl-ce,

difoit-elle ,

paree que /e reffembfe

a

U!Z

lzomme?

L'époque la plus remarquable

&e

fon féjour en

France, & que nous aurions fupprimée

:fi

nous n'é!.

tions que les panégyriftes de cette princeífe , eft

la mort du marquis de Monaldefchi , fon grana

écuyer. Ce feigneur qu'on íoupc;onne avoir élé

l'amant favorifé de

Chrifiine,

eut l'imprudence on

le.malheur d'humilier fa fierté en écriv.ctnt

a

une

femme qu'il lu.i préféroit, des lettres ott la reine ·

ét0it indignement outragée.

Chrifline

furptit ces leE–

tres fatales,

&

parut fans foupc;on

jufqu~au

momerrt

ñxé pour en tirer vengeance. Elle tnande Monal.w

defchi dans la galerie des cerfs

a

Fontainebleau

~o~

elle logeoit; il vient)

&

la porte fe fer?-!e

aveif

G

gg

lJ .