CHR
Suede, pou r la punir d'avoir tant contribué
a
cette
paix , dont il tiroit
ú
peu d'avantage. Un fiecle plu–
tot,
cette bulle eftt ranimé la guerre , 1empereur
la fit arracher
&
l'on n'en parla plus.
La France étoit alors agitée par les trouble,s ?e la
fronde; Mazarin qui
a
force d'audace ,
d~
gerue
&f
de richeífe
s'étoit rend
e maitre du ro1, dont
1l
careíl'oit les'foibleífes
d
la reine qu'il flattoit par
l'ombre d'une autorité qu'eUe n'av_oit
lus,
&
de
l'état que Condé mécontent refuf01t de fauver une
feconde fois , aífembloit des armées que le parle–
ment décrétoit de prife-de-corps, contre celles des
princes qui, effacés par
la_
fplendeur d'un pr"tre
Italien , s'indignoient de
~e
¡ouet
_a
la cour _que des
roles fubalternes. Mazarm donnOlt des batailles ' le
parlement rendoit des arrets '
&
le peuple faifoir
des chanfons. Cette guerre qui n'étoit que ridicule,
pouvant devenir funefte , alarma
Chrijlim
qui
cra1gnit peut- etre que la fin de l'orage ne vint
troubler la férénité de Jes états ,
&
luí enlever ce
repos philófophique dont elle jouii!oit avec tant
de délices ' dans le fein des arts
&
des fciences qu'–
elle avoit appeliés dans fon palais. Elle alloit négo–
cier avec le parlement, lorfqtte fon exil a Pontoife
fit
renaitre la paix, les bons mots
&
l'oubli de rout ce
qui ven"it de fe paífer.
.
.
Clirijline
a
la tete d'un peuple devenu ·redoutable
pár la rapiclité de fes viétoires , ador 'e du fénat
qu'elle charmoit, autant par la fageífe de fes con–
feils, que par l'ét-endue de fes connoiífances, jouif–
foit
des hommages des jeunes fouverains de l'Eu–
rope 'qui
bri~tioient
al'envi la main d'une princeífe
qui pouvoit d1fpofer d'une couronne que
fa
fierté
ne vouloit point partager. En vain l'aífemblée des
états renou.velloit fes follicitations pour qu'elle dai–
gnat fe choifir un rnari.
l'ainze nzieux,
dit-elle,
vous
donner un fucceffiur capable de tenir ayec gloire les
-rénes du gouyernement ; ne me force{ poim
a
me
marier
,
it pourroit auJ!i facilement naitre de moi un
Néron qu'tm. Augufle.
En
conféquelll.ceelle fit confir–
mer par le fénat l'éleétion de Charles-Gufrave, fon
coufin' qui·rec¡ut
a
genoux la couronne de fesmains'
&
qui jamais n'ofa la p-orter devant elle. Cependanr
la
reine dont le gof1t pour les fciences étoit devenu
la
paffi.ondominante ' commenc;:oit
a
lui facrifier les
indrets d'une nation qu'elle avoit rendue floriífante;
le peuple murmuroit en voyant les finances de
l'état épuifées
a
acheter des bibliotheques' des ma–
nufcrits, des ftatues,
&c.
L'ambaífadeur d'Angleterre
fe-
plajgnoit de ne vo!dt fes audiences que des gram–
-mairiens. Des-lors
C!trifline
,
qu'on ne contrarioit
point impunément' forma le projet de renoncer a
la
royauté. La crainte polirique d'affoiblir l'éclat d'un
·regne dont elle ne pouvoit plus augmenter la gloire;
la néceffité .'de donner
a
fon royaume épuifé par la
prodigalité de .fes bienfaits, un rnaitre qui, fans de–
venir le fien , -en rétabllt le défordre ; le plaifir or–
-gueilleux d'étonnet les fouverains de l'Europe , par
une démarche dont la fingularité flattoit fon amour–
propre ; le defir, tous les jours plus violent , de s'ar–
racher au gouvernethént des affaires dont l'unifor–
mité l'ennuyoit, pour jouir dans le fein des beaux
arts, de la liberté qu'elle préf¡ ' roit
a
tout. Tels
étoient les mot.ifs du partí dangereux qu'elle alloit
prendre.
.
Cependant l'intéret de
la
nation,les fréquentes re–
mon trances des états, le confetl du fage d'Oxenf–
tiern, qui dans la démarche de la'reine , ne vit que
le repentir qu'elle en auroit un jour; tout s'oppofoit
a
l'accompliífement de fes deíirs ;
Cfzrifline
flatt ' e)
tourment 'e , complimentée , ennnyée,
fu
·cramdre
pour fa tete .& meme pour fa
ie. Les -obfracles
qn'elte éprouvoit
a
defcendre dn trone' la plon–
'erent dans cette
mélancolic
de l'ame qui dévore
CHR
l'ambitieux defefp ' ré de ne pouvoir
y
monter. Cette
femme , finguliere jufqnes dans
1es
exp reffion ,
s'écrioit en montrant fe minillres :
Qu.1
"Zd
m
détivrera- t- rm de ces gem-ía
,
ils Joru pour moi
ü
diable?
11 vint enfin, ce jotr
fi
Iong-tems deíiré: l, ville
d'Upfal fm choifie pour l aífembl ' e
;_~;; ncral
des
ét~t
;
Chriftine
pr ' céd ' e par la foule d'nn peut le g '–
nuífant de _perdre uneieune fouveraine qui pouvoit
rendre flordfante la na110n que fon pe re avoit rendue
formidable; environnée du cortege nombr ux des
ambaífadeurs, des minifire étrangers, qui , accou–
turnés
a
préíider au couronnement de princes , al–
loient pour la premiere fois ' etre les témoins d'une
cérémonie bien diffi' rente;
Clzrijline
parée de tous les
ornemens de la royauté ' {e r ndit
a
fept heures dtt
matin dans la grande falle du chateau, pendant que les
cris du peuple s,élévoient autour des murailles dupa–
lais;les orateurs des trois ordres renouvellerent toute
l'ardeur de leurs anciennes rernontrances. Celui des
payfans s,approcha de ]a reine, prit fa main
&
la
tenant
a
genoux ' la baifa plufieurs fois fans pronon–
cer un feul mor; i1 fe releva enfuite,
&
s'eífuyant les
yeux avec fon mouchoir, il fortit brufquement dtt
chateau.
Chriftine
fenfible un moment au plaifir de fe
voir fi tendrement regrettée , trouva qu'il étoit beall
de friompher de cette fenfibilité qui touchoit
a
la.
foibleffe
:
ufant done encore de l'autorité , laquelle
elle alloitrenoncer, elle
d~clara
aux états affemblés,
•<qnefondeífeinn'étoitpas de leur propoíerun projet
qu'.ils pouvoient examiner , rnai de leur donner un
ordre qu'elle vouloitqu'ils refpeétaffent. Elle ajoura,
q~and
v<?us joindr!ez
un~
couronne
a
celle que je
depofe , Je ne contmnero1s pas mon regne une mi–
nute au-deh\ du terme que j'ai fixé
» ;
alors, ayant
fait lire
a
haute voix par un fénareur l'aéte par le–
quel elle
renon~ait
au trone
&
déchargeoit fes peu–
ples du ferment de fid 'lité , elle le figna. Les grands
du royaume s'avancerent en filence pour recevoit
les ornemens royaux dont
Chrijtine
avoit voulu fe
parer,
&
le comte Pierre Brahé ayant refuí/ d'otet
la
couronne de deífus la tete de la reine, elle !'en–
leva elle-meme , fans que la moindre émotion
parí'lt
.fur fon vifage, que toute l'affemblée contemploit.
C!trijline
foulagée, ce femble , du fardeau qu'elle
venoit de dépofer, defcendit en deshabillé de fatin
blanc jufqu'a la premiere marche de fon trone ,
&
la
déployant cette éloquence qu 'elle avoit culti vée
avec tant d'ardeur, elle fit aux états une harangue
íi
touchante, qu'une partie des fpeétatenrs fut atten–
drie jufqu'aux larmes:plufieurs,ajoute l'hiftorien de fa.
vie, fe jetterent fur fon manteau royal
&
le déchire–
rent, vou.lant
conferver quelque chofe d'une reine
fi.
rendrement
aim.ée;&
v?ila comme l'amour qu'inf–
pirent les fouverams, devtent une paffioh forte qui,
comme toutes les autres, fe change en fanatifme.
Chrijline
voulut que le jour de fon abclication
fUt
célébré par des fetes, avee toute la magnificence que
fa
pa~on
p_our les
a~ts ~voit
introduire dans le roya u–
me; 1mpattente de JOtur enfin de cette liberté a la–
quelle elle venoit de toutfacrifier, elle renvoya fes
femmes, prit des habits d'homme
&
partit d Ufpal,
apres un grand feftin entre onze heures
&
minuit,
en difant aux quatre gentilshommes qui raccompa–
gnoient: mon role eft joué' partons
,je ne veuxpoint
yoir régner un autre dans des
lieux
or't
¡'
étoisfouveraine .
Arretons-nous un moment
a
cette époque, la plus
célebre de la vie de notre héroine ; parmi ceux qui
ont gonverné les hommes on en c0mpte plufieu rs
qui ont renoncé a la fouveraine puiífance.
)
1
la chez:
les Romains par orgueil, Charle -
uint chez
les
Efpagnols par fojblelfe , ViB:or-
A
m 'dée en Sa–
voye, par caprice , ont donné a l'univers le fpeéb–
cle
d un fouverain qui veut ceífer de l'etre ; mais