SEN
tprouvol'ls tons les jours des
finfotioris
qu~
noüs
¡la"
roiífent fimples dans le moment meme , mais que
nous découvrons enfuite ne l'etre nullement. On
{ait, par les ingénieufes expériences que le fameux
chevalier Newton a faites avec le prifme, qu'il n'y
a que cinq couleurs primitives. Ce,pendant ; du diffé–
rent mélange de ces cinq couleurs, il fe
~orlne
cette
diverfité inhnie de couleurs que l'Gn admire dans les
ouvrages de la nature ,
&
dans ceux des Peintres ,
fes imitatcllrs
&
fes rivaux, quoique lenr pinceau le
plus ingéniem( ne puilfe jamais l'égaler. A cette va–
riété de couleurs , de teintes, de nuances , répon"
dent autant de
fenfaJÍons
diíl:inétes , ,que nous pren–
drions
p~)Ur
finJations
fimples, auffi bien que celles
du rOltge
&
du verd , fi les expériences de Neuton
ne démontroient que ce font des perceptions com–
pofées de celles des cinq couleurs originales. Il en
eíl: de meme des tons dans la mufique. Deux ou plu..
fieurs tons de certaine efpece venant el frapper en
meme tems l'oreille, produifent un accord : une
oreille fine appen;:oit
el
la fois ces tons dlfférens, fans
les bien diftinguer; ils s'y unilfent
&
s'y fondent
l'un dans l'alltre; ce n'efr proprement aucun de ces
deux tons qu'elle entend; c'efr un mélange agréable
qui fe fait des deux, d'olt réflllte une troiíieme
fin–
Játion,
quí s'appelle
accord,
JYmphonie
:
un homme
qui n'auroit jamais oUl ces tons
ú~parément
, pren–
oroit la
Jenfation
que faít naitre leur accord pour
une fimple perception. Elle ne le feroit pourtant pas
plus que la couleur violette , quí réfulte du rauge
&
du bIen mélangés fur une furface par petites ponions
égales. T oute
fenfalÍon
,
celle du ton, par exen1ple ,
ou de la lumiere en générar, quelque fimple , quel–
que indivifible qu'elle nous parortre, efr un compofé
d'idées, efr un aífemblage ou
~mas
de petites per–
ceptions quí fuívent dans notre ame fi rapidement ,
&
dont chacune s'y arrete fi peu ,ou qui s'y préfen–
tent c\ la foís en fi grand'nombre , que l'ame ne pou–
vant les difringuer l'une de l'autre, n'a de ce com–
pofé qu'une feule perception tres-confi1fe ,par égard
aux petites parties ou perceptions quí forment ce
compofé; mais d'autre coté, tres-claire, en ce que
l'ame la diíl:ingue nettement de tout.e autre fuite ou
a~emblage
de perceptíons; d'oh vient que chaque
finfation
confllfe ,
el
la regarder en elle-meme, de–
vient tres-claire , fi vous l'oppofez
el
une
fenfation
différente. Si ces perceptions ne fe {uccédoient pas
fi rapidement l'un a l'autre,
íi
elles ne s'offroient pas
a
la
fois
en fi grand nombre, fi l'ordre dans lequel
elles s'Gffrent
&
fe fuccedent ne dépendoit pas de
celui des mouvemens extéúeurs , s'il étoit au pou–
voir de l'ame de le changer;
fi
tout
cela étoit, les
finJations
ne feroient plus que de pures ídées , qui
repréfenteroientdivers ordres demouvement. L'ame
fe les repréfente bien, maís en petit ,mais dans une
rapidité
&
une abondance qui le confond , quí l'em–
peche de démeler une ídée d'avec l'autre, quoi–
qu'elle foit vivement frappée du tont enfemble
~
&
qu'elle difringue tres-nettement telle {uite de mou–
vemens d'avec telle autre {uite , tel ordre , tel amas
de perceptions d'avec tel autre ordre
&
tel autre
amas.
I
Outre cette premiere queítion , 011 l'on agite
ft
les
finJations
font des iMes, on en peut former plu–
fieurs autres , tant cette matiere devient féconde ,
quand on la creufe de plus en plus.
10.
Les impreffions que notre ame re<;:oit a l'occa–
flon des objets feníibles, font-elles arbitraires? Il
paroit clairement que non, des qu'il y a une analo–
gie entre n0S
finfations
&
les mouvemens qui les
caufent ,
&
des que ces mouvemens {ont , non la
fimple occafion ,maís l'objet meme de ces percep–
tions confufes. Elle paroitra
cette
analogie ,
ti
d'ui'Í
coté nous comparons
r;esfenfauolJ.l
entr'el:(es
,U
;¡
TomeXr.
S E N
d
·¡ ·
A '
1
autre cote, nous
co~parons
entr'eux
eS
organe§
d~ ~esfenJatlolJls
,
&
llmpreilion quí fe
fa~t
[ur
ce~
dl,~erens
organes. La yue efr quelque chofe de plus
deltcat
&
de plus habIle que l'oule; l'oule a viíible"
ment un pareil a.vantage fut l'odorat
&
fur le gOllt ;
&
ces det;" derrilers,genres
dejenfation
l'emportent
par le nieme eridrolt fur celul du toucher. On ob..
ferve les memes différericeS entre les organes
de
nos feris , pOlir la compoGtion de ces orlYanes pout
la délicateíle des nei"fs
~
pour la fubtilirl'& la
~lteíle
- dés mouvemens, pour la groíféur des corps exté–
rieurs qui affeétent immédiatement ces organes. L'im"
preffian cotporelle fur les organes des fens n'eft
'{u'un taét plus on nioiris fubtil
&
dllicat ,
a
p~opor
...
tlon
~e
la
nat~lr'e ,de~
orgaz:es quí en doivent etre.
affeétes.
Ce~ul
qll1 falt la vlfion eít le plus léger de
tous : le btUlt
&
le fon nous touchent moins délica.
tement que la hllniere
&
les couleurs ; l'odeur
&
la
faveur encore m0íns délicatement qU e? lefan; lefroid
&
le chaud,
&
les autres quahtés taétíles ,font l'im"
preffion la plus fotte
&
la plus ntde. Dans tous iI ne
taut que différens degrés de la meme forte de 'mou-',
vement , pour faire paífer l'ame du plaifir
a
la dou..;
leur; preuve que le plaiíir
&
la douleur , ce qu'il
y.
a d'agréable
&
de déCagréable dans hos
flnJa úollS
~'
eít parfaitement analogue aux mouvemens quí les
produifent, ou , pour míeux dire , que nos
fenfütions,
ne font que la perception confufe de ces divers mou"',
vemens. D 'ailleurs ,
a
comparer
nosjenJations
entr~
elles , on
y
découvre des rapports
&
des différenceS'
qui marquent l1ne
~nalogie
parfaite avec les mouve",
mens qUl les prodll1fent,
&
avec les organes qui re–
<;:oivent
Ces
mouvemens. ·Par exemple ; l'odorat
&:.,
le golit s'avoifinent beancoup ,
&
tiennent aífez de
l'un
&
'(le l'alltt'e. L'analogie qui fe remarque entref
les fens
&
les coüleurs efr beaucoup plus feníible.
n
faut a préfertt venir aux autres queíl:ions,
& '
eptrer'¡
de plus en plus dans la nature des
fenfations.
Pourquoi, dit-on, l'ame rapporte-t-elle fes
fin/a.•
tions
a
qllelque caufe
extéri,eur~
? Pourquoi ces
fenfa~
.
tio.nsfont-elles ínféparables de l'idée de certains ob..
jets ? Pourqlloí nous impríment-elles fi fQrtement
ces idées,
&
nous font - elles regarder ces objets;
comme exiítans hors de nous? Bien plus, pomquoi
regardons -nous ces objets non-feulement comme
lá,
caufe, mais comme le fujet de
cesfenJatiom?
D'olt
vient enfin que la
JenJation
eít fi melée avec l'idée de
l'objeememe, que <llLOique l'objet foit diítingué de
notre ame,
&
que
lafinfiuion
n'en fQit point diíl:in-,
guée , il eíl: extremement difficile, ou meme impof-–
fible
a
notre ame, de détacher
lafenfation
d'avec l'í..:
dée de cet objet ; ce qui a principalement lieu dans
la vifion. On ne fauroit prefque pas plus s?empecher
~¡
quand on voit un cercle rouge , d'attribuer au cercle,
la rougem qui efr notre propre
fenfadon
,
que de lui
attribuer la rondeu!" , qui efr la propriété du cercle
meme. Tant de quefríons
a
éclaircir touchant lesfen.
fations,
prouvent aífez combien cette matiere eíl: épi-'
neufe. Voici a-peu-pres ce qu'on y peut répondre de
plus raifonnable.
Les
fenfations
font fortir l'ame hors d'elle -
m~me;
en lui donnant l'idée confufe d'une callfe exrérieure
qui agit fm elle, paree que les
fenfations
font des
per~
ceptions invQlontaires ; l'ame en tant qu'elle fent eíl:
paffive , elle eít le fujet d'une aétion; il
Y
a
do~c
hors d'elle un agent. Quel fera cet agent? 11 eíl:,ral–
fonnable de le concevoir proportionné
el
fon aétl?n ,
&
de croire qu'c\ différens effets répondent
~e
dlffé.
rentes caufes ; que les
fenJations
font produltes par
des caufes auffi diverfes entre elles , que le font les
fenJations
meme. Sur ce príncipe , la caufe de la Iu:
miere doit etre autre que la cauCe du feu ; celle qUl
excite en moi
lafin/alion
du jaune , doit nYetre pas
lameme que eelle quí
m~
donn,e la
finJalion
du violeto
E
ij