SEN
he fluide qui les rend pefans , un autre qui les tend
~ieéhiques,
ou qui
f~it
tourner la bouífole au nord,
&c.
Tant de fuppofitlOns prouvent. aífez que ce que
les
Jens
nous Qlontrent, eft encore tout ce que nous
favons 'de mieux.
Qu'on juge par-la des bornes
étro~tes
&
du pe\l
de certitude de nos connoiífances , qui conÍtftent
á.
voir une partie des chofes par des organes inndeles
&
a
deviner le refte, D'Oll vient, direz-vous, cette
nature fi bonne, fi libérale , ne nous a-t-elle pas
donné desJens potir toutes ces chofes que nous forri–
mes contraints de deviner , par exemple , pour ce
fluide qui remue la bouífole , ponr ce!ui qui donne
la vie aux plantes
&
aux animaux? C'étoit le plus
court moyen de nous rendre favans fui tO).1S ces
phénomenes qui deviennent fans cela des énigmes :
car enfin les cinq efpeces de matieres qui fqnt com–
me députées vers nous , des états du monde maté–
térie! ne peuvent nous en donner qu'une vaine
ébauche ; imaginons tm fouverain qui n'auroit d'au–
tre idee de t0115 les peuples que celles que lni don–
neroient un frans;ois, un perfan, un égyptien, un
cn~ole
, un chinQis, qui tous cinq feroient fourds
&
muets ; c'eíl ainfi tout au-moins que font toutes
ces efpeces de matierés, En vain la phyíiqu.e mo–
derne rait fes derniers effotts pour interroaer ces dé–
putés ; quand on fuppoferoit CJ,u'ils dirorit un jour
tout ce qu'ils font eux-memes,
il
n'y a pas d
1
appa_
l'ence qu'ils .difent jan:ais ce
qu~
font les auttes peu–
pIes de matlere dont lis ne font pas.
Le créateur n'a pas voulu no
LIS
dOOJ~et
un plus
grand nombre de
Jens
ou des
fens
plus parfaits pour
r'tous faire cQnnoltre ces· autres peuples de m;tlere,
ni d'autres
m~dificatioris
dans ceux-memes que nOlls
connoiífons. Il noUs a refufé des ailes , il a fixé lá
médiocrité de la vlte qui n'appers;oit que les feules
furfaces des corps, Mais de plus grandes facultés
euífent été illutiles pour notre bonheur
&
pour tout
le fyíleme du monde. Accuferons-nollS le cíe! d 'etre
cruel envers nOllS
&
envers nous feuls
?
Le bonheur dé l'homme, dit Pelpe , ( qui emprun–
te pour le peindre, le langage des dieux ) le bonheur
de l'homme , fi l'orgueil ne nOlls empechoit point de
l'avouer, n'eíl pas de penfer ou d'agir au-delA de
l'homme meme, d'avoir des puiífances de corps
&
d'efprit, au-delel de ce qtIi convient
él
fa nature
&
a
fon état. Pourquoi l'homme n'a-t-il point un reil mi–
crofcopique
?
C
'e.ílpar cette raifon bien fimple , que
l'homme n'eíl pomí uné monche. Et que1 en feroit
l'ufage, fi l'homme pouvoft confidérer un ciron,
&
que fa vue ne put s'étendre jufqu'aux cieux? Quel
féroit celui d'un toucher plus délicat , íi trop fenu–
ble ,
&.
toujours tremblant, les douleurs
&
les ago–
nies s'introduifoient par chaque pore ? D'un odorat
plus vif, fi les parties volatile. d'une rofe, par leues
vibrations dans le cerveáu, nous faifoient mOltrir de
peines
aro~~tique~?
D'üne oreille plus fine,
fi
la na–
ture fe falfolt touJours entendre avec un bruit de
tonnere,
&
qu'on fe trouvat étourdi par la mufique
de fes fpheres roulantes
?
O cOUlbien nous regrete–
rions alors que le cie! no\.lS eut privé au doux brutt
des zephirs
&
du úlUrmute des rurtreaux! QllÍ peut
ne pas reconnoitre la bonté
&
la fageffe de la Pro–
vidence, également
&
dans ce qu'elle
~onne,
&
dans
ce qu'elle refufe
?
Regardons pareillement les fenfarions quiaflligent
OH qUl
enchan~ent l'~e comm~
de vrais préfens du
ciel. Les fenfatJOns triftes avertiífent l'homme de fe
tnettre en garde contre l'el'memi qui menace le corps
de fa pene. Les fen[ations agr"éables l'ínvitent a fa
confervation de fon individu
&
dé fon efpece.
Peut-etre que des
flns
plus multipliés (ue les na–
tres, fe fulfent embarraífés, ou que l'avi ' c.lrio–
fi,é
q\l'il~
OOUi
el.l.fient
infpiré, nQus eut procuré
f-aS
S
E
N
cl'i.nqui.étude que de plaifir. En un mot , le bon ufagé
de ceux que nous avons, fuffit
a
notre félicité. JouiC–
fons donc , comme il convient, des
fens
dont la na–
ture a bien vdulu notis gt:aufiei-: ceux
de
l'oule
&
de
la
vue me femblent etre les plus délicats
&
les plus
~hafi.esde
tous. tes
pla~ílrs q~i le~
remuent, font les
plus mnocens;
&
les arts
a
qUl nous devons ces plai.
firs ,
méri~ei1t
une place diílinguée parmi les arts li–
béraux, comme étan! des plus irigénieux, puifqu'on
y emploie toute la fubtiliré des combinaifons marhé–
ri1ati~ues.
La peinture reveille l'imaginati9n
&
nxe
la memoire;
la
muíique agite le creur;
&
fouleve
les pallions. Elles font .paífer les plaifirs dans l'ame :
l'une par les yeux, l'autre par
l'or~ille.
On diroii
meme que les 'pierreries ont un charme firigulier ,
dont la mode fe fert pOllr fixer la cllriouté. lile faut
bien; car fans cet éelat impérieux " notre folie auroit
des bornes, du moins celles gue l'inconílance a foin
de mettre
a
tous nos gOllts. Eíl-ce qlie ces étinceUes
pur.ea-qüi petillent au fein du diamant , feroient une
efpece de co.11yre polir la vue? Les hiílres
&
les gla-:
ces (eroient
a
ce prix une merveilleufe inverition,
&
peut-etre ces chofes ont-elles avec nous une douce
fympathie, dont nous fentons l'efret fans le deviner?
Les plaiúrs des autres
fens
peuvent etre plus vifs ,
mais je les crois moins dignes de l'homme. Ils s'é...:
mOlllfent, ilsfe blafent, quand oti les irrite;
&
quand
on en abufe, ils laiífent d<Íns la vieilleífe un triíté
repentir ou de facheufes infirmités. (
Le cheyaliú- De.
JAUCOURT.
)
.
• .
SENS
INTERNES , (
J?/zyjiol.
)
aaións de l'ame
Oli
de l'intellea, aux
'qlle1l.esil eíl excité par la percep":
tion des idées.
Les [eules "oies par Olt les conrioiífances
atr~vent
dans l'entendement humain, les fetils paífages, com–
me dit Loke, par lefquels laluiriiere entre dans cette!
chambre obfcure , font les
fens
externes
&
internesJ
Les
flm internes
font les paffions, l'attentiorí, l'i–
magination
&
la mérrioire. Telle eíl l'énwnératiori
ordinaire,
&
él
mon avis, peu exaae, qu'on fait deS
fens intemes;
mais ce n'eíl pas ici le lieu de la reai":
her; nous ne traitons qu'en phyfiologiíle,
&
feule':
ment ce qu'il convient au médecin de connoitre,
pour entendre, expliquer,
&
guérir , s'iI e"íl pollible,
les mcheufes affeaions du cerveau.
n
fefnble que les perceptions de notre iÍltellett
naiífent de la diff¿rence des nerfs affeétás , de la dif":
férente ftruaure de l'organe dti fentiment, des diffé.l
rentes parties de la moeJle du cerveau d'olt les
nerf~
prennent leur origine,
&
du cours différent des ef–
prits animaux. Nous fommes tellement formés , qu'a
l'occaíion des divers états de l'am€ ii fe fait dans lé
corps des mouvemens mu[culaires, tine
cil~culatiorf
ou une fragnation d'humeurs , de [ang
&
des efprits..
Les mouvemens mufculaires dépendeilt de l'influx:
du fuc nerveux que le cerveau porte dans les muf ..
eles; la partie du cerveau du
fenfórium commune,
011
les efprits animaux fe' trouvent raífemblés , eíl
peut~'
erre la moeIle du cerveau dans la tete. Cetté partie a
différens terrÍtoires , dont chacun
a:
fon
netf
&
fa 10'-'
ge pour les
idée~
; le nerf óptique donne l'idée des
aouleürs ; l101faalf, des odenrs ; tes nerfs moteurs,
éeux des mouvemens. Une goutte de liquide, fani
Ola autre, épanchée fúr
I'or~ane
des nerfs , prodUlt
l'apoplexie; Des-Iors plus d'ldées ftmples
ID
aCl<:eífoi–
res, phlS de rriémoire, plus de pallioa , plus de
j ens
internes,
plus de mouvemens mufculaires,
fi
cen'eft
dans le creur OLl ils font paffés. Qü
1
0n ne craigne
point qu'il
Coit
trop humiliant pour l'amourpropre,
de favoir que l'efprit efi d'une nature
fi
cor'porelle?
Comme les femmes font v'aines de lenr beautés, les–
beaux efprits feront toujours
vain~
du ?el-efprit"
&
les philofophes ne fe montreront jamalS aífez phil9-<
fophes , pour éviter cet écueil univerfel,
~,
........