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73 4

ART

'ces mots

heaucoup, peu

,

p,ts

,

point

,

r¡en, fora,

if–

)Jece, tant, moins, plus, que,

lorfqu'il vient de

quan–

.J"m~

comItle dans ces vers

~

-Que de mépris vous ave{ l'un pour ['autre,

Et que vous ave{ de raifon!

'ces mots, dis-je, ne font po!nt des adverbes., .11s{Ol1t

de véritables noms,

dll-mom~

dans le ur ongme,

&

c'efi pour cela ql1'ils font modinés par tm fimple qua–

llficatif indéliñi , qui h'étant point pris individuelle–

'mcnt, n'a pas beloin

d'anicle ,

il ne lui faut que la

fimple prépofition pour le mettre en rapport avec

'beallcoltp

,

pea, rien, pas ,point, fone

,

&c.

Beattcoup

vient, felon Nicot, de

bella,

id efi,

bona

&

magna

c0l'iít ,

UITe

bzlle abondance,

comme on dit

une

b~lle

'rtcolte, &c.

ainfi

d'argent , d'eJPrit.,

font les quahfi–

catifs de

coup

en tant qu'il vient

de'topia;

il

a abon–

dance

d'argent , d'eJPrit,

&c.

M.

Ménage~it

que ce mot eíl: formé de l'adjefuf

heau

& du fubíl:antif

coup

,

ainfi quelque étymolQgie

qu'on lui donne, on voit que ce n'eít que par abus

<ju'il efi confidéré comme un adverbe : on dit,

il

ifi

meilleur de beauC1Jltp,

c'eíl:-a-dire

filon un beaucoup ,

011

vous voyez que la prépofition décele le ftibítantif.

Peu

fignifie

petiu quantité ;

on dit

le

pert) un. pUl,

de.peu,

a

pe¡¿, <¡uelque pert:

tous les analogiíl:es fou–

riennent qu'en Latin avec

parum

on fous-entend

ad

ou

pu,

& qu'on dit

parum-per

comme on dit

te-cum,

en mettant la prépofition apres le nom; ainfi nOlls

tlifons un

pw de vin,

comme les Latins difoient

parum

.."ini,

en forte que comme

vini

qlJalifie

parum

fubf–

tantíf, notre

de vin

qualifie

peu

par le moyen de la

prépofition

de.

Rien

vient de

rem

accufatií' de

res .'

les langues {{ui

fe font formées du Latín, ont fouvent pris des caS

obliCI1les pour en. fa!re des

dé~ominatións di¡:e~es

;

ce qui eíl: fort ordmaue en

ltalten.

Nos peres d¡fOlent

fur toutes riens,

Mehun; & dans Nicot,

elle le haitfur

tout rien,

c'eíl:-a-dire

,fur tolttes chofis.

Aujourd'hui

rien

veut dire

aucune chofi;

on fous-entend la néga–

tion, & on l'exprime meme ordinairement ;

ne dites

rien, ne foites rien:

on dit

le

rien

vaut mieux que le

mauvais ;

ainfi

rien de bon ni de beau,

c'eíl:

aucune chofe

de bon,

&c.

aliquid boni.

D e

hon

ou de

beau

font donc des CI1lalificatifs de

rien,

& alors

de bOIl

ou

de beau

étant pris dans un

fins

éjualificatifdeforce

ou

d'eJPece,

ils n'ont point

l'arti–

ele;

au lieu que fi l'on prenoit

ban

ou

beau

individuel–

l ement, ils feroient précédés d'un prénom,

le

beau

YOUS touche, j'aime le vrai ,

&c. Nos peres pour ex–

primer le fens négatif, fe fervirent d'abord comme

en Latín de la fimple négative

ne, fac!u.e{ nos ne ve–

nijines porvol malfaire ;

ViLle-Hardouin,

p.

48.Vige–

nere traduit

,fache{ que nOllS nefommes pas venus pour

youS malfaire.

D ans la (uite nos peres, pour donner

plus de force

&

plus d'énergie

a

la négation, yajoll-

1:erent CI1lelqll'un des mots qui ne marqllent que ele

petits objets, tels que

grain, gOlltle , mie, brin ,pas,

p oint: quia res

ifi

minuta ,firmoni yernaculoadditllr ad

fllajorem negationem;

Nicot, au mot

gOlllle.

Il y a

tOí'ljOLUS quelque mot de fOlls-entendll en ces occa–

Jions

:je n'enaigrain ne goutte;

Nicot, au mot

gOlllte.

Je n'm aipour la yaleur ou la groffiur d'un grain.

Ainfi

CI1loique ces mots fervent

tI

la négation , ils n'en font

pas moins de vrais fub!l:antifS.

le

ne

veuxpas

ou

poim,

c'eíl:-a-dire, je ne veux cela meme de la longueur

el'un

pas

ni de la groífeur el'un

poim.

le

n'irai poiru,

non ibo;

c'eíl: comme

Ji

1'0n difoit

,je ne ferai un pas

pour

y

aller ,je ne m'avancerai d'un poillt; qwifidicas,

dit Nicot,

ne pUnallm quidem progrediar, ut eanl illo.

C'efl: ainfi. CI1le

mie ,

elans le fens de

mime de pain,

s"employoit autrefois avec la particule négative ;

il

lle

tanTa mie ; il

12'

eJl

mie

un

/LOmme de bim , ne probi-

A

p,-

T

llitis 911iami mica in eo

ejl,

Nicot;

&

eehe fas:ol1

'de

parler eíl: encore en ufage

en

Flandr~.

Le fubíl:antif

brin,

qui fe dit au propre des menus

jets des herbes, fert louvent par figure a faire une

négation comme

pas

&

point;

&

fi l'ufage de ce mot

étoit auffi fréCI1lent parmi les honnetes-gens qu'il l'eil:

parrni le peuple,

iJ.

feroit regardé auffi bien que

pas

&point

comme une particule négative:

a-t-Lide fe¡:

prit? il n'en a brin; je ne

t'

ai vú éju'lln pelit brin,

&c.

On doit regarder

ne pas, ne point,

comme le

nihil

des Latins.

Ni"il

eíl: compofé de deux mots,

l0.

de

la négatíon

ne,

& de

hilum

qui fignifie la petite mar–

que noire que l'on voit au bout d'une féve; les La–

tins difoient,

hoc nos neque pertina hilum

,

Lucret.

liv.

UI.

Y.

843.

&

aans Cicéron

TuJc. l. nO.

3. un

anéien poete parlant des vains efforts que fait Sify–

phe dans les enfers pour élever une groífe pierre fur

le haut d'une montagne , dit :

Si.JYp/ms verfat

Saxum fudans nitendo, neque projicit "ilum.

Il

y a une prépofition fous-entendue devant

hilt"tz;

ne quidem

,

"-ct.Td

. ,

/úlum; cela ne no/IS intéreffi

m

rien ,

pas mime de la yaleur de la

pet.i.te

marque noire d'UIz&

five.

Si.JYp"e apres bien des ejforts

,

ne

fi trouve pas;

avancé de la groffiur de la puite marque noire d'une

five.

Les Latins difoient auffi : ne faire pas plus de cas

de quelqu'un ou de CI1lelCI1le chofe, qu'on en fait de

ces petits flocons de laine ou de foie que le vent em–

porte ,

floccifacere

,

c'efl:-a-dire

,faceleremflocci;

nous

difons un fétu.

I1

en eíl: de meme de notre

pas

& de

notre

poim; je ne

le

veux pas

ou

point ,

c'eít-a-dire,

je ne veux cela meme de la longueur d'un

pas

ou de

la groífeur d'un

point.

Or comme dans la fuite le

/ti/mil

des Latins s'unit

fi

fort avec la négation

ne,

que ces deux mots n'en

firent plus c¡n'un

leulnihilum, ni"il , nil,

& que

nihil

fe prend fouvent pour le fmlple

IZan,

nihil circuitio1le

ufuses.

(Ter.

And. l.

ij.

Y.

3

lo)

vous ne vous etes pas

fervi de circonlocution. D e meme notre

pas

& notre

point

ne font plus regardés dans l'lIfage que comme

des particules négatives CI1Ii accompagnent la néga–

tion

ne ,

mais qui ne laiífent pas de conferver tOí'I–

jours eles marques de leur origine.

Or comme en Latin

nihil

efl: fouvent fuivi d'un

qllalificatif,

nihilfo!Ji dixi, mifinex

;

Terent.

A nd.

aa.

I V,

Jc. iy.

ou

v.

felon M. D acicr,

v.

49. je n'ai

rien dit de faux ;

nihil incommodi, nihil gratia, ni/,il

lucri, nihil fallai ,

&c. de meme le

pas

& le

poillt

étant pris pour tme tres-petite quantíté, pour

un ríen,

font Úlivis en Frans:ois d'un qualificatíf,

il n'a pas

de pain, d'argent, d'eJPrit, &c.

ces nDms

pain, ar–

gent, eJPrit,

étant alors des qualificatifs indéfinis , ils

ne doivent point avoir de pr pofitíf.

La Grammaire générale dit

pago

82. que dans le

fens affi¡matif on dit avee l'

(miele , il a de fargent

~

du cceur, de la e/larid,

d~

l'ambition;

au lieu qll'on

dir négativement fans

anicle

,

il n'a point

d'argmt

~

de ca:ur, de e/larid, d'ambition;

paree que, dit-on,

le

propre de la Ilégation e(l de tout óter. ( ibid.)

J

e conviens que relon le fens, la négation ?te le

tout de la chofe: maís je ne vois pas pourquOl dans

l'expreffion elle nous oteroit

l'aflicle

lans nous oter

la prépofition; d'ailleurs oe dir-on pas dans le fens

affirmatif fans

aflicle, il a encore un peu d'argent,

&

dans le fens négatifavec

l'articü, il n'a pflS

le

fou, il

n' apÜIS unfou

de

l'argem qu'ilavoit; les languesncfont

point des¡eiences, Oll ne coupe point des mots infépara–

bies,

dit fort bien un de nos plus habiles cririques

(M.

l'

abbt d'Oliyet)

;

ain1i je crois que la véritable

raifon de la différence de ces fas:ons de parler doir fe

tirer du [eos individuel & défini, qui feul admet l'

aro