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22.

font point voir la vérirable longueur de l'efpace par–

couru ,

il

s'enfuir qu'ils ne peuvent pas nous (aire

connoirre la vérítable l(randeur du mouvcmenr.

Voyons maintenanr ce qui peur nous renir lieu de

premieres vérirés dans le rémoignage de nos

fin¡.

On

peur réduire principalemenr a rroi chefs les premie–

res vérirés donr

nosfint

n 0 us inflruifenr .

1°.

lis rap–

porrent roujours rres-fidelement ce qui leur paroit.

2

u.

Ce

qui leur paroir efl prefque roujours conforme

a

la vérité dans les cl¡ofes qu'il importe aux hommes

en général de favoir,

~

moins qu'il ne s'offre quelque

fujer railonnable d'en dotírer.

3P.

On peur difcerner

~ ifément

quand le rémoignag,e des

.follf

efl doureux,

par les réflexions que nous marquerons.

I~.

Les

fint

rapporren¡ roujours fidelement ere qui

leur paroit; la chofe efl manifefle, puifque

ce

f~nt

des faculrés narurelles qui agifrenr par l'imprefhon

néce!faire des objers' a laquelle le rapporr des

{e¡¡s

cfl

roujour~

conforme. L'mil placé fur un vailteau

qui avance avec rapidiré ·, rapporre qu'il luí paroit

que le rivage avance du cllré oppofé; c'efl ce qui

lui doit paroirre: car dans les circonflances l'ceil re–

!(Oit les

m~mes

impreflions que íi le rivage

&

~e

vaif–

fe~u

avansoienr chacun

cl' u~

c6ré oppofé, comme

l'enfeignenr

&

les obfervarions de la Phyfique,

&

les

regles de I'Opric¡ue.

/'¡.

prendre la chofe de ce biais,

janpis les

finf

ne nous trompene; e' efl nous qui

ilous rrompons par notr

imprudence, fur leur rap–

poPt fidele . Leur fidé!iré ne confifle pas

a

averrir

('ame de ce qui efl, mais de ce qui leur paroir ;

c'eft

a

elle de déméler ce qui en efl .

1~.

Ce qui parolr a nos

finr

efl prefqne toujours

conforme a la vérité, daos les conjonétures otl

il

s'agit de la conduire

&

des befoins ordinaires de la

vie. Ainr., par rappllrt

a

!~

nourriture, les

fin,·

nous

font fuffi tarnmenr difceroer les befoins qui y

font

d!u(Jge: enforte que plus une chofe nous efl falut3i–

re, plus auffi efl gr3nd ordinairement le nombre des

l'enfarions d;lfü e,Jres qui nous aident

a

la difcerncr;

&

ce que nous ne difcernons pas avec leur fecours,

c'efl

ce

qui n'appartient plus

a

nos befoins , mais

a

norre auhoíité.

3G·

Le temoignage

desfint

efl infaillible , quand

il

n'elt conrredi r dans nous ni par narre propre raifon,

ni p:tr un rémoignage précédent des memes

ji!llf,

ni

par un rémoignage aétuel d'un autre de nos

jent,

ni

par le

témoign~ge

des

fint

des autres hommes.

I 9 .

Quand n rre raifon' inflruirc d'ailleurs par

~er­

talns faltS

~ c~rrai nes

réflexions, nons fa ir juger ma–

nifeflement le conrraire de ce qni parolt

i

nos

fonr,

leu:

rém~ig!'a"~

n'efl

null~ment

en ce poi nt regle de

vémé. Arnh, 'bren que le folell ne paroiífe large qne

de deux pié ,

&

les éroil es d'un pouce de diametre,

la ca ifon inflruire d'ailleurs par des fairs incoorefla–

ble>,

6;

par des connoifEmces évidenres, nous ap–

P.rend que ces aflres font inliniment plus grands qu'

sls ne nous paroi!fent .

2 9 .

Quand Ce qni paro!t aéluellement

a

llOS

(e¡¡;•

efl conrraJre' ;\ ce qui leur a aurrefois paru ; caron a

fujet alor.s de jugcr ou que l'objet n'efl pasa portée '

ou qu'il

~

1

efl

fair quelque

~hangemen>

Í<Jir dar¡s l'objer

m~me,

fo1t d:ms

no~re

organe:

~~~

ces occaíions on

doit. prendre le partí ·de ne point juger, plfir6t que

de ¡uger neo de fuux .

L'ulage

l'expérience (ervenr a difcerner le ré–

f!!Otgnage des

fin,. .

Un enf:tnt qui appersoir fon image

lur le bord de l'eau ou dans un miroir, la prend pour

un aurre enfant qui efl daos l'eau ou au-dedans du

miroir; mais l'expé,·ience lui ayam f4ir poner la

m~in

daos !'eau ou fur le mjroir,, il réform> bienr6r le

fi111:

de la vQe par celui du toucher,

il

fe convaint avec

le,tems qulil n'y a pnint d'enfanr

a

l'endroit otl

il

ero

yo

ir le voir.

'll

arrive encare

a

un indien dans le

pays

duque! il ne gele poinr, de prendre d•abord en

ces pays-ci un mor.ceau de glace pour une pien·e;

mais l'expérience luí avanr fa ir voir le morceau de

glace qui fe 'fond en e:¡u, it réforme aufli-r6c le

fi11f

du wucher par la vQe.

·

La rroiíieme regle efl quand ce qui paro lt

a

nos

fint

e~

coJ¡tJ·aire a ce quí p·trolr aux

fi¡u

des aurres

hommes , que 1104s avons

!itjer· de croirc auni-bien

organifés que nous . Si mes

yeu~

me font un rap–

port COOtraire

a

Ce)uj des yeux de rou> les autres, je

do1s croire que c'e!l moi plüt6t qui fuis en particulier

trompé, que non pas aux rous e1i général: autremenr

ce feroir la nature qoi meneroir au faux le plus grand

nombre des hommes; ce qu'on ne peut juaer raifon–

nablcrnen~ .

Voyc-:' tn,tpgiqne

du F. lluffier:a

i'article

des

pxe1~

venta.

S E N

Quelques philofophes, contim:e le

m~me aut~

r

que nous venons de cirer, fe loor occup6 a monrr r

que nos yeux nous portent connnuetlemenr :\ l'er–

reur, paree que leur rapporr efl ordinatrement faux

fur la vérirable grar¡deur; mau je demanderois vo–

lonrien

a

ces philolophes

fi

les yeux nous ont éré

don~és

pour nous faire abfolumenr ¡uger de la gran–

deur des objers

1

Qui ne fa ir

<)U

e fon objer pror>re

&

partieulier fonr les couleurs ?

ll

efl vra1 que pat· ac–

cicl~nr,

i'elon les angles dilrérens que fonr !iu· la ré–

tine les rayons de .la lumierc, l'ef¡>ri r prend ucca–

íion de former un ¡ugemenr de. con¡eélures rou·chant

la diflance

&

1~

wandeur des ob¡ers; mais ce ju!<ement

n'cfl pas plu; a u

fint

de la ví\e, que du

/ent

de

l'ouie. Ce dernier, par fon organe, ne

laill e pas

auOí de rendre rémoignage, comme par accidenr,

i\

la grandeur

& i\

la diflance des corps fonores, puif–

qu'tls caufent daos l'air de plus forres ou de plus

foibles ondularions, done l'on:ille efl: plus ou m ins

frappée. Seroir-on bien fondé pour cela

il.

démonrrer

les erreurs des

fint,

paree que l'oreille ne nou faic

pas juger fort jufle de la grandeur

&

de la

difl~nce

des objers?

11

me femble que non; paree qu•en ces

occaíions l'oreille ne fait point la fonétion parnculiere

de l'organe

&

du

fint

de l'ouie, mais fupplée com–

me par accident a la fonélion du roucher, auquel il

apparrient proprement d'appercevoir la

gr~ndeur

&

la diflance des objers.

C'efl de quoi l'u fage univer(el peut nous convain–

cre . On a établi pour.Jes vnties rnefures de la gran–

deur, les pouces, les piés, les palmes, •les coudées ,

qui fnnt les parries du corps humain . Bien que l'or–

ganc ilu rou

cher fo

it répandu dans roures las parries

el

u corps, il

rér.de

néanmoins plus feAíib lemenr daos

la nmin; c'e

fl a dte

qu'il apparrienr proprement de

mcfurer au jufle la grandeur, en rnefuranr par fon

érendue propre la grandeor de l'objet auquel elle

efl appliquée.

/'¡.

moins done que le rapport des yeux

fur la grandeur ne foit vérifié par la main,

le rap–

porr des yeux fur la grandeur doir paOer pour fuf–

peét; cependant le

fl¡u

de la vQe n'en cfl pas

plu~

rrompeur, ni fa fotlttion plus imparfaire ; part>c que

d'elle-meme

&

par l'inflirution d•ret1e de la narure ,

elle ne s'érend qu'au difcernement des cou lenrs,

&

(eulemenr par accident au dircernemenr de la dillan–

ce

&

de la grandeur des objets .

Mais

a

quoi bon citer ici l'exemple de la mouche,

done les perirs yeux verroient les objets d' une gran –

deur tome aun·e que ne feroient les yeux J'un élé–

phaor! Qu'en peur-on conclure

1

Si!~

mouche

&

l'é–

!éphanr avoient de

l' inrelligen~e,

ils n'auroienr pour

cela ni !'un ni l'aurre une idée fauífe de la gran.!eur;

car

tome gqndeur étant relarive, ils

ju~eroicnt

cha–

cun de

la

grandeur des objers fur leur propre éren–

due, dont ils auroient le (enriment: ils pourroienr fe

dire, cer objet efl ranr de fois plus ou moins érendu

que mon corps, ou 9ue relle parrie de mon corps

¡

~

en cela, malgré la différence de leurs yeux , lrur

jugemenr lur

la

~randeur

feroi t toujours

égalemen~

vrai· de ct}ré

&

a'aurre .

,

efl autli ce qul arrive a

!'6gard des hommes;

quelque diff'érenre imprenion

q~e

l'ércndue des ob–

jers

1\tfl'e

fur teurs yeux, les uns

&

les autres ont une

idée également ¡u!le de la grandeu t· des oh¡ets; paree

qu'ils

la

mefu renr

ch~cun

de leur córé, au [enrimcn t

qu'ils onr de leur propre érendue.

On peur dire de nos

fins

ce que l'on die de la rai–

fon. Car de meme qu'elle ne peut nous rromper ,

lorfqu'elle efl bien

diri~ée,

c'efl-il-dire, gu'elle fu ir

la lumiere 11arurelle que bieu luí a donnée, qu'elle

ne marche qu'a la

lueur de l' évidence,

&:

qu' elle

s'arn~te

la otl les idées vienoenr

a

luí manquer: ainfi

les

fins

nc peuvenc nous rromper, lor.fqu'ils

agifien~

de conaert, qu'tls fe pretenr des fecqurs muruels ,.

&

qu'ils s'aident (ur-tout de l'cxpérience. C'efl elle

fur-rout qui nous prémunit conrre bien des crreurs,

que les

.(i11s

feuls occalionneroienr. Ce n'efl que par ur¡

lona ufa <Te' que nous apprenons

a

juger des diflances

parla

v~e;

&

cela en examinant par -le raél les corps

que nous voyons'

&

en obfervanr ces corps placés

a

dilférenres diflances

&

de dilférenres manieres, pen–

dant que nous favons .que ces corps n'épt>ouvent au-

cun chansement.

·

·

· Tons les hommes on t appris cer are, des leur pre–

miere enfance; ils font continuellement obligés de

fiiire 11ttention a la diflancé des objers;

&

ils appren–

nent infenfiblement

a

en juger'

&

daos

la

fuir,e., ils

re

perfuad.enr' que ce qui eill'e(fet d'un long

exercice'

·

cfl