VOYAGE
Tabou.
Toute la matinée s'était passée sans que les pirogues
dont la rade était sillonnée la veille se fussent montrées ;
on les aurait vainement attendues. Le mardi est, en effet,
un jour consacré au. service des chefs. Tous les kanakas
( c'est ainsi qu' on désigne les individus apparteuant
.ª
)a
classe du peuple), sont obligés de quitter
1
ce jour-la
leurs propres affaires pour s'occuper exclusivement des
travaux que le chef veut leur imposer. Kapio-Lani usan t
de son droit, les avait employés le matin
a
arracher un
champ de palates qu'elle se proposait de vendre chere–
ment a
la Bonite.
On sait par toutes les relations des
voyageurs quel est l' état de servitude de cette popula–
tion qui ne possede ríen en propre, qui travaille pour la
classe privilégiée
a
laquelle appartiennent les chefs et
tous ceux qui remplissaient autrefois les fonctions de
pretres et de devins. Cette sujétion n'a point cessé par
l'introduction d'une religion nouvelle. Ce n'est point de
l'affranchissement du peuple que les missionnaires se
. sont occupés; leur but avant tout était de fonder et
d' établir solidement leur influence. lis y ont réussi en
exploitant
a
leur profit l'intéret des chefs, par lesquels
ils dominent le peuple. Le tabou, cette arme si puissante
autrefois entre les mains des pretres et des rois, ne fut
jamais réellement abolí. Tombée de leurs mains, l'arme
a été recueillie par les missionnaires qui s' en servent ba-