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LETTRES
'.Les infideles se sont rendus ma1tres de cette ville,
d'ou l'on doit juger de son malheureux sort.
A peine eúmes - nous perdu de vu,e Césarée de
Palestine , que nous découvrimes la ville de Jaffa,
anciennement nommée Joppé. Les Hébreux l'appe–
}oient J1affa, qui signifie
heauté.
En effet , sa situa–
tion est channante. Ce qui en reste est sur une col–
liue grande
~t
élevée'
d'ou
l'on découvre d'un coté
la
roer, et de l'autre des campagnes vastes et fertiles.
Saladin
fit
ruiner cette ville. ·Saint Louis la
fit
rétablir quelques années apres. Ce fut dans cette
occasion que ce saint roi fit une héroi'que action de
·charité et de mortification ; car ayant appris que les
ouvriers, qui travailloiént par son ordre au réta–
blissement de la ville, avoient été massacrés par
les infideles et dcmeuroient sans sépulture , il vint
en toute diligence de Saint-Jean-d'Acre
a
Jaffa.
Il
fit en sa présence porter en terre toui ces corps cor–
rompus : il
fit
plus ; car , malgré leur corruption ,
il voulut , pour donner exemple , en charger
un
sur ses épaules , et le porter courageusement
au
lieu de la sépulture.
·
C'est au port de Jaffa que tous les pélerins de
Jé–
rusalem arrivent. La situation
de
cette ville, tout
agréable qu'elle est ,
arr~te
moins les yeux des pé–
lerins , que la vue de la Terre - Sainte : le port de
Jaffa la découvre.
Sitót que I1ous fúm
débarqués , nous nous pros–
ternames , selon la piense coutume des pélerins.
Les chrétiens Francs ,' Grecs et Arméniens
de
cette ville vinrent aussitót
a
nous pour offrir leurs
maisons aux pélerins· de leurs nations. 'Je res;us en
mon particulier toutes sortes de marques de bonté
et de charité de la part des peres de Terre-Sainte,
qui
y
ont un hospice : ces peres sont de l'obser·
vanee de saint Frans;ois-. La tradition est que leur
maison est placée dans le lieu
m~me
ou
~toit
celle
de Simon le
cop·oyeur.