198
LETTRES
de leur o-harité pour nous. Nous étions en
hiver ;
mais l'air étoit aussi doux qu'en été.
Le vent nous étoit favorabl
e. Le soleil brilloit de
toutes parts , la surface de la mer.en étoit toute lu–
mineuse. Une troupe de dauphins sentant la douceur
de l'air' jouoient ensemble
a
la proue de notre vais.–
sean. Nous les voyions s'élever en l'air sautani hors
de l'eau. Pendantun assezlong ehemin
no~s
jouimes
de ce divertissant spectacle. Uu changement de temps
nous le fit perdre. 11 s'éleva un grand vent ; mais
heureusement le vént étant en arriere, il nous fai–
soit avancer avec une si grande vitesse, que s'il eut
~ontinué
il nous auroit rendus en quatre jours
a
Smyrne.
La. nuit qui suivit nous écarta de notre route ;
bien loin d'approcher de Smyrne; nous fümes obli–
gés de relacher
a
l'ile de Sapienza.
Cette ile est
a
la poiute de la Morée du c0té du
midi.
Elle n'est éloignée que d'une lieue de mer de
la
ville de Modon , capitale de la province de Be–
tuederé dans la Morée.
Cette roer étant souvent infestée de corsaires, nos
gens n'oserent quitter le vaisseau pour aller voir la
ville de Modon. Nous nous contentames de mettre
pied
a
~erre
pour aller prendre un nouvel air dans
l'lle. Nulle curiosité n'y doit attiFer des voyageurs :
car on n'y .voit ni ville , ni villages , ni maisons ;
quelques Arahes gardant leurs chevres sont les _seuls
hommes qu'on y rencontre. Ils ont creusé des rochers
pour y babiter eux et leurs troupeaux , et ils
y
vivent
en sauvages.
·
Me promenant un jour dans cetté ile avec un de
nos voyageurs , nous aper9times deux de ces hommes
qüi vertoient
a
nousavecunevitesse étonnante, per!{ant
des buissons tres-épais, et grimpant des rochers avec
la
légereté de leiú·s chevrés. Lem figure étoit aussi
haxbare que leurs vetemens. Ces d:eux hom1nes étoient