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DE N.

change au

dir.ouement

par une révolution qu'on ap·

pelle

péripüie;

& cette révolutíon fe fait' de trois

manieres,

1°.

de la profpérit é

au

malheur;

2°.

du

malheur

a

la profpérité,

&

dans

C S

deux cas elle eft

fimple ;

3 •

de l'un

a

l'autre de ces deux états en

meme rems

&

en fens contraire, alors la révolurion

efi double ;

&

celle-ci peur en or s'op ' rer de deux

fac,;:ons, ou par le malheur des m' chans

&

le fucd:s

des bons, ou par le malheur des bons

&

le fucces

des méchans.

Si les perfonnages oppofés dans l'aél:ion étoient

tous deux bons ou tous deux méchans; dans le pre–

mier cas nuUe moralicé,

&

un panage d'intéret qni ne

laiífer<út rien defirer ni rierr c;aindre; dans le fecond

nul

in~éd~t

&

prefque nulle moralité: puifque de

la

révolution qui rendroit l'un heureux

&

l'aurre mal–

h e.ureux, il n'y auroit rien

a

conclur~;

ainú cette

combinaifon doit etre exclue du théarre.

Un

dénouement

oü apr s avo

i·r tr

emblé pour les

bons, dn

1

les verroit füccomber a.ux méchans, feroit

pathétique, mais révoltant:

e'

fr le plus odieux tiom–

phe du crime.

Il

y

en a de grands exemp!es au théa–

tre; mais les larmes qu'ils font répandre font ame–

res,

&

la douleur ·dont ils déchirent l'ame, n eft pas

de celles qu?on fe plait

a

fentir.

Le

dJnouement

qui fans erre fune.íle

á

l'innocence,

fcroit heureux pour le crime, quoique moins odieux

qne e précédent , eft encere plus mauvais, paree

qu'il

'eft po!nt pathétique.

·

Un

(Ünouement

terrible

a

la

fois

&

teuchant, efi

celui ou par

1

afcendant de la fatalité

&

fans l'entre–

rnife du crime, l'innocence, la bonté fuccombe,

{oit

qu'elle vienne d'etre heureufe, foit que de cala–

Jnité en cala

mi

té elle arri ve

a

l'événement quien efi

le comble. Mais cette efpece de fable n'a aucune mo–

r

d.

lité.

Voyez

TRAGÉDIE,

Suppl.

Un

dénouwzent

moins tragique, mais conf0lant

apres une ael:ion terrible, c'efi lorfque 'innecence

long-tems menacée

&

perfécutée, foit par le forr,

foit par les hommes, fort triomphante du danger ou

du malheur

oi1

elle a gémi; & la joie que cette ré–

volutien caufe efi: encere plus vive, fi en

me

me tems

que l'innocence triomphe on voit le crime fuccomber.

De toutes

ces

efpeces de

dénouemens,

on voit ce–

p cndant qu'il n'en efi: aucun qui ne manque ou de

pathétique ou de moralité;

&

ce n'efi qu'en pallier

le vice que d'attribuer les uns

a

la tragédie pathéti–

-c¡ue; les autres

a

la tragédie morale : il n'y a point

d eux fortes de tragédie; & la meme' pour etre par–

faite, doit etre morale

&

path 'tique. Or, c'eH ce

qu'on obtenoit difficilement dtt fyfieme ancien,

&

ce qui réfulre tout naturellement du fyfieme mo–

derne. L'hemme malheureux par des caafes qui lui

fonr étrangeres, n'efr d'attcun exemple ; l'homme

m alheureux par fon crime , n'efr point intéreffant;

&

quant aux fautes involontaires qu'Arifiote a ima–

oinées, peur tenir le milieu entre le crime

&

l'inno–

~ence ,

elles d 'guife nt foiblement l'i:niqnité des mal–

he urs tragiques. Mais l'hemme entrainé dans le mal·

Jaeur par une paffion qui l'égare ,

&

qui fe concilie

avec un fond de bont.é naturelle, efi un exemple

a

la

fois

terrible, touchant

&

moral : il infpire la

crainte fans donner de l'berreur; il excite la com–

p aillon fans révolter centre

'lá

defiioée; pour faire

frémir

&

pleurer, il n'a pas befoin d'etre en b tte

au crime : foo ennemi ' fon tyran'

ron

bourreau efi

dans le fond de fon creur; &lorfgue la paffien le tour–

m~nte,

l'égare

&

l'entraine enfin dans un abyme de ca–

lamité, plus le tableau (dlterrible

&

touchant,

&

plus

l'exemple efi falutaire. Tel efi l'avantage du fyfieme

moderne fur

l'ancier~

a

1'

J

gard dn

d 'nouement

fnnef–

t e. D'un autre coté, une paffion compatible avec la

bonté naturelle,

&

dent

1'

' garement fait l'excufe,

n'efipas odieufe dan$ fes

exc~s.-9

comme la méchan-

D

E

N

693

éeté,

qu~,

de fens freid, rnédite

&

cenfomme le

crimé

L'hornme peut

d~nc

fortir de l'abyme oú l'entraine

f~

P~f!ion,

par

un

denouement

he~reux,

fans que l'impu·

mte , fans que le bonheur meme feit o ieux

&

ré–

voltant ; au centraire, apres l'avoir vu lonv-tems

f<?uffrir,

&

a;oir fouffe:r. avec lui, le

fpeélate~r

ref–

plre , foulage par fa dehvrance ; & ce mouvement

de joie efr délicieux, apres de longues alternatives de

crainte., d'efpérance

&

de compaffion. Ainú dans le

fyfteme des paffions humaines,

ces

deux f'Ortes de

dénouemens

malheureux

&

heureux, ont chacun leur

avantage , l'un d'etre plus pathétique,

&

l'autre plus

confolant ; mais ce dernier meme a fa moralité

cat

la révolution du malheur au benheur n'arrive qu'an

moment eit le danger efi extreme,

&

qu'on a eu tout

le tems d'en .frémir;

&

par l'évidence de ce danger,.

la

~affion

qu1 en efi la caufe a fait fon impreffion de

cramte.

Lorfqu'on reprochoit

a

Euripide

d~avóir

mis fur le

théatre un méchant

~

un impie comme Ixion • il ré–

pondoit:

aufli ne L'ai-je jamais laijfé fortir q;e je ne

l'aie attaché

&

c!oué hras

&

j ambes

a

une

rou~.

C'ell en

effet ainfi qu'il faut traiter fur la fcene les caraél:eres

odieux : mais ceux qui font plus dignes de pitié que

de haine, peuvent obtenir grace aux yeux desfpeél:a–

teurs;

&

lers meme qu'une paffion funefte les a ren•

dus.

COL~pables,

la tragédi.e peut etre

a

leur ég"ard

moms rtgoureufe que la

lo1~

En"fin, par la nature meme des fujets anciens, l'in·

cident

qui

produifoit la réfolution déciúve veneit

prefque teujeurs du dehors; au líeu que dans la con..

fritution de la tragédie moderne , toute

l'aél:ion

naiífant du fond des caraéleres

&

du combat des

paffions, c'efi commttnément leur dernier effort

&

l'événement quien réfulte qui produit le

dénouement,

foit qu'íl arrive felon l'attente ou centre Pattenre des

fpeél:ateurs; & je n'ai pas befein de dire que celui-ci

efr préférable.

Voyez

RÉVOLUTION,

Suppl.

Dans la comédie le

dénouement

eft de memela fo ...

lution de !'intrigue ,

&

plus il efi inattendu

&

natu–

r(!llement amené, plus il eft agréable. Son grand

mérite efi d'achever le rableau du ridicule par un

trait de force que la furprife rende plus vif

&

plus

piquant , ou par une fituation qui acheve de rendre

méprifabla

&

rifible le vice que l'on a joué: le

dé–

nouement

de l'Ecole des maris en eft le plus parfait

modele; celui de George Dandin

&

celui des pré–

cieufes ridicules font encere du meiUeur comique;

&

quant

a

l'effet moral, celui du Malade imaginaire

efi fupéri.eur

a

tous. Nul poete comique dans aucun

tems , n'a été comparable

a

Moliere, meme dans

cette partie que l'on regarde comme fon coté

foi–

ble;

&

en effet, dans la compofition

fi

profondé·

ment réfléchie de fes intrigues, tl paroit

quelque-~

fois s'etre peu o

upé du

dénouemevzt;

mais Arif–

tophane, Térence

&

Plaute s'en occupoient encare

moins ·,

&

l'importance qu 'on y attache eft une idée

de nos pédans modernes.

Le jéfuite Rapin qui faifoit peu de cas de Moliere;

difoit:

il ejl aifé de li;r une intrigue, c'ejl l'ouvragé

de L'imagina.tion; mais le

d.énouement

ejl l'ouvragd

tout purdujug

ent.

Ah, pere Rapin! donnez-nous

en done des intrigues comiques bien liées; c'eft ce

qui nous manque,

&

les dénouera qui pourra.

Lorfque le

dénou.ement

comique

e.f1

adroit

&

bien

amené, c'eft une beauté de plus fans doute, & une

beauté d'autant plus précieufe, qu'elle couronne teu–

tes les atitres. Mais Moliere a penfé comme les an–

ciens: qu'apr s avoir iníl.ruit

&

amufé pendant deux

heures, qu'apres avoir bien chatié ou le

vic~

ou le

ridicule ' en expofant l'un

&

l'autre au tn épns

&:

a

la rifée des fpeétateurs , la. fac,;:on p!us ou

J?OI05

é:droite

&

naturelle de terminer l'aélwn com1que

9

n'en devoit pas décider le fucces;

&

qu'un pere, un