Table of Contents Table of Contents
Previous Page  667 / 960 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 667 / 960 Next Page
Page Background

C

R I

íi'amufer

la

malignité, travail frivole , aifé ,

mépri~

fable

~

&

pour lequel il.fuffir d'avoir quelque pen•

chaot

a

la fatyte' beaucoup de confiance

&

un pe u

d'eíprit' j'entends de cet efprir fa8ice qui coute tou•

jours plus qu'íl ne vaut. La rareré des bons

critiques

prouve bien la difficulté du genre;

&

que de parties

en effet ,

íl

faut raífembler pour

y

réuffir!

J

ugement

{olide

&

profond ; logiql,le fure

&

bien exercée;

fagacité

~

goftt, précifion; efprit facile ; mais de

cette trempe qui n'eft que

la

fleur du bon fens; ima–

gination fouple , mais réglée ; variét é de connoif–

fance, érudition étendue , amour du travail,

&c.

Voila les principaux élémens dont l'heureufe combi–

llai(Qn forme le génie de la critique ;

&

quiconque,

fans ce génie, veut exercer l'art, fait un mérier

tres-périlleux. Car lorfqu'un ouvrage eft critiqué,

ce n'eft pas l'auteur qui fubit l'épreuve la plus déli–

cate.

Le

public intelligent fe réferve le droit de juger

le cenfeur ;

&

íi la critique efi injufte ou fauífe, le

mépris dont elle eft

p~yée

fe mefure a l'idée de fu–

périorité que tour cenfeur fajr préfumer avoir voulu

denner de foi. De ces coníidérations générales, je

paíre au portrait du vrai

critique.

Si je parois tra–

cer icí l'idée de l'homme qui ne fe trouve point, le

-contrafie

au

moins

f~:ra

voir l'idée de l'homme qui

íe trouve.

·

· Le

critique

qui fait refpeéler fes leéleurs , ne fe

paré' point des apparences de la rnodération que

prefcú vent les loix de la fociété , pour mieux fe

livrer

a

fa fougue.

Il

ne prend point jufqu'a fa

deviíe pour la méprifer plus ouvertement ; mais

fans l'annoncer avec fafie ·, il la fait paífer dans

fes

écrits. Au lieu de chercher a en impofer par ces

préambules pompeux , otL la charlatannerie fe dé–

ploie, par cette vaine rnontre de richeífes qu'érale

la fauíre opulence ,

il

réalife feulemenr ce que les

petirs écrivains ne fe laífent pas de promettre. Chez

lui tous ces noms fp ' cieltlx de

Liberté,

d'

amour du

yrai, d'inddpendance phiLofophique

ne fervent point

a

colorer un pur brigandage ' un vrai cynifme litté–

raire. Attaché

a

la firnplicité dida8ique moins fafii–

dieufe

&

moins monotene que

l.e

luxe faux des dé–

clamateurs'

il

ne coud point

a

tous fes extraits de

froides préfaces, d'ennuyeufes amplifications, des

tirades vuides

&

fouffiées, des lieux communs cent

fois rebatus qui n'apprennent rien, de perites fatyres

déguifées mal-adroitemeRt en préceptes de goftt : il

laiífe aux demi-liaérateurs

l~affe 8ation

de ces orne–

mens doot leur érudition fe compofe. Exaétement

imparrial, on ne lt! voit point s'o'Ccuper de la per–

fonne d'un auteur beaucoup plus que de fon ouvra–

.ge.,

11

ne lit poinr tout

livre daos la feule table

<les matieres; pour n'en donner que des lambeaux

tirés au hafard , ou curieufement recherchés dans le

deífein de montrer l'ouvrage du coté le moins fa–

vorable.

Il

ne profiitue point fa plume pour accré–

diter des produ8ions viles, ou dangereufes ;

&

ni

l'intéret

du

libraire qui eft toujours féparé du úen,

ni celui d'un mauvaís écrivain qu'il pourroit af–

feilionner fans l'en eftimer davantage, ou de laches

niénagemens pour d'auttes qu'il craindroit fans les

aimer, ne

lui

font jamais

~inpromettre

ou trahir

fon difcernement,

Il

ne manque point aux égards

dus aux talens fupérieurs, aux hommes de génte: il

fait remarquer leurs fautes, paree qu'il eft attentif

&

clair-voyant; mais par une jaloufie baífe, il ne

diffimule pointles belles ehofes qui rachetent leurs né–

gligences,

&

en nous éclairant de bonne foi fur les

défauts d'un ouvrage,

'il

paie aux talens de l'auteur

le tribut d'eíl:ime qu'e](ige la íincérité.

Il

ne fe paf–

iionne point avec un acharnement ridicule contre

d'illuftres écrivains .qui pourroient

~

d'un feul trait

de plume , écarter mil! e infe8es fatyriques, s'ils

pouvoient

.fentir

leurs piquures. Au-deífus de la

CRI

h~ine

&

de la vengeance qui foñt les paillons des

fm?le~

&

la fource

des

petiteífes , il ne pourfuit

po~nt

a

?utra~ce

_&

,ave_c une fu reur puérile '"eux

qUJ aurOient pu

lLu

deplaire.

n

ne s'attache point con:.

ftamment

a

nous préoccuper pour certains auteurs

&

a

en déprimer d'autres qui donoenr

au

moins le:

memes

efp~rances.

Le

jugeme~t

d'un bon

critique

fe

remarque Jllfque dans le ch01x des ouvraoes qui

font l'objet de fa cenfure.

Il

n'affeéle point

0

de dé–

précier des écrits dont le plus grand défaut feroit

de

n~avoir

point fon attache,

&

d'en próner de mé..

d10cres dont fa prote&ion feroit tout le mérire.

T~:mjours

fort de fes propres forces;

&

non de la

fotbleífe d'autrui,

il

n'ira point, pour {e faire redo

u–

ter, déterrer de mauvais romans ,

ou

des livres

oh,fcurs qui ne font lus de perfonne ,

&

que le plus

mmce leB:eur eft en état d'apprécier par lui-meme.

Par le meme príncipe encore,

il

ne s'appefanrit:

point fur les chofes dont le ridicule eft .palpable

&

faute aux yeux de tout le monde; fa pénétration fe

réferve pour des remarques moins tri viales.

11

ne

prend point pour le fond de l'art la chicane de

l'art; auffi ne va-t-il pas éplucher

les

perites fautes

d'un ouvrage, compter les

que,

les

ji,

les

mais,

&

négliger ce qu'il y a de bon; mais il a toujours

foin de faire une compenfation équitable,

&

qui

honore autant le gout que le bon efprit du cenfeur..

1

Il

s'arrete encore bien plus

a

l'eífence qu'a la furfaca

des chofes ,

&

ne juge pas tous les écrits {uivant les

regles d'un froid purifme potté Jnfqu'a la pédanterie.

Ficlele jufqu'au fcrupule, ainft que doit l'etre tout

homme qui s'érige en juge,

il

cite avec exa8itude

&

ne déguife o

u

n'altere r.ien. Lorfqu'il a lieu de

cenfurer un auteur,

il

produit littéralement fes ex•

preffions

fa~s

les affoiblir en les mutilant ,

0u

par

quelque

~liangement

dans les termes.

11

ne fe pare

point non plus des penfées d'áutrui

¡

il

fe garde

bien

de rapporter de longs textes, fans les difiinguer par

aucune marque de la fuite de fon difcours; fans

avertir qu'un autre parle. Toutes ces petites rufes

de guerre, quoiqu'apperc;ues

ordi~airernent

de peu

de leéteurs, font indignes d'un vrai

critiqu';

il rou•

giroit de les employer. Quand

il

patle d'un botl'

ouvrage, ou d'nn écrivain de mérite,

il

ne s'aban–

donne point a l'enthoufiafme'

a

des exagérations)

a

des louanges outrées que leur feul exces rendroit

fauífes

&

par conféquent fans effet. D'un autre coté,

lorfqu'il cenfure, fes expreffions ne font jamais du–

res, chargées, abfohtes , mais réfléchies

&

mefu–

rées.

Il

fait fur-tout fe préferver des airs

&

des tons

décififs que prennent les petits

critiques

,

paree

queJe favoir efr

ti

mide,

&

que fa modefiie le rend

circonfpeél: par-tout

Otl

l'ignorant tranche avec har–

diefie. Daos cer efprit , jamais

il

ne donne pour re–

gles de fes jugemens, ni fon goút particulier, nt

~ fes

idées propres.

Il

rappelle tout aux principes ;

aux regles de proportion établies, o

u

par les grands

ma}.tres ,

Oll

par la nature meme des chofes ;

&

comme

il

e.fi

comptabl.e au public qui doit le juger

a fon tour,

il

ne

cond~mne

rien

fans motifs ' fans

rendre raifon de fa cenfure.

11

fait de plus caraétéri...

fer par des traits propres

&

diíl:inaifs' meme une.

produ8ion médiocre, fans laiífer échapper ríen de.

perfonnel, ou d'offenfant contre l'auteur.

Il

efi des

railleries innocentes qui ne fauroient bleífer per–

fonne'

&

que le férieux de

l'a

t

n'interdit point

a

un bon

crilique;

mais

il

ne s'en permet aucune qui

ne s'offre, pour ainfi-dire d'eUe-meme.

ll

ne fe

bat

jamais les flanes pour prodwire du ridicule ou

il

n'y

en

a

point ; il ne fonge meme

a

le montrer op

il

eft,

que quand l'intéret du goftt ou de la raifon

l'exi~e

néceífairement.

Il

rejette févérement tous ces quoh–

bets infipides , ces miférables pointes,

&

ces pré·

tendnes

épigramm.e~

dont la recherche

puérile