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CON
point écarter. C'eíl: en
qtroi
Homere excelle,
&
ce
qui
Jui
a valu ce bel éloge d'Horace,
qui
ni~
molitztr
in.epú.
En effet, dans ce nombre infini d'-ob¡ets que
Homere décrit , non feulement il n'y a rien qui ne
foit
a
fa place' mais en peut
m
eme
~~re
que jufqnes
-dans les acceífoires les plus mumueux ,
~out
eíl:
comme
il
doit etre. C'efi-la, fans contred1t ,, une
des grandes perfeéhons de i'art. C'efr peu.t-etre auffi
une des plus rares,
parce~u'un,
Í?
'geme.ntexquis eíl:
encore moins commun qu un gem
e fubhme: auffi ne
V-OÍt-on guere ae produétions de l'art
Oll
rexa&e
convenance foit rigoHreufement obfervée
a
tous
-égards. (
Cet article e(t
ú~é
de la Tlzéorie générale des
JJeaux-Atts de
M.
SuLZER.)
CONVENANCES, f. f. pluriel, (
Belles-Lettres.
Poijie.)
C'eíl: peu de fe demander, en écrivant , _
quels font les effers que je veux produire? il faut fe
dernander encore
~
qnelle eft la trernpe des ames
fur lefquelles j'ai deífein d'agir?
Il
y
a
dans les ob–
jets de la poétie
&
de l'éloquence des beautés lo–
cales
&
des beautés univerfelles. Les beautés locales
tiennent aux opinions , aux mreurs, aux ufages des
différens peuples; les beautés univerfelles répondent
aux loix, au deffein, aux procédés de
la
nature,
&
font indépendantes de toute infiihttion.
Les peintures phyfiques d'Homere font belles
aujourd'hui comme elles l'étoient
il
y
a rrois mille
ans : le deffin meme de fes caraéteres '
' l'art '
le
génie avec lequel illes varie
&
les oppofe, enlevent
encore notre adrniration, rien de tout cela n'a vieilli
ni changé.
Il
en efr de merne des péroraifons de
Cicéron
&
des grands traits ele Démofihene ; mais
les détails qui font relatifs a l'opinion
&
aux bien–
féances, les beautés de mode
&
de convention ont
du
paroitre bien o
u
mal, fe lon les tems
&
les lieux;
. car il o'efi point de fiecle, point de pays qui ne
donne fes mreurs pour regle: c'efr une prévention
ridicule, qu'il fa_ut cependant ménager. L'exemple
d'Homere n'eut pas jufiifié Racine,fi dans lphigénie,
Achille
&
Agamemnon avoient parlé cornme dans
l'Iliade. L'exemple de Cicéron ne jufiifieroit pas l'o–
rateur Frans:ois, quien reprochant l'ivrognerie
a
fon
adverffli re' en préfenteroit
a
nos yeux les effets les
plus dégoútans.
Celui qui n'a étudié que les anciens, blelfera in–
faillib.lement le goftt de fon fiecle dans bien des
chofes; celuí qui n'a confulté que le goút de fon
úecle, s'attachera aux beautés paífageres,
&
négli–
gera les beautés durables. C'eft de ces deux études
réunies que réfulte le gout folide
&
la fureté des pro–
cédés de l'arr.
Toutes les
convenances
pour·l'orateur fe réduifent
prefque
a
me!urer ·~?n
lanpage
&
le
.to~
de fon
~1~quence au fu]et qú
11
chotfit, o
u
qmlm efi donne,
&
aux circonfiances aétuelles du tems, du lieu
&
des perfonnes..
.
:
..
,
Mais l'attenuon que dolt avotr le poete, e eíl: de
fe mettre, autant qu'il efi poffible, par la difiribution
,de fon fujet, au-de.lfus de la mode
&
de l'opinion,
en faifanr dépendre l'effet qu'il veut produire des
beautés univerfelles
&
jamais des beautés locales.
Si on examine bien les fujets qui fe foutiennent dans
tous les iiecles,
on
verra que l'étendue
&
la
durée
de leur gloire eft due a cette méthode. Accordez
quelque détail
rau
gol'tt préfent
&
national ; mais
donnez a
u
goút univerfelle fond, les maífes
&
l'en–
femble ..
Oroíinane, dans la tragédie de
Zére,
a plus de
délicateífe & 'de galanterie qu'il n'appartient
a
un
foudan;
&
l'on voit bien que le poete qui a voulu
le rendre aimable
&
intéreífant aux yeux des Franc;ois,
a eu pour eux quelque complaifance. Mais voyez
comme :la violence de la paffion le rapproche de fes
,mcenrs natales, comme jl devient jaloux, altier,
CON
impérieux , barbare.. Racine n'a pas été auffi.
heu~
reux daos le caraél:ere de
B
ajaz.et,
&
en général il
a
·trop melé de nos mreurs
dans celles des peu ples
qu'il a mis fur la fcene
:
des fils de T
' fée
&
de
Mi–
thridate il a fait de jeunes Frans:ois.
Le poeme dramatique pour faire fon illuíion,
a
h.efoin de plus de ménagement que l'épopée. Celle–
CI
pe~lt r~conter
tO-tlt ce qu'il
y
.a de
~lus
étrange ,
&
les
b1enfeanc~s
du langage
~ont
les. íeules qu'elle ait
a
garder. Mal
S
pour un .poerne qm veut produire
l'effet de la vérité meme' ce n'efi
pas ·aife~
d'obtenir
une croyance raifonnée,
il
faur que par le prefiige
de l'irnitation
il
rende fon aél:ion préfente , que
l'intervalle des lieux
&
des tems difparoi.lfe,
&
que
les fpettateurs ne faífent plus qu'un meme peuple
avec les aéteurs. C'efi-la ce qui diHingue eífentiel–
lement lepoerne en aétion du poerne en récit. Les
Frans:o-.i.sau (peél:acle
d'Atlzalie
doivent devenir
ifraélites, oul'intéret deJoas n'eít plus rien. Mais s'il
y avoit trop loin des mreurs de Ifraélires
a
ceUes
des Franc;ois, l'irnagination des fpeétateuts refufer9it
de franchir l'intervalle: c'eíl: done aux lfra ' lites
a
s'approcher aífez de nous pour nous rendre le dé-
placernent infenfible.
.
ll n'y a point de déplacement
a
opérer pour les
chofes que la
natur~
a rendu communes
a
tous les
peuples,
&
on peut voir aifément, par l'étude dé
1
'homme , quelles font celles de fes affeél:ions qui
ne dépendent ni des tems ni des lieux : l'intéret
puifé dans ces fources efi intariífable comrne elles.
Les fujets
d'(:!Edipe
&
de
Mérope
rénffiroient dans
vingt mille ans,
&
aux deux extremités du monde;
il
ne faut etre pour s'y intéreffer ni de Thebes ni
de Micene : la nature eft de to us les pays.
C'efi dans les chofes
Otl
les nations different ;
qu'il
~·Jt
que l'aéteur d'un coté' le fpe&ateur de
l'autre, s'approchent pour fe réunir. Cela dépend
de l'art
avec
lequelle poete fait adoucir, dans la .
peinture des mreurs , les couleurs dures
&
tran–
chantes; c'efr ce qu'a fait Corneille en homme de
génie , quoi qu'en dife M. Racine le fils.
11
croit avojr vu que la belle fcene de Pompée
avec Ariíl:ie, dans
Sertorius,
n'étoit pas aifez vrai–
fernblable pour le
plus
grand nombre des fpeéta–
teurs;
il
croit avoir vu qu'on trouvoit trop dur fur
notre théatre le langage magnanime que tient Cor·
nélie
a
Céfar. Pour moi je n'ai
Vll
que de l'enthou–
úafme' je n'ai entendu que des applaudilfemens
a
ces deux fcenes inimitables.
11
feroit
a
fouhairer que
l'illuíl:re Racine ettt ofé donner
a
la peinture des
mreurs étrangeres , cette vérité dont il a fait fino–
blernent lui-merne l'éloge le plus éloquent. Tout
ce qu'on doit aux mreurs de íon íiecle , c'eíl: de ne
pas les offenfer;
&
nos ppinions fur le counige
&
fur le mépris de la mort, ne vont pas jufqu'a exi..
ger d' une jeune filie qu'elle dife
a
fon pere:
D'~tn
aúl au/Ji content, d'un c.aur auffifoumis
Que
j'
acceptois l'époux que vous m'aviez.promis;
Je faurai,
s'~lle
Jf!Ut, viaime obéij{ante,
Tendre au fer de Calcas une tite innocente.
Je fuis meme perfuadé qu'Iphigénie allant
a
la rnort
d'un 'pas chancelant, avec la répugnance naturelle
a
fon fexe
&
a
fon age' eftt fait verfer encore plus
de larmes.
I1
eft vrai que ii le fond des
~reurs
étrangeres
eíl: indécent ou révoltant pour nous,
il
faut renon.
cer
a
les peindre. Ainfi, quoique certains peuples
regardent comme un devoir pieux d'abréger les
jours des vieillards fouffrans; que d'autres foient
dans l'ufage d'expofer les enfans mal fains; que
d'autres préfentent aux voyageurs leurs fem.rnes
&
leúrs filies pou.r
ea
ufer felon leur bon pla1fir;
rien
de tout cela
ne
peut Stre admis
fur la .fcene.