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CHA

d'ordres que de fa propre volonté,

&

qu'il fixeroit,

lorfqu'illui plairoit, le jom de fon départ. Auffi-tót

le divan réfolut d'áiliéger

Charles

dans fon camp ,

&

de s'aífurer de fa perfonne.

Cinquante vieux janiífaires, que fa gloite avoit

pénétrés de refpea , s'avancent pour le conjurer de

ne pas expofer fa vie par une défenfe opiniatre

&

téméraire.

Charles

pour toute réponfe menace de ti–

rer fur eux. L'attaque commence ; quelques Sué–

dois , effrayés de la multitude

&

de l'artillerie des

Turcs , fe rendirent.

Charles

indigné, s'écrie

a

haute

voix: '( que ceux qui font braves

&

fideles me fui–

vent

».

Les Turcs étoient déja dans fon palais, o1t

leur foule avide fe difputoit fes richeífes.

Charles

s'~lance

au milieu de ces brigands, tombe,

re~oit

un

coup de piftolet ; fe releve , pénetre dans une

chambre reculée, s'y renferme, y paífe en revue fa

petite troupe ; rouvre la porte , fe précipite dans

les rangs les plus ferrés des janiífaires, en égorge

<Ieux, bleífe un troifieme , eft enveloppé, perce les

aífaillans , tue encore un foldat , accorde la vie

a

un

autre , rentre dans fa charnbre, & voit les Turcs gla–

cés d'effroi fe jetterpar la fenetre. Ceux-ci, que la

honte d'etre vaincus par foixante Suédois rendoit

furieux, lancent des torches fur la maifon de

Char–

les;

elle étoit de bois, & le feu en eut bien-tót dévoré

toutes les parties. Du milieu des débris enflammés ,

on vit s'élancer

Charles,

tout couvert de fang, les

cheveux brulés, le vifage noir de fumée ; il vouloit

gagner une maifon de pierre, o1t il efperoit foutenir

un nouveau fiege; mais on l'entoure, on l'envelop–

pe, on l'entraine.

11

jetra fon épée, afin qu'on ne dit

pas qu'ill'eüt rendue. On le conduifit au hacha, qui

loua fa bravóure. "Vous auriez bien vtt autre cho–

{e,

dit-il, fi j'avois éré feconclé ''·

Enfin,

Charles

fatigué de l'irréfolution d'une cour

qu'il méprifoit, ne pouvant ríen faire de plus pour

f-a

gloire

a

Bender , parrit avec une efcorte de millé

hommes : trouva

la

marche de ce corps trop lente, fe

<léguifa,

&

fuivi feulement du colonel During

&

de

deux domefiiques , traveda toute l'Allemagne

&

fe

montra aux portes de Stralfund ; elles lui furent

d'abord refufees par -la garde : mais enfin , fon air

vraiement royal

&

fon ton impérieux , les lui firent

ouvrir.

Il

fut reconnu par le gouverneur;

il

fallut

couper fes bottes , paree que fes jambes s'étoient

enflées; il étoit fans linge, fans argent, prefque fans

habit ; enfin ' apres quatorze jours d'une marche

continuelle, il prit

quelque~

heures de repos, donna

audience le lendemain -, dépecha des couriers,

&

prit part aux fetes que le peuple, ivre de joie , lui

prod1guoit.

A peine remis de tant de

fatig~.Jes

, il .fit redeman–

der au roi de Pruífe la ville de Stetin, dont ce prince

s'étoit emparé en

I

713. Son refus mit

Charles

au

coinble de la joie ,

&

le rejetta dans fon élément

naturel. La guerre fut déclarée; les Pruffiens furent

e

ha~'

s

de l'ile d'Elfedon; ils y rentrerent bientót,

maífacrerent tous les Suédois quila défendoient ,

&

trouverent parmi les morts le

brav ~

Kuzede Slerp,

a

qui

Charles

XII

avoi~

écrit de mourir

a

fon pofte.

Cependant le prince d'Anhalt étoit defcendu dans

l'ile de Rugen avee douze mille hommes.

Charles

qui avoit oublié fes revers

&

ne fongeoit qu'a fes

premieres profpérités, ofa avee deux mille hommes

attaquer cette armée : le combat fut fanglant, les

plus braves officíers Suédois tomberent aupres de

Charles

XII;

les plus braves des ennemis périrent '

de fa main. Un Danoís le faiút par les cheveux ; un

c:oup de piftolet le délivra de cet aífaillant; il fut en–

veloppé' combattit long-tems

a

pied' abattant tont

ce qui l'approchoit ; il fut bleífé, il alloit fuccom–

b r. Le comte Poniatowski l'arracha tout fanglant

de la melée,

&

le conduifit

a

Stralfund.

.1

C

H~A

, t'ahnée

fuiv~nte

.' en

1716 ,

Charles

répara cet

echec .par une

vt~o~re.

On, négocia pour la paix;

les pmífances

b~lhgera?t~s ~toient

épuifées ; la cour

de France offroit fa medtation : rnais une flotte An–

gloife, ayant paru dans le détroit du Sund

Charles

faifit ce prétexte pour continuer la gtierre ·' il vou–

loit replacer Staniflas malgré lui-meme fur '¡e tróne

de Pologne. Le czar, autrefois le plus implacable de

fes ennemis, étoit devenu le plus chaud tle fes al–

~iés,

&

promettoit de le feconder dans tous fes pro–

Jets: c'étoit la moindre reconnoiífanee qu'il d('tt

a

C~arles,

pour les grandes

le~ons

qu'illui avoit don-.

nees dans l'art de

la

guerre.

A

pres avoir tant conquis p0ur les autres ,

Charles

voulut enfin

c~nquérir

pour luí- meme.

I1

voyoit

avec des yeux Jaloux le roi de Danemarck féparé

de la Norvege par lamer Baltique , régner fur cette

contrée , qui confinoit

a

la Suede : il réfolut de la

foum~ttr~

a

fon_empire; il

c,ommen~a

par le fiege

de Fndenck-Shall. Le

I 1

decembre

1718,

s;étant

avancé dans la tranchée pour vifiter les travaux

il

fut atteint

a

la te re d'un coup de fauconneau;

o~

le

trouva mort, appuyé contre un parapet, la main

fur la garde de fon épée, le vifage tout fouillé de

fang: Ainfi périt

Charles

XII,

a

l'age de trente-fuc.

ans

&

treize jours.

Il

étoit robuíl:e , chafie

?

fobre , infatigable ,

té–

méraire , prodigue, févere au-dehors ,

&

dans le

fecret de fon creur, infatiable de gloirc. On prétená

qu'il s'étoit fait un fyfieme de prédeftination,

&

qu'il croyoit que la mort viendroit le chercher au

milieu du repos meme' a l'infiant marqué '

&

qu'il

labraveroit impunément dans les plus grands périls,

fi

fon heure n'étoit pas venue. Son courage étoit un

mérite bien foible, s'il ne le devoit qu'a ce préjugé ,

qui bien gravé dans l'ame la plus vulgaire , peut

faire un héros d'un poltron. Si pour régner il faut

gouverner fes états ' veiller

a

J>adminiftration de la

jufiice , étouffer les faétions naiífantes , réparer le

défordre des finances , rendre fon peuple heureux,

Charles

XII

ne fut qu'un général d'armée,

&

non

pas un 'roi. Tandis qu'il conquéroit des états pour,

{es

alliés , il oublioit de régner fur les .fiens. On

a

peine

a

concevoir dans un prince cette paffion de

vaincre, pour le feul plaiíir de vaincre,

&

de faire en–

fuite don du fruit de fa viétoire.

Un

foldat ayant

nn

jour été pris en maraude ,

Charles

vouloit le

punir~

>'

Sire , luí dit le foldat , je n'ai volé

a

ce payfan

qu'un dindon , & vous, vous avez óté un royaume

a

fon maitre ;,.

"ll

efi vrai, répondit

Charles_,

mais de

tour

ce que j'ai conquis, je n'en ai jamais rien gardé

po.ur

mo1

H.

To

\.1jours impatient de mefurer fes forces , pea.

lni importoit fi l'ennemi qu'íl avoit en tete étoit di–

gne de luí; il fut fur le point de fe battre en duel

avec un de fes officiers qui ne le connoiífoít pas. Il

me fit aucun bien

a

la Suede,

fi

ce n'eft d'avoir rendu

fes armes redoutables. Sa vie ne fut qu'une fuite

d'événemens extraordinaires ; il s'exila lui-meme de

fa patrie, &ne .revit

jam~is

St<?ckholm apresen avoir

forti pour fa1re une 1rruprzon en Danemarck ,

toujours

a

clleval ' toujours courant ' comhattant,

ou fuyant, il ne prenoit aucun repos,

&

n'en laif..

foit aucun

a

fes officiers.

L'

étrange homme

,

difoit

Muller,

dont il faut que

le

chancellier

foit toujours

boué.

Enfin ,

Charles

fut, ainfi qu' Alexandre, l'ad–

mirati<1n

&

le fléau du genre humain. (( Allons-nous..

en, dit Maigret , ingénieur

Fran~ois,

en le voyant

mort , la piece ei1: finie

».

On emporta le corps de

Charles

a

l'inf~u

de fon armée,

&

le fiege fut levé.

(M.

DE SAC"Y.)

§

CHARLEVILLE , (

Géogr.)

ville de Cham–

pagne fur la Meufe,

b~tie

par Charles de Gonzague ,_

cluc_de Nevers, avec une

pl~ce

magnifique,

ornée··