CHA
lui étoient fufpeéts: cet établiífement luí fut
ditté
par
fon amour pour la juíJice; mais il ne s'appen;ut pas
qu'il donnoit aux haines fecretes des armes pour fe
fatisfaire '
&
que chaque juge citoit plutot
a.
fon
tribunal fon ennemi particulie.r, que l'ennem1 de
l'état. Ces nouveaux magiftrats furent vengés ,
&
les loix ne le furent pas.
Charles
XI,
dont le but étoit d'accroitre fon def–
potifme par dégrés , . fut
adroiteme~t ~.PP?fer
a
la
nobleífe qui lui réíiftott, le peuple qm ha1íf01t encore
plus les grands qu'il n'aimoit fon ma1tre. Dans une
aífemb
lée des états ' tenue a Stockholm' en
I
68
2 '
il fe fit
décerQ.erune puíífance illimitée : cette révolu–
tion étoit étonnante
~
fans doute, dans un pays ori–
ginairement libre; ce qui eft plus étonnant encore,
c'eft qtre
Chatles
XI
n'abufa point de fon pouvoir
pendant pluíieurs .années,
&
que dans l'établiffe–
ment des impots, jl ne confulta pas fes befoins, mais
ceux de l'état. Le ciellui donna un fils plus capable
d'etre abfolu en Suede
~
s'il n'avoit pas voulu l'etre
dans l'Europe entiere : on le nomma
Charles ;
fa
naiífance fut fuivie de celle de Guftave ,
&
un an
apres, de celle d'Ulric. La joie que caufoit au peu–
ple la cerrirude de ne plus voir le trone en butte
a
l'ambition des collatéraux , fut bientot troublée par
une opération de finances, qui fait peu d'honneur
a
C~arles
XI.
Pour acquitter les dettes de l'état, il
rehauífa de moitié la- valeur des monnoies ;
les
créanciers perdir'ent la m0itié de leur capital,
&
le
roi rentra dans les domaines de la couronne, engagés
par un autre édit qui ruina les plus puiífantes familles
&
altéra beaucoup la confiance publ' tl'e: on fut plus
' alarmé encore de la querelle qui s'éleva entre le roi
e Danemarck
&
le duc de Holfiein Gottorp;on con–
noiffoit la fidélité avec laquelle
Charles XI
fervoit fes
alliés ,
&
on ne doutoit pas qu'il ne fe dédarat
défenfeur du duc ; mais le traité d'Altena calma ,
en 1689, les inquiétudes de la nation.
Charles
XI
ne s'occupa plus qn'a favorifer le commerce des Sué–
dois '
&
a les enrichir par fes bienfaits' apres les
avoir appanvris par fes ordonnances;
il
étoit occupé
a
terminer la guerre qui s'étoit rallumée
d~
nouveau
entre la France
~
l'Empire
&
la Rollande; les minif–
tres plénipotentiaires, apres pluíieurs négociations
infruél:ueufes, s'étoient aífemblés
a
Ryfwik; la mé–
~iation
du roi de Suede
commen~oit
a rapprocher les
intérets des puiífances belligérantes, lorfque la mort
enleva ce prince, le
I
5
avril1697, dans la quarante–
deuxieme année de fon
~ge.
Ses derniers momens
furent employés a prévenir les troubles d'une ré–
gence; Charles
XII
étoit en has age.
Charles
XI,
par fon tefl:ament' laiífa les renes du gouvernement
entre les mains de la reine douairiere, Hedwige
Eléonot ,
a
qui il donnoit un confeil compofé de
cinq fénateurs.
Charles
XI
étoit petit, mais robufte, adroit, lé–
ger, infatigable; fon regard étoit doux, il fourioit
avec grace ,
&
mettoit peu d'art dans fon maintien ;
il étoit íimple dans fes vetemens' plus go rmand
que délicat, toujours armé d'une longue épée, fa–
milier avec le peuple,
&
peu fier avec les grands.
Son jugement étoit fain, il penfoit beaucoup mieux;
qn'il ne s'exprimoit. Embarraífé dans une aífemblée
oit il falloit parler, il excelloit dans une négociation
oü il ne falloit que réfléchir; on ne peut lui reprocher
que ravidité avec laquelle il envahit les biens de fes
flljets; il aimoit l'or, mais il préféroit la gloire aux
richeífes,
&
le bien de l'humanité a la gloire. Tel
étoit le pere de
Charles
Xll.
(M.
DE
SACY.)
CHARLES XII roi de Suede, (
Hijl. de Suede.)
fils du précédent. Le premier événement de fon re–
gne fut le moins célebre,
&
le plus digne de l'etre.
La paix fut conclue a Rifwick' en
I
697' par la mé–
diation de la Suede, entre la France
>
l'Efpagne, la
Hollande , l'Empire
&
1'
Angleterre ; toutes les puif–
fances intéreífées rémoignerent leur reconnoiífance
a
Charles
XII,
&
lui donnerent fur fes inclinations
pacifiques des éloges dont il étoit peu flatté.
Charles,
dans fes réponfes pleines de nobleífe
&
d'artifice,
vantoit les douceurs de la paix ; '' puiífe-t-elle,
di–
)' foir- il , s'affermir
&
régner éter11ellernent en En–
«
rope
!
On eut lieu de recoonoitre dans la fui te eom–
bien ce
':'~u ét~it
peu íincere. Son goíh pour les ar–
mes
av01t
eclate des fon enfance. La lefiure de Quin–
te-Curce l'enflammoit; il vouloit devenir le héros
d'une pareille hiftoire,
&
lorfqu'on lui objeaoit
qu'Alexandre étoit mort jeune, " il a conquis des
)' royaumes , )' difoit-il. On fait qu'ayant ·vu au has
de la carte géographique d'une ville Hongroife que
l'empereur avoit perdue, ces mots de Job,
Dieu me
l'a donné, Dieu me l'a óté; le nom du S eigneur foit
béni;
il écrivit au bas de- la carte de Livonie,
Dieu
me l'a donné, le diable ne me l'ótera pas.
Ces faillies
amufoient la cour,
&
voloient de bouche en bouche;
les courtifans les regardoient comme autant de pré-
' fages de la grandeur du prince ,
&
les gens fenfés,
comme un préfage infaillible des malheurs du monde.
Charles XI difoit lui·meme qu'il feroit un jour effacé
par cet enfant. Malheureux prince qui ignoroit fon
propre mérite, faifoit le bien fans goflter le plaifir de
le faire,
&
regrettoit de n'avoir pas répandu affez
de fang!
La fougue du caraétere de
Charles
XII
alarmoit
la reine fa mere : cette princeífe fenfible
&
compa–
tiífante avoit facrifié fes biens
&
fes bijoux pour
foulager
les
familles ruinées par la liquídation des
dettes de l'état
(Voye{
l'article précédenf. ),
&
mou–
rut de chagrín, de ce que Charles
XI
s'oppofoit
a
fes
foins généreux
&
patriotiques.
A
vant de fermer les
yeux, elle ñt venir le jeune
Charles
XI
1:
(.(
Mon
, fils , luí dit-elle , aimez la paix, aimez les hom–
" mes;
fi
vous faites leur bonheur, puiffiez- vou9
t>
etre heureUX VOUS·meme
!H
La majorité des rois de Suede étoit fixée
a
dix-huít
ans; mais la nation idolatre du jeune
Charles,
féduite
par fes talens précoces' le déclara majeur a quinze
ans
&
cinq mois, dans une aífemblée des états, te–
nue
a
Stockholm,le 27 novembre I697· Son pere luí
avoit laiífé un royaume tranquille
&
floriífant
des
fujets fonmis
&
dociJes, un fénat abatru pa; plu–
fieurs coups d'état, des tréfors accumulés ame dé–
pens du peuple, qui n'ofoit plus les réclamer, des
minifires habiles, des troupes bien difciplinées ·
&
ce qui étoit plus précieux que tout le refte, l'efiime
de l'Europe entiere , qu'il avoit pacifiée. Toute in–
novation devenoit dangereufe, paree qu'une fitua–
tion plus douce paroifioit impoffible: d'apres le fyf–
teme
politiq~e d~ Cha~les
XI,
.l'état pouvoit fe gou–
ve~ner
de lui-meme
~
1.1
fuffifolt
a
_fon fucceífeur
d'y
vedler des yeux; ma1s tl ne pouv01t y porter la main·
fans rifque d'ébranler la machine. Au refte,
Charles
XII
deíiroit peu d'acquérir par une révolution dans
fon royaume, une gloire qui ne fe feroit pas étendue
au-dela de fes frontieres; il vouloit remplir l'Europe
de fon nom , en etre la terreur
&
!'arbitre. Les ditfé–
rends du roi de Danemarck
&
du duc de Holfreín
Gottorp , que toute la prudence des plénipotentiai–
res de Ryfwik n'a voit pu étouffer , Iui ouvrirent
bientot la carriere dans laquelle il brflloit d'entrer.
La guerre
~toit
déclarée entre ces deux princes;
Charlt:soublia
bientot queJe duc n'avoit fervi Charles
XI
que de fes vreux ; il fe fouvint feulement qu'il
étoit fon beau.frere,
&
réfolut de
le
fervir de fes
armes.
Chrifliern V
étoit
mort; Fréderic IV fon fils, luí
avoit fuccédé ' ; il avoit hérité des projets de fon
pere
&
de fa haine contre le duc : celui-ci vint
a
Stockholm, Otl il concerta avee le jeune
Charles
le