Table of Contents Table of Contents
Previous Page  380 / 960 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 380 / 960 Next Page
Page Background

CHA

Charles XII,

le fupplice douloureux

qu'il

fit fubir

a

ce Livonien.

Rien ne retenoit plus

Charles

dans la Saxe. Ce

prince qui craignoit de n'avoirptus d'ennemis

a

c~~hattre, n'avoit point compris le czar daos ce

tram~ .

!ranquille fur le fort de la Pologne

&

de fon

al~1é,

d fe mit en

mar~he

l?our ,:rendre. aux

,Mo.f;ov_lt~s

tous les maux qu:1ls l01 avo1ent fa1ts. L armee Sue–

doife paífoit pres de Drefde, lorfque tout--a-coup

le roi difparut ; il s'étoit échappé avec quatre

<?ffi–

ciers , étoit entré dans Drefde , pour rendre vlÍ1te

a

Augufi:e comme au meilleur de fes amis. Le prince

détroné le re):Ut d'un air embarralfé, lui parla en

tremblant, implora fa clémence avec baífeífe,

&

lui

demanda grace lorfqu'il pouvoit le

faire arreter.

Charles

prefque feul au milieu de fes ennemis , fut

plus fier, plus infléxible qu'il ne l'avoit jamais été;

il rejoignit fon armée inquiete de fon abfence ,

&

Otll'on fongeoit déja

a

former le fiege de Drefde.

Il repaífa l'Oder,

&

s'a vanc;:a vers la Mofcovie , ré–

folu d'étonner cette contrée par une révolution auffi

rapide

q~e

celle de Pologne. Le czar étoit déja dé–

troné dans le plan de

Charles XI1;

&

ce prince

n'étoit plus inquiet que du choix du fucceíieur qu'il

donneroit a fon ennemi. Déja il efi dans Grodno :

Pierre détache fix cens cavaliers pour le furprcndre;

&

ce corps efi arreté fur un pont par trente dragons.

Charles

impatient de fe venger , fe jetre daos Bere–

zine, y maífacre deux mille hommes, arrive fur les

bords de l'Holowits,

&

voit l'armée ennerrüe cam–

p ée fur la rive oppofée. L'artillerie du czar tonnoit

avec furie ; la moufqueterie faifoit un feu continuel.

Au milieu de cette grele,

Charles

fe

tette

le premier

dans l'eau , traveríe la riviere , fon armée le fuit,

les r(.'tranchemens font forcés ,

&

la déroute des

Mofcovites devient générale.

Charlesfe

délaífoit des

fatigues de cette journée, lorfqu'on luí apprit que le

général Lewenhauft , qui accouroit pour joindre le

.Gorps d'armée , avoit rencontré les ennemis dans fa

route, leur avoit paífé fur le ventre,

&

en avoit

laiífé íix mille fur le champ de bataille. Pierre czar

battoit en retraite , obfervant tous les mouvemens

de fon ennemi, étudiant fes manreuvres, devinant fes

rufes , copiant fon ordre de bataille ; c'efi ainíi qu'il

apprit

a

vaincre

Charles

XII.

Ce prince n'avoit plus

que feize mille hommes; le vcrtige qui accompagne la

profpérité, s'empara de luí, au moment

oit

cette prof–

périté meme alloit ceífer. L'expérience du paifé lui

perfuadoit qu'avec les plus foibles moyens, rien ne luí

étoit impoffible ; il invefiit Pultowa; tandis qu'il di–

rigeoit les

~ravaux,

&

qu'il examínoit ceux des af–

fiégés, il fut atteint d'une halle au pied; il demeura

ferme donnant fes ordres, marquant les pofies ; au–

cun íigne de douleur ne le trahit,

&

perfonne ne

foup<¡onna qu'il fut bleífé ; il joua pendant íix heu–

a-es ce role' inconcevable pour les hommes vulgai–

res ; enñn la perte de fon fang le for<¡a

a

fe retirer.

On découvrit la plaie, tous les. fpeél:ateurs étoient

confiernés.

«

Coupez, dit le roi, en préfentant fa

jambe, coupez, ne craígnez ríen

».

On n'en vint

pas a cette extrémité. L'approche des Mofcovires

luí fit hien-tot oub!ier fa bleífure ; il n'attendit pas

l'ennemi dans fes lignes; huit mille Suédois demeu–

rerent devant Pultowa pour contenir les affiégés.

Les Mofcovites étoient rangés en bataille; d '

s

le

premier

eh

oc, leur cavalerie fut renverfée; mais

elle retourna au combar, culbuta l'aile droite des

Sué~ois ~

&

prit le général Schlippenbak. Les deux

partls vamque.urs

&

vaincus tour-a-tour, abandon–

noient, reprenoient le champ de bataille ,

&

la

vic–

toire voloit en un moment d'un coté

a

l'autre.

Char–

les

fe faifoit porter daos une litiere , elle fut brifée

d'un coup de canon; il monta fur un cheval, qui fut

tué fous luí. Renverfé au plus fort

de

la mel 'e, il fe

CHA

défendoit encore avec fon épée, lors qu

1

on

l'arra~

cha

tout f

anglant. Les foldats Suédois , perfuadés

qu'il

éto.it

mon , perdirent courage ; cette nouvelle

vole

de ra

ng en rang,

&

pone l'effroi daos tous les

creurs; leur défenfe devint moins vigoureufe,

&

l'atta–

que des Mofcovites plus vive. Les rangs fe rompirent,

la c_avalerie ennemie

y

pénérra , la déroute devint

enuere. On emporta le roi, qui frémiíloit de fur–

vivre a fa gloire'

&

crioit d'un ton mel ' d'amertu–

me , de honte

&

de dépit,

Suédois, Suédois.

La rage

étouffoit fa voix, il n'en pouvoit dire davantage.

Tout étoit perdu íi le délire de la fureur qui égaroit

fes efprits fe fút emparé auffi de l'ame de Lewen–

haupt ; mais ce íage général conferva tout fon fle–

gme,

&

:ht une des plus belles retraites dont il foit

parlé dans l'hiftoire.

CharLes

ntit le Borifiene entre fon vainqueur

&

luí. Ce fut alors que revenu de fes premiers tranf–

ports ' il rougit en fe rappellant les magnifiques pro–

meifes qu'il avoit faites aux Suédois, lors qu'il difoit

qu'1lles meneroit fi loin, qu'illeur faudroit

tro.is

ans

pour recevoir des nouvelles de leur patrie,

& qu

and

il répondoit aux ambaífadeurs Mofcovites, qu'il ne

vouloit traiter avec le czar qu'a Mofcow. 11 mar–

choir avec les débris de fon armée

a traver

s les dé–

ferts

&

les forets, incertain de fa

rou.te

, n'ayant

d'autte lit que fa voiture , preffé pa

r la fai

m comme

fes foldats; mais affeél:ant toujours un maimien fer–

me, un air ferein, il fe trouva enfin fur les frontieres

de l'empire Ortoman. Une puiífance ennemie de

celle du czar ,

re~ut

avec joie le rival de cet em–

pereur. On le conduiíit fur les pords du Niefier , oit

des cabanes élevées par fes foldats, formerent bien–

tot

une ville pres de Bender. Louis XIV offrit

a

ce

prince infortuné, un pafiage pour r etourner en Sué–

de, s'il vouloit s'embarquer pour Marfeil1e. Mais

Charles

ne vouloit reWL.rner a Stockholm qu'a la tete

d'une armée triomphante,

apn~s

avoir détroné Pier–

re,

&

vengé l'honneur des armes Suédoifes.

Il

n'avoit

point perdu de vue fes grands projets ; mais tandis

qu'il méditoit la chC1te du czar , celle de Staniflas

commen<¡oit,

&

Augufie remontoit fur le trone de

Pologne.

Charles

ne pouvant plus doQner des couron–

nes , donnoit de l'argent au peuple, en manquoit

quelc¡uefois lui-meme , dépen(oit le revenu de cha–

que jour fans fonger au lendemain, régloit les comp–

tes de fon tréforier fans les lire , jettoit au feu les

fonliers de fon chancelier pour

le forcer d'etre

toujours botté' couroit

a

cheval' rangeoit fa poi–

gnée de foldats en bataille,

&

paroiífoit plus gai qu'il

ne l'avoú jamais été daos fa plus haute fortune. Les

Turcs venoient le contempler avec un étonnement

ftupide,

&

l'admiroient fans favoir ce qu'ils admi–

roient en lui.

La cour Ottomane paroiífoit difpofee

a

fecourir

l'illuíhe malheureux '

&

a

lui donner une armée pour

accab¡er le czar ; mais ce prince avoit verfé fes tré–

fors dans les mains d'Ali Bacha , grand vifir, qui

s'oppofa

a

ce projet.

Charles

a force d'intrigues le

fit dépofer. Numan Cupruli, fucceífeur d'Ali, dut

fon élévationau roi de Suede, le combla d'honneurs

&

de bienfaits, prépa¡a la rupture avec la Mofcovie.

Déja cinquante mille hommes couvroient

les

bords

du Danube\ Pierre enfermé par cette armée , que

commandoit le vifir ' demanda

a

parlementer ; fa li–

béralité facilita la négociation, il obtint une capitu–

lation avantageufe,

&

fe retira avec fon armée. Le

viíir fut difgracié; Aga Yufuphi Bacha, fut mi

a

fa place. Cette révolution n'en fit aucune dans les

affaires de

Charles:

l'empereur Turc fit la páix avec

1<! Mofcovie ,

&

voulut forcer le roi

a

forrir de fes

érats ; ille mena<¡oit meme de le traiter en ennemi

s'il r 'fifioit

a

fes ordres.

Charles

répondit qu'il étoit

roi

a

Bender cornme

a

S

ockholm~

qu'il n'y recevroit