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B
o ·s
feus le cifeau , ou qu'ils enferment
erttre
des mu–
railles une peloufe monotone, pe u m'importe, je
parle
·a
l'ami de la nature .de ce qu'elle m'a appris.
Ne voulez-vous que recueillir au frais les oifeaux
&
vos penfées
?
jettez des maíres d'arbres
&
d'ar–
buíl:es entre des fentiers finueux , tels que ceux
oir
}es amans
&
les poetes vont rever fi ·VOlontiers :
égarez une fontaine au plus épais de l'ombrage :
qn'elle tombe avec une douce harmonie dans un
baffin irrégulier, bordé de rofeaux
&
de tameaux
fleuris qu'il pniífe réfléchir : ménagez un efpace
pour s'y aífeoir fur le duvet
c].ela terre,
&
femez
la violette fur des fophas de
gaz.on: que les plantes
amies de l'ombre foient rép
anduess:a
&
la : invitez
le rofier
a
pencher fes fleurs avec grace hors de la
verdure: offrez pour l'aifance de leur ménage l'aube–
pine au roffignol,
&
le genet au linot : que le che–
vre-feuille embaume l'air qui circule fous la feuillée,
&
que le tremble y frémiffe
volupt~teufernenr
: la
j'aimerois auffi
a
trouver la terre jonchée de ¡n·unes
bigarrées ' a écarter du pied la pomme
&
la poire '
&
a
conteíl:er la cerife aux loriots. Je ne fais trop
fi
je me plairois
a
y rencontrer des fiatu es' meme
celles de Sylvain ou des nymphes, l'art feroit trop
loin de moi; mais
j'y
lirois fur les écorces, des vers
diél:és par un ,gol'lt délicat : je 'ferois heureux d'y
méditer, Virgile ou Gefner
a
la main :
jamais
je ne
voudrois y etre interrompu que par la voix de
l'am0ur ou la plainte de l'humanité ; il m y feroit
verfer de plus douces larmes ;
&
a la faveur
du myftere , elle m'accorderoit d'y eífuyer les
ftennes.
Prévenu que la variété efi !'origine la plus féconde
des fenfations agréables , que les contrafi:es font la
coquetterie de la nature
&
le charme de l'art , je
réunirois
&
j'oppoferois en quelqu'endroit le plus
d'effets qu'il me feroit poffible : ici les fleurs s'incli–
neroient en guirlandes; la elles s'éléveroient en
bouquets, ou bien elles s'éparpilleroienr en étoiles
fur les branches diverfes.
L'alb~hre,
la turquoife,
l'améthifte
&
l'opale éclateroient fur un fond chan–
geant d'émeraude: meme dans les formes je cher–
cherois la diveríité; tel arbre croit en obélifque,
celui-la s'arrondit naturellement en bonle; un autre
jaillit
&
retombe comme un jet d'eau : je melerois
jufqu'aux caraéleres des odeurs : je chargerois les
vents Ge m'apporter leurs flots légers; elles éveillent
l'imagination, elles rendent délicieux le femiment
de l'exiíl:ence ; peut-etre elles ouvrent l'ame
a
la
bienveillance par l'attrait du plaifir. Je ne fais com–
ment j'arrangerois ce
bofquet;
mais je fais
bien
que
j'y
aurois des routes fort étroites : I'homme magni-
- fique veut fe pavaner dans une aliée impofante , il
faut que tout annonce fa grandeur : moi j'aime a
écarter les branches en marchant ,
&
a cacher ma
tete dans les fleurs : pourtant je ne dédaignerois pas
une allée aífez large pour s'y entretenir avec des
amis; car, lorfqu'on jouit d'un bien, il manque
encore de le partager.
La notion générale des jardi11s d'agrément eft
néceífaire
a
!'entente des
bofquecs;
elle fera conce–
voir comment il convient de les placer, de les déra–
cher, ou de les groupper. Je me trompe, ou les
parties les plus voiíines du chatean font celles oi1 la
main de l'artifte doit le plus fe rernarquer : il me
femble qu'apres l'architeélure pleine
&
folide, il eft
gracieux d'appercevoir cette archíteél:ure fvelte
&
ajourée o1t des cordons de verdure s'élancent en
colonnes, fe courbent en ceintres, ou s'étendent en
plafonds. Les arbres en éventail
&
les charmilles
doivent rnafquer
&
de:ffiner : les allées fervent a
ménager
&
a
encadrer les plus beaux lomtains. Je
ne. vois pas pou'rquoi le parterre feroit dénué de
califes, de
feuil~ges
&
d'arbriífeaux taillés en quel-
B O S
que figure élégante; rnais
a
mefure que je m'éloi–
gnerois de la maifon , je ferois enchanté de voir
diíparoitre 1 'art par des nuances infenfibles
&
de
ne trouver bientot que la na'tnre dans un
~égliO"é
galant. Que ne petlt-on meme fe méprendre fur
l~s
limites d\m i?rdin, la oi1 il fe confond peu-a-peu
dans la campagne ; il n'en feroit'
a
rnon gré' féparé
que par des maffifs has d'arbriífeaux : point d€ murs!
eh
!
la reconnoiífance veillera pour la bonté.
On fent que les
h~fquets
fe rangent naturellen1ent
aux cotés' ou bien autour du parterre'
&
qu'on
d_oit rencontrer enfuite, je ne faís quoi, qui ne foit
fli parterre, ni jardih; par exemple, un terrein fpa ..
cieux imitant une campagne cultívée ' femblable
a
celles oit l'indufi:rie d?un peuple aifé a multiplié, em–
belli
&
varié les fruits de la terre, o1t le plaifu a
femé des fleurs,
&
s'eíl: ménagé quelqnes jolis ré–
duits: je m'y promenerai
a
travers les rubans citrins
tle la naveue,
&
les bandes azurées du lin,
&
j'y
verrai la pourpre d'es pavots fe déployer fur les maf–
fes ondées du froment. Aux confins de ces champs,
je jetterois s:a
&
la quelques bonquets d'arbre; leul"
intervalle me d 'couvriroit des fites choifis : en-de la
je ferois régner une peloufe agrefie oit des fleurs
champetres croitroient autour de buiífons épars :
heureux qui pourra recueiliir dans cet efpace un
ruiíreau fnyant dans une belle prairie, fous les auines
ceintrés; une montagne oi1 l'on ví't brilíer dans l'om–
bre des bois les nappes argentées des cafcades ; un
rocher
d'oir
jailliroit en gerbes le ·cryfial des fontai–
nes parmi l'émail des arbuftes
fJ
euris.
Que penfer des ruines que les Anglois rnettent en
perfpeétive , des tombeaux, des urnes funéraires
qu'ils entremelent avec des cypres? un objet fombre
peut ne pas déplaire daos un payfage de Salvator;
on eft trop loin du vrai pour qu'il attrifie: mais quoi!
la promenade eft-elle faite pour app_eller la mélan–
colie
?
oh l que j'aimerois bien mieux lever les bran–
ches du lierre de deífus un fttt de colonne renverfé,
pour y lire une infcription touchante
!
comme mon
creur s'épanouiroit
a
la vue d'une humble cabane'
rempli€ par des heureux de ma
fa~on,
qui beche–
roient gaiement I'eur petit
el
os,
&
dont les troupeaux
bondiroient a l'entour! avec qnelle extafe j'écoure–
rois leurs chants clans le íilence d'une belle foirée
!
car, eíl:-il rien de plus doux que les chants du
b~n
heur qu'on a donné? ·
Meme par-dela vos enceintes, laiíf-ez échapper
quelques coups de pinceau ; qu'un coteau vous pa–
roiífe trop nud, difperfez. quelques haliers fur fa
crete' deffinez les prairies avec des frenes
&
des
peupliers,
&
que le platane fe mire dans les eaux.
Offrez fur les chemins un ombrage falutaire au paf–
fant; qu'il puiífe cueillir dans les haies la grofeille
&
la cerife,
&
qu'il
y
amaífe un jour des fleurs pour
les répandre fur votre tombe avec fes larmes.
Les endroits les plus reculés de mes jardíns me
rameneroient au milieu par des voies commodes :
nu1le part je ne ferois arreté ;
&
lorfque le foleil
deviendroit trop aélif, je m'enfuierois par la ligne
la pLus courte vers l'ombre de mes
bofquets.•
.
mais
j'allois oublier ceux que l'índuíhie attach_e comme
des fefions fur le cercle de l'année; chacun réunira
ce que chaque mois, chaque faifon produit de richef..
fes végétales : je rnettrai
a
contribution 1'Amérique
&
l'Orient ,
&
je commencerai l'année comme la
nature, au moment qu'elle fe ranime at\ fouffie dtl
bélier.
Apres les brumes
&
les glaces on jouira plus
agréablement de.s premiers regards du foleil , s'ils
éclairent dans un lieu choifi les premie res fleurs qu'ils
font éclorre ,
&
les plus beaux d'entré les feuillages
refpeB:és par l'hiver. Que les verges purpurines de
la Daphné s'y peignent fur les franges
obfcure~
du
•