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CAL
publique. Cet aífaffin, avat
t
d'etre faiíi, enfon<;a
fon poignard tout enfanglan
dans fon propre fein.
Ornar ne furvécut que trois jours
a
fa bleífure ; il
mourut
a
l'age de foixante- trois ans , fans vouloir
cléfigner fon fucceffeur. Sa confcience délicate lui
faifoit craindre de faire un mauvais choix;
&
quand
on le preífa de nommer fon fils: Helas! r épondit-il,
c'en efr déja trop, qu'il s'en foit trouvé un da9s ma
famille , qui ait ofé fe charger d'un auffi pefant far–
deau' dont il faudra rendre compre
a
l'f:ternel au
jour des vengeances.
.
.
,
Ornar, avant que de mouru' , avo1t nornme flx
compagnons du prophete' pour préfider a la nomi–
nation de fon fucceífeur ; les fuffrages fe réunirent
pour Othman, qu'Omar en avoit jugé indigne ,
a
caufe de fon avaríce. Cette vile paffion prend des
forces en vieilliffant '
&
elle regne fans rivales a
mefure que les autres s'éteignent. Cette élévation
fut la fource des troubles qui agiterent le nouvel
empire. Les Alides
&
les Abaífades, mécontens de
voir dans d'autres mains un fceptre qu'ils regardoient
comme leur héritage, furent contraints de fe prof:.
1
terner devant la nouvelle idole;
&
ne pouvant bri–
fer leur freín, ils le blanchirent d'écume : le nou–
veau
calife
,
fans fe mettre a la tete de fes armées'
r emporta par-tour des viél:oires,
&
fes fucd:s
im–
pofe tent ftience a la cenfure. Ses généraux conqui–
rent routes les provinces de la Perfe
&
de la Bac–
triane ' qui refioient a fubjuguer ; leurs armes vic–
torieufes pénérrerent jufque dans la Tartarie. Tandis
que les etnpires de l'Oríenr font englouris par ce dé–
luge des Barbares, Moavie, parent du prophete
&
le plus grand capitaine de ce íiecle de guerre, entre
dans la Nubie,
&
foumet au joug Mufulman tout
l'Occident de l'Afrique. Les iles de l'Archipel s'é–
puifent en tributs pour fe racheter ; celles que la
natute de leur fol , ou le défaut d'indufirie a voit
. condarnnées
a
une éternelle indigence, furent le tom–
beau de leurs habitans , trop pauvres pour alfouvir
l'avarice de leurs vainqueurs infatiables. Moavie ,
maitre de Rhodes , fait brifer le fameux coloffe ,
dont tout le mérite étoit dans la difficulté vaincue ;
&
de fes débris, il en charge neuf cens chameaux :
dela fe répandant dans la Sicile, il menace l'Italie
qui n'éroit plus peu plée que de Sybarites
&
d'efclaves.
Le
califi
,
féduit par la fortune , fubfiituoit les
délices de la molleífe
a
l'aufiérité des mreurs anti–
ques. Sa vie ne fut plus qu'un fommeil qu'il goutoit
dans le fein des voluptés , dont les plus innocentes
fcandalifoiem ce peuple farouche; il s'élev
entót
des mécontens qui palferent rapidement du mur–
mure a la rébellion.
Il
étoit regardé comme l'ufur–
pateur du patrimoine d'Ali, par une fa8ion d'autant
plus redoutable, qu'elle étoit compofée de dévots
qui favoient ha1r
&
perfécuter. On lui reprocha de
ne confier le gouvernement qu'a d'indignes favoris,
qui n;avoient d'autres ti tres que d'etre les complices
de fes débauches ;
&
que les tréfors publics, fermés
aux befoins de l'état
&
du mérite infortuné, ne s'ou–
vroient que pour enríchir fes parens
&
fes flatteurs.
Ces plaintes bien fondées furent encore appuyées
par la calomnie ; on fabriqua des lettres revetues
d e fon fceau ,
&
adrelfées aux gouverneurs pour
leur ordonner de fe faifir des mécontens ,
&
de les
faire empaler. Ces 1ettres furent rendues publiques.
Les féditieux invefiiífent fon palais , qui n'étoit
qu'une vile cabane. Il n'a d'autre efpoir que dans la
proteél:ion d'Ali qui , fans
oir auco.n tirre , étoit
tout-puilfant ,dans Médine. Ali 1ui envoie fes deux
fils qni ' fans etre armés ' défendent l'entrée de fa
rnaifon pendant quarante-cinq jours: la qualité de
petits-fils du prophete en impofe
a
la fureur des .
mutins ; mais s'étant un jour éloignés pour aller cher–
<;her de l'ean , les alfaffins profitent de leu.r abfen-
·CAL
ce,
&
forcent les portes. Othman, agé de quatre–
vingt-deux ans , ne leur oppofe d'autre bouclier que
1'Alcorao qu'il place fur fon efi:omac-',
&
qu'ils tei–
gnent de fon fang,
&
il tombe percé de douze coups
• de poignard. Son corps refia trois jours fans fépul–
ture;
Oll
ne daigna pas meme le purifier ,
&
On l'in–
huma fans luí rendre aucuns honneurs funebres, avec
les memes habits dont
iL
étoit vetu lorfqu'on l'avoit
poignardé. Othman éroit d'une haute taille : fa phy–
flonomie étoit noble
&
gracieufe; il avoit le teint
brun
&
la barbe fort épaiffe. Il fur bien fupérieur
aux deux
califes
qui l'avoient précédé; mais fon ef–
prit trop cultivé, ne fut pas fe plier au génie de fa
nation;
&
c'efi par le caraél:ere, plutót que par les
talens, qu'on réuffit
a
gouverner. II donna une nou–
velle édition de 1'Alcoran , qu'il fe faifoit un plaifir
de méditer. On a fait un recueil de fes maximes
,
fous le nom de
concert lzarmonieux.
11 étoit brave ,
&
a l'exemple de fes deux prédécefféurs' il ne pa–
rut plus a la te e des armées' lorfqu'il fut élevé au
califat. Il efi: difficile de le jufiifier d'avarice , puif–
qu'a fa mort on trouva dans {on tréfor cinq cens
millions de dragmes , trois cens cinquaote mille pie–
ces d'or; richeffes immenfes
&
dont on pourroit ré–
voquer en doute la réalité, quand on
í~lÍt
fes pro–
fufions pour enrichir fes favoris. Mais
1'
Arabie étoit
alors un gouffre oit tour l'or des nations venoit s'en–
gloutir. Son regne fut de douze mois lunaires.
Ali , exclu trois fois d'une dignité oit l'appelloit
fa naiifance,
&
dont il étoit beaucoup plus digne
que fes prédéceífeurs , efi enfin proclamé
calife
par
le fuffragc unanime de tous les zélés Mufulmans. Il
montra d'abord de l'éloignement pour un tróne qu'il
voyoit environné d'écueils. Son ambition éteinte ou
calmée par l'age
&
l'expérience, la defiinée d'Oth–
man , les haines qui divifoient la nation étoient de
jufies rnotifs de fes dégoflts. Si vous voulez, diíoit–
il, me difpenfer de ce fardeau pénible , je vous don–
nerai l'exemple de l'obéiífance que vous devez
a
ce..
lui que vous choifirez pour maitre. Les pre.ífantes
follicitations du peuple vainquirent fa réfifiance,
&
fes ennemis fecrets furent les plus emprelfés a lui
rendre hommage : une faél:ion
puill~mte,
compofée
de ceux qui l'avoient autrefois privé ,du califat, ne
cherchoit qu'un prétexte pour le precipiter de
lcr
chaire
Otl
elle n'avoit pu l'empecher de monter.
Aiesha, 1? plus jeune
&
la plus chérie <iles femmes
du prophete , dirigeoit les reíforts de cette faél:ion ,
&
quoiqu'elle ne fut plus dans l'age de plaire, elle
avoit encore la fureur d'aimer ; cette paffion l'avoit
jettée dans les intrigues de la polirique : le titre de
veuve d'ün envoyé de Dieu, lui donnoit beaucoup
d'afcendant fur les cceurs. Tendre autant qu'ambi..
tieufe , elle vouloit élever
~u
califat , Thela
qtü
n'avoit d'autre titre a cette clignité ' que le talent de
lui plaire. Les Ommiades , outragés dans le meur–
tre d'Othman , {ervirent fa paffion ;
&
Moavie , qui
étoit le chef de cetre famille ' étoit
a
la tete d'une
armée viél:orieufe , accoutumée a vaincre fous lui.
Ali étoit trop clair-voyant, pour ne pas appercevoir
l'orage fe former. Ma1s fon caraél:ere inflexible ne
put fe ployer aux moyens de la diffiper. Doux
&
rnodéré comme bomme privé, il ne croyoit pas
qu'un
calife
dut
{e
prerer
a
une politique humaine,
qui carreífe ceux qu'elle veut tromper. I1 ne voit
dans cette faél:ion qu'nn refie impur de ceux qui l'a–
voient privé de fon héritage, en l'éloignant du ca–
lifat.
I1
confond fes intérets avec la caufe du ciel ,
&
regarde les rebelles comme autanr de facrileges
qu'il efr de fon devoir de punir. Les foudres de
la
religion font les armes qu'il emploie pour intimi–
der les coupables. Il fl érrit par des anathemes la mé–
moire de fes trois prédécelfeurs qui s'étoient affis
fur un tróne ufurpé.