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s o

N,

'Par l)ordlie que 1'on voit

&

entend imméd1atefneht?

Point du tout , l'reil

&

l'oreille f(mt affeétés ; mais

l'ame n'eft avertie que quand l'impreíTion parvient

el

l'extrémité intérieure du nerf optique OU du nerf

auditif;

&

fi quelque obftacle arrete en chemin cefte

impreffion, de maniere qu'il ne fe faífe 2tucun ébran–

lement dans le cerveau, l

'impreal.on

eft perdue pour

l'ame. Ainfi ,

&

c'eft ce qu'il faut bien remarquer

'comme un des principes fondamentaux de l'explica–

tion des

[o-nges

,

ilfuffit que

l'extrémité~ntérieure

foit

ébranlée pour que l'ame ait des repréfentations. On

connolt de plus aifément que -cette extrémité ¡nté–

rieure eft la plus facile a ébranler, parce que les ra–

mifications ,dans lefquelles elle fe termine font d'une

extreme tenuité,

&

qu'

ell.es

font place a.1a (ource

meme de ce fluide fl?iritueux, gui les anofe

&

les

pénetre, y court, y ferpente,

&

doít avoir

qne,tout~

autre aétivité, que lorfqu'il a fai t le long chemm qm

le conduit a la furface du corps ; c'eft de-la que naif–

fent tous les aél:es d'imaginatíon pendant la veille,

&

perfonne n'ignore que dans les perfonnes d'un

certain tempérament, dans ú)les qui font livrées

él

de telles méditations , ou qui font agit 'es par de

violentes paffions , les aél:es d'imaginatíon font églÜ–

valens aux fenfations

&

empechent mcme leur effet,

quoiqu'elles nous affeél:ent d'une maniere aífez vive.

Ce font la

les[onges

des hommes éveillés,qui

ont~ne

parfaite analogie avec ceux des hommes endormls ,

étant les uns":

&

les autres dépendans de cette fuite

d'ébranlemens intérieurs qui fe paífent a l'extrémité

des nerfs qui aboutiífent 'dans le cerveau. Toute la'

différence qu'il ya, c'eft que pendant la veille nous

pouvons arreter cette fuite , en rompre l'enchalnure,

en changer la direilion,

&

lui faire fuccéder l'état

des fenfations,

all~lieu

que les

finges

font indépe'n–

daos de notre volonté,

&

que nous ne

pouvons

,ni

continuer les illuíions agréables , ni mettre en fmte

les fantomes hideux. L'imagination de la veille eft

tille république policée , oi! la voix du magifrrat re"

met tout en ordre ; l'imagination des

[onges

efr la

meme république dans l'état d'anarchie, encore les \

paffions font- elles de fréguens attentats contre l'auto–

rité du légiílateur pendant le tems meme o,ll fes droits

fonten vigueur. Il y a uneloi d'imagination que l'ex–

périence démontre d'une maniere incontefrable, c'efr

que l'imagination, lie les objets de la meme maniere

que les fens nous les repréfentent,

&

qu'ayant ¡¡aufe

a

les rappeller, elle fe fait conformément a cette

1iaifon ; cela eft

ii

commun , qu'il feroit fuperflu de

s'yattendre. Nous voyons aujourd'hui pour la pre–

rniere fois un étranger a un fpeétacle dans une telle

place , a coté de telles perfonnes

¡

fi ce foir votre

imagination rappelle l'idée de cet étranger, foit

d'elle - meme, ou paree que nous lui demandons

compte, elle fera en meme tems les frais de re–

préfenter en meme tems le lieu du fpeétacle , la place

que l'étranger oecupoit , les perfonnes que nous

avons remarquées autonr de lui ;

&

s'il hous arri

ve

de les voir ailleurs , au bout d'un an, de dix ans ou

davantage , fuivant la force de notre mémoire, en

le voyant, toute eette efcorte , 'fi j'ofe ainíi dire,

fe joint a fon idée. Telle étant done la ma–

niere dont toutes les idées fe tiennent dans notre

cerveau, il n'eft pas furprenant qu'il fe forme tant

de combinaifons bi&:trres ; mais il efr eífentiel d'y

faire attention , car cela nous explique la bifarrerie,

l'extravagante apparence

desJonges,

&

ce ne font

pas feulement deux objets qui fe lient ainfi, c'en

font dix, c'en font mille, c'eft l'immenfe aífemblage

de toutes nos idées, dont il n'y en a aucune qui n'ait

été re<;:ue avec quelqu'autre , celle-ci avee une troi–

úeme ,

&

ainíi de fuite. En parlant d'une idée quel–

conque, vous pouvez arriver fucceffivement

a

tOtl–

tes les autres par des routes qui ne font point tra-

Tome

xr.

s

O N

3~ $

cées au hafard, comti)e ellés le parodI'ent , mais quí

(ont déterminées"par la maniere

&

les circonftances

de l'entrée de cette idée dans notre ame; nohe cer–

vean eft , íi vous le voulez , nn bois coupé de mille

allées ; vous vous tronverez dans une telle allée

~

c'eft-a-dire

vou~

etes occupé d'une felle fenfation;

fi vous vous y livrez, comme on le fuit ; ou volon-

' tairement pendant la veille , on néceífairement dans

les

jonges

de cette allée, vous e11trerez dans une fe–

conde, dans une troiíieme, fuivant qu'elles {ont per–

cé~s,

&

votre route quelqu'irréguliere qu'elle pa–

rOJífe dépend de la place d'oll

YQUS

etes parti

&

de

l'arrangement du bois, de forre qu'a toute autre'place

ou dans un bois différemment percé YOUS aurez fait

un.

al~tre

chemin , c'efr-a-dire un .futre

fonge.

Ces

pnnClpes fnppofés; employons-Ies

a

la folution dn

probleme

des¡;mges. LesJonges

nous occupent

pen~

dant le f0mmeil;

&

lorfqll'il s'en préfente quelqu'un

a

nous, nous fortons de l'efpece de léthargie c"m–

plette ou nOllS ayoient jettés ces fommeils profonds

pour appercevoir une fuite d'idées plus ou

moin~

claires , felon que le

[onge

efr plus ou moins vif, fe:.

Ion le langage ordinaire ; nous ne fongeons que lorf–

que ces idées ,parvierinent

a

notre connoiífance,

&

font imlneffion fur notre mémoire ,

&

nous ponvons

dire, nOllS avons eu

tel[onge,

on du-moins que nous

avons fongé en général ; mais , a proprement parler;

nous fongeons toujours; c'eft-a-dire que des que le

fommeil s'eft emparé de la machine , l'ame a

fans'in~

' terruption une fuite

d~

repréfentations

&

de

percep~

tions ; mais elles font quelquefois íi confnfes, fi foi–

bies, qll'il n'el1 refre pas la moindre trace,

&

c'eft

ce qu'ol appelle

leprofondJommeil,

qu'on auroittort

de regarder comme une privation totale de toute

perception, une maétion complette de l'aine.

Depllis que l'ame a été créée

&

jointe

el

un corps;

on meme

a

un corpufcule orgapifé , elle n'a ceífé de

faire les fonétions eífentielles a une ame, c'efr.a-dire

d'avoir une fuite non-interrompue d'idées qui lui re- '

préfentent l'nnivers., mais d'une facron convenable

¡\

l'état de fes organes; auffi tOllt le tems qui a préeé"

a

notre développement iei-bas, c'efr-a-dire notré

naiífance, peut etre regardé comme un

[onge.

conti..

nuel qui ne nous a laiífé aucnn fouvenir de notre

préexiftence,

el

caufe de l'extreme foibleífe dont

Utl

germe , un fretus font fufceptibles,. S'il y a done des

vuides apparens,

&,

fi j'ofe dire , des efpeces de la–

cunes' dans la [uite de nos idées , il n'y a pourtant

aucune interruption. Certains nombrps de mots foni

viíibles

&

liftbles, tandis que d'autres font effa–

cés

&

indéchiffrables; cela étant, íonger ne fera

autre chofe que s'appercevoir de fes

fonges,

&

il

.efi

uniquement quefrion d'indiquer des cauCes qui for–

tifient les empreintes des idées

j

&

les rende d'une

clarté qtti mette l'ame en état de juger de leur exif-'

tence, de leur liaifon ,

&

d'en conferver meme le

fouvenir.

01'

ce font des caufes purement phyíiques

&

machinales ; c,<:¡ft l'état du corps qui décide feul

de la perception

desfotzges;

les cir€Onfrances ordi–

naires qui les accompagnent concourent toutes

a

nous en convaincre. Quelles font ces perfonnes qui

dorment d'un profondfommeil,

&

qui n'ontpointou

prefqlle point fongé? Ce 'font les rerfonnes d'une

GOnílitution vigou,reufe, qlli jouiífent

aél:,lIelleme~t

d'une bonne fante, ou celles qu'un travall coníide–

rabie a comme accablées. Deux raifons oppofées pro–

voquent le fommeil complet

&

deftitué de

Jonges.–

dans ces deux cas, l'abondance des eCprits animallx

fait une forte de tumulte dans le cerveau , qui em-–

peche que l'ordre óéceífaire

pou~

lier les,

c:;irc~>naa,:ces

d'ttll[on

C1

e

ne fe forme; la dlfette

el

efpnts

am~

maux fait

q~e

ces extrémités intérielires des nerfs,

dont l'ébranlement produit des aél:es d'imagination

$

ne fom pas remuées,

Oll

du-moins pas aífez P.0ur qué

Yy

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