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xxx

DISCOURS PRELIMINAIRE

Il en

.a

é'té de Locke

a

peu - pres tomme de Bacon, de D efcartes ,

&

de N ewton.

O ublíé long-tems pour Roham

&

pour Regis,

&

enCore aífez peu connu de la multitude , iL

commence enfin

a

avoir parmi nou des leaeurs

&

quelques partifans.

C'ea

ainft que Le

perfonnages iLluíl:res fouvent trop au·deífus de leur fiecle, travaillenr prefque tolljours en pUTe

perte pour leur fiecle meme;

c'ea

aux ages fuivans qu'iL

ea

réfervé de recuellLir le fruir de

·leurs lurnieres. Auili les refraurateurs desSciences ne joüiífent-ils prefque jamais de tome la

gloire qu'ils méritenr; des hommes [ort inférieurs la leur arrachenr, paree que les grands

nommes fe livrenr

a

leur

~énie

,

&

les gens médiocres

a

celui de leur nation. II efl: vrai que

le témoignage que la fuperiorité ne peut s'empecher de fe

~endte

a

elle-meme , fuffit pour

la dédommager des fu/frages vulgaires: elle fe nourrit de fa propre fubíl:ance;

&

cette répu.

tation dom on eíl:

G

avide , ne fen fouvenr qu'a confoler la médiocrité des avantages que le

talenr a fur elle. On peut dire en e/fet que

1'a

Renommée qui publie tour, raconte plus fou–

vent ce qu'elle entend que ce qu'elle voit ,

&

que les POeteSqui lui ont dOlmé cem bouches,

devoient bien auffi lui donner un bandeau. .

La Philofophie, qui forme le gout dominant de notre Gecle , femble par les progre qu'elle

fait parmi nous, vouloiuéparer le tems qu'elle a perdu,

&

fe venger de l'efpece de mépris

que lui avoient marqué nos Peres. Ce mépris

ea

au)ourd'hui retombé fur l'Erudition,

&

n'en

ea

pas plus juíl:e pour avoir changé d'objet. On s imagine que nous avons riré de O uvra–

ges des Anciens tour ce qu'il nous importoit de favoir

i

&

fur ce fondement on diípenferoit

volontiers de leur peine ceux qui vont encore les confuiter. 11 fembLe qu'on regarde l'anti–

quité comme un oracle qui a tout dit,

&

qu'iL eíl: inurile d'interroger;

&

1'0n ne [ait guere

plus de cas aujourd'hui de' la reaitunon d'un paífage, que de la découverte d'un petit ra–

meau de veine dans le corps humain. Mais comme

il

[eroit ridicule de croire qu'il n'y a

plus rien

a

découvrir dans l'Anatomie, parce que le.s Anatomifl:es fe livrem quelquefois

a

des recherches, inutiles en apparence ,

&

fouvent miles par leurs fuites

i

il ne feroit pa

moins abfurde de vouloir interdire l'Erudition , fous prétexte des recherches peu importan–

tes auxquelles nos Savans peuvent s'abandonner.

C'ea

etre ignorant ou préfomptueux de

croire que tollt foit vu dans quelque matiere que ce puiífe etre ,

&

que nous rfayons plus

aucun avantage

a

tirer de l'étude

&

ele la leaure des Anciens.

L'ufage de tOut écrire aujourd'hui en Langue vulgaire, a contribué fans doute afortifier ee

préjugé ,

&

ea

peut-etre plus pernicieux que le préj ugé meme. Notre Langue s'étant ré–

pandue par tOute l'Europe , nous avons cru qu'il étOit tems de la fubíl:iruer

a

la Langue la–

tine, qui depuis la renaiífance des Lettres étoit celle de nos Savans. J'avoüe qu'un Philofo–

phe ea beaucoup plus excufable d'écrire en Franc;ois , qu'un Franc;ois de [aire des vers 1:.a–

tins

i

je veux bien meme convenir que cet ufage a contribué

a

rendre la lumiere pLus géné–

rale,

G

néanmoins

c'ea

étendre réellement l'eÍprit d'un Peuple , que d'en étef:¡dre la fuper–

ficíe. Cependant il réfulte de-la un inconvénient que nous aurions bien dtl prévoir. Les Sa–

vans eles alltres nations a qui nous avons donné l'exemple , ont cru avec raifon qu'ils écri–

roientencore mieuxdans leur Langue que dans la norre. L'Angleterre nous a done imité

i

l'Al–

lemagne,

OU

le Latin fembloit s'etre réfugié, commence infenGblemem

a

en perdre l'ufage :

je ne doute pas qu'elle ne foit bien-rot fuivie par-les Suédois, les Danois,

&

les Ruffiens.

AinG, avant la fin du dix-huitieme fiecle , un Philofophe qui voudra s'inílruire a fond de elé–

.couvertes de fes prédéceífeurs, fera eontraint de charger fa mémoire de fept

a

huir Langues

di/féremes;

&

apres avoir confumé

a

les apprendre le tems le plus précieux de fa vie , iL

mourra avant de commencer

a

s'inílruire. L'ufage de la Langue Latine, elont nOllS avons

fait voir le ridicule dans les matieres de gout , ne pourroit erre que tres-utile elans les Qu–

vrages de Philofophie, dom la clarté

&

la préciGon doivent faire tout le mérÍte,

&

qui

n'om befoin que d'une Langue univerfeLle

&

de convemion. 11 feroit elonc a fouhaiter

qu'on rétabllt cet ufage: mais il n'y a pas lieu de l'efpérer. L'abus dom nous ofons nous

plaindre

ea

trop favorable

a

la vanité

&

a la pareífe , pour qu'on fe flate de le déraciner.

Les Philo[ophes , comme les autres Ecrivains, veulem etre lus ,

&

fur-tOut de leur na–

rion. S'ils fe fervoiem d'une Langue moins familiere, ils auroiem moins de bouches pour

les célébrer,

&

on ne pourroit pas fe vanter de les emendre. 11 ea vrai qu'avec moins

d'admirateurs, ils auroient de meilleurs juges: mais c'eíl: un avantage qui les touche peu,

parce que la répuration tient plus au nombre qu'au mérite de ceux qui la diaribuem.

En récompenfe , car

il

ne fam rien outrer, nos Livres de Scienee femblent avoir acquis

jufqu'a l'e[pece d'avantage qui fembloit devoir etre particulier aux Ouvrages de Belles:'Let–

tres.

Un

Ecrivain refpeé1:able que notre GeeLe a encore le bonheur de potréder,

&

dont je

loüerois ici les di/férentes produétions ,

G

je ne me bornois pas

a

l'envifager comme Philo–

fophe, a appris auxSavans

a

fecouer le joug

du

pédanti[me. Supérieur dans l'art de mettre

en leur jour les idées les plus abíl:raites ,

il

a fl! par beaucoup de méthode, ele préciGon,

&

de

da,rt~

¡es

a~ai[er

a

lj portée des efprits qu'on auroit cru le moins fam pour les [aiGr. 11 a