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DEC
L'orateut ·dei:ent ne cherche point
a
paroitre, n!
~
(e
fai re admirer ; il veut que l'auditoire s'occupc
d~
fan dircours,
&
non de f<1
perfonne. ModeQe fans ti·
midite , il fe permet une honnete confiance, ii conli·
dcre ks auditcurs, non comrne des juges inexorables ,
q ui le condamneront fans l'entendre, mais comme une
affemblee rerpetl:,able de perfones eclairees. (
Cct arti–
de
ejl
tiri
de
14 .
<J'hiorie ge11erale
del
Befl14~·-Art1
de
M.
S1nzrn.)
I)ECIUS
ou
D ecE , (
Hifl.
Jes
empertttrs.} Cneu1
Metitis !zyintus <J'raja11f1s Decius ,
Pannonien de naiffan–
ce, s'eleva des plus bas emplois au premier grade de
la milice R omaine : l'empereur Philippe qui connoif–
foit res
talens pour
la
guerre, le choifit pour appai–
fer la rebellion de M ccfie , mais
a
peine tur-il entre
dans cetre province que les legions, d'un
confent~ment unanime ,
k
proclamerenr empereur; il fallui:
en venir aux mains contre fon bienfaiteur , qui
apre~
J'avoir vaincu , fut alf11ffine par res propres foldats. Sa
.mart le rendit
paifibl~
po!felfeur de !'empire , mais ii
11e voulut point entrer dans R ome qu'il n'eih erouffe
la
revolte des Gauks.
II
marcha enfoite centre les Sey.
thes qui ravagoient la Thrace
&
la Mc:efie.
A
pres plu–
iieurs viCl:oires , res troupes furent mifos en fuite : ii
fot enfraine dans
la derolltt: pVeC fon fils;
&
ayant
pouffe fon cheval dans Ul\ m:irais profond, ii fut
en–
glouti fous l'q u
&
d11ns
la
l;>oue fans qu'on pl1t ja–
mais retrouver fan corps.
II
rnourut a l'age de cinquar1-
.te ans dont ii en avoit
r~gne
deux. Les ecrjvains pro–
fanes lul donnent unc place parrni Jes bans empercurs.
Les chretiens l'ont peint comnw
tlll
monftre de cruau.
te,
a
caure des cruelks perrecutions qu'il cxerp con,
tr'eux. On ne peut don ncr qne idee a!fez affreure des
.hom111es qui puni!Tent Jes opinions contraires aux lturs ,
avec la meow
f~verne
qut;
lcs vices
&
!es crimes,
( <J'-N. )
D Ecws Mus,
(Hi.ft.Rom.
)
dans le>terns vertueuic
de la
r~publique
romaine ' fut egalemenc celebre par
fon courage
&
par fon amour pour la patrie.
II
fe
d i!lingua dans
ra
jeuneffe contre ks Sarnni\cS ;
&
quoi–
qu'il n"drt que
k
titre de rribun, on lui amibua la
principale gloire de cecte guerrc. Le coplul
Cornelio~
s'etal\t ernbarra{f6 . dans une pofirion defavanrageure,
en fut tire par l'increpidite de
Deciu~
qui lui aida
a
i ern porcer une viCl:oire
~clataQte
conrre Its Samnites;
la gloire qu'il s'ctoir acqui!e clans cette expedition,
lui merita
la
<lignite de r;onrul , ce fut en ceue quali–
te qu'il pourfuivrr la guerre contre \es L atins qui lui
Jivrerent un combat ou voyant !es !\ens plier , "ii prit
la refolution de le devo4er au11; dieuli internaux pour
;irracher
la
viCl:oire aux cnnernis. Ce facrifice magnani·
me rekva
le
courage
de1 Romains qui rel1erent viCl:o,
r ieux,
So11
fils
Decius
Ad.usfut l'heririer de ce faQatiline
republicain : ii
excr~a
quatre fois le confolat,
&
quand
ii
po4vojrjouir de
fa
gloire ii n'ambitionnoit quc l'hon.
n eur de re devouer pour
(on
pays ,
&
c'efl;
C(;
qu'il
ex~(:Uta quelque rems apres en fe precipitapt fans armes
au n1ilieu de la melee
~
ii lailfa qn fils qui imira l't;•
:xemple de fon pere
&
de (on a'icul dans la guerre can–
tre f irrhus. Ce prince qui avoit
en
horreur c;et enrhou–
fia(me forieux' lui fit dire que s'il vouloit
re
dev.ouer,
. ii ordaoneroit
a
fes foldats de le menager
&
de le pren–
d re vivant pour le faire punir
du
dernier fup plice. Cet–
te nienace ni:
k
fit point changer de rtfolurion ; ii
fr
jettl\ fur Jes javelots
&
!es piques des Epirotcs ,
&
ii
trouva la mart qu'il fembloir invoquer. La rnanie des
devouemens fut uoe maladie dam la contagion
fe
com–
muniqua
a
toure cetre famille. (
T-
N. )
DECLAMATIO
,
f.
f. (
Rhitor. Bel!es-Lcttm. )
Ce mot
fo
preod en mauvaire part, pour e::primer um;
faulfe Cloquence: chez !es grecs , c'croi
!'art des fo–
f>hiftes; ii confi(loit fur.rout dans une dialeCl:iquc fub–
t ile
&
captieufe ,
.&
s'eicer~oit
3
faire que le fau x pa–
r ut vrai-; que le vrai parut faux ; que
le
bien pari1t
mal; que ce qui etoit ju!le
&
louab!e p::rut mjufie
&
criminel ,
&
vice verfa
:
c'etoit
\a
charlatan rie de
111
D E C
logique
&
de la morale. Q!i'un fophifte propoflt i•nc
chore facile
a
perfuader, on fe moquoir
c lui
&
avec
raifan ;
a
cclui qui vouloit faire l'eloge d'Hercule on
demandoit:
fi<!.1i efl-ce qtti le blame ?
Mais que le mcme
homme fe
vant~t
de prouver aujourd'hui unr chore
&
demain
le
contraire; les Atheniens, ce
p.:uple
irort:
fettr
,
alloienr
~n
fou le
a
fan ecole. La fage!Jeo de
So.
crate fu r l'ecueil de
la
vanite des fophiftes; ii oppofa
a
leur declamation une diakB:ique plus faine
&
~um
fobtile q ue la leur.
II
les atrira de piege en piege juf–
qu'a les faire romber dans l'abrurde ;
&
fon
!us graod
crime', pem-erre, fu t de !es avoir confondus ,
&
d'a–
voir appris aux Arheniens, long- terns feduits par
des
paroles , le digne ufage de la raifon , l'art de dourer
&
d'apprendre
a
connoltre ce qu'il importoit de favoir,
le vrai,
le
bien , le
beau
morJI , le jufie , l'honnetc
&:
!'utile.
Chez !es Romains la
dicla111atio11·
n'etoit pas fophifti–
que , mais pathetique;
&
au lieu de feduirc l'erprit
&
la raifon , c'etoit l'amc q u'elle c!fayoir d'interetli:r
&
d'emouvoir.
Cc:
n'e!l pas qm: clans des ouvrages
de morale, cornme les
Paradoxes
de Ciceron
&
fan
<J'rni–
tifur la vieille.ffe ,
on n'employat, comme chez !es Grecs,
qne dialeCl:ique tres-deliee , a rendre
populaire~
des ve·
rites fubtiks ,
&
fouvenr opporees aux prej uges
re~us:
c'etoit meme ainfi que Caton avoit coutume d'opiner
dans le
fer.atfur
des queftions epineures; mais cette
fubtilite etoit celle de la bonne-foi ingenieule
&
elo–
quence. : c'eroit la diakC1:ique de Socrate,
&
non pas
c;dle des charlatans dont Socrate s'etoit joue.
La
diclnmation
etoit
a
Rome l'apprentiOagc des ora·
teurs ,
&
d'abord rien de plus utile; mais quand
le
gout dans
taus les genres
re
corrompi,t ' )'eloquence
eprouv<1
la
revolution generale. Petrone nous donne
ti ne idee
de
Celte eco(e d'cloquence,
&
des fujets fur
Jefq uels les.jcunes orati:urs
s'exer~oient
dans fon terns :
J'ai reftt cer plaies pour la difmfe de la
liberti p11bliq1ie
;
j'ni perdu eel a:il m combattanl pottr ;vol/J ; do1111ez-lilei
1111
guide pour me mmer vers
111es
mfn11s
,
car mes jnmbes affoi,
Uies 11epeuvent plus me fo11te11ir.
Ce$
diclama1io11s
qui
km–
bloient fi ridicules
a
Petrone , pouvoient, felon Per–
rault, avoir leur utilite,,, Comme ii faut ror:npre, dir–
,, ii, le corps
d~s
jeunes gens ,par !es exercices violens
,, du manege, pour leur
appr~ndre
a
bien manier un
1 ,
cheval dans une marche ordinaire ou dans un car–
,, rouzd; ii ne fau t pas mains ro:nprc ,
en
quelque
,, forte, l'dprit des jeunes orateurs par des fujets ex–
,, traordin<1ires ,
&
plus grands que nature , qui
les
,, obligent
a
faire des efforts d'imagination'
&
qui !cur
1 ,
donnent la facilite de rraiter cnfu it des fojers com–
,, muns
&
ordinaires; car rien ne difpofe d'avancagc
,, a
bien faire ce qui eft aife , que l'habitude
ii
faire
,, les chafes difficiles ,..
Ce
raifonnernent de
P~m:ult
dl:
lui-merne un fophirme: car un jcune dcffinateur qui
n'auroit jatnais copie que des modeks d'academie dans
des attitudes comrainres
&
des mouvcmens co;wul–
tifs, feroit rres-Join de
favoir modeler
OU
peindrc
Ja
Ve:rns pudique , ou l'Apollon, ou
le
Gladiarcur mou·
rant '
&
quand ii s'agit de palfer de la nature forcee
a
la
nat~re
fimple
&
nai've, c'i;!l abufer des mots , quc
de
dire :
qui pwt le pltls peut le
111~ins.
Dans taus les arts,
en
eloquence
&
en poefie comme en peinture, l'exagfra–
tion eft
le moins ;
&
le plus,
c;'eft la veriu: , la conve.
nance, la decence : c'e!l cette ligne door parlc Hora–
ce au dela
&
en
de~a
de laquelle rien nc peut erre
bie~.
II eft done vrai qu'a Rome la
declamation
~orr~IT'p~t
!'eloquence ; ii eft encore vrai qu'elk l'auroir dtwee
quand mem.e "elle ne l'auroit pas corrompue.
!.Ile
la
corrompit en ce que l'orareur excrce
a
des
mouvemcn~
cxrraordinaircs, lcs 'cm loyoit a taus propos , pour
1,1fa
de fes avancages: 11 accornmodoit fon fujet
3
fo~
eloq11ence '
au lieu de proportionncr fan eloquence
.a
fan fujer. M ais cet excrcice de !'art oratoirc
ten~or_t
for-taut
a
k
d~crediter ;
car un peuple accollrume
a
ce jeu des
d( /a;;iatioils
,
ou
ii
favoit bien que nen
n'~toit
lincere , devQi\ <1llcr entend
re
fes orzreurs com-
me
aucant