CAN
s'étoient formées eh fe coagulant
a
la longue. Quoi
qu'il en foit, la Crau d' Arles ne doit fa fertilité ac·
tuelle qu'au
canal
ou
vallat de Craponne,ainfi
appellée
du nom de fon auteur,
&
la majeure partie de
~ette
plaine a entiérement changé de face.
Adam de Craponne, plaifamment nommé
Vallat
de Craponne
au
mot
SALON dans le
D illionnaire raif.
des Sciences
(vallar veut dire en Provenc;al
,fo/Jé,
petit canal,
a
vaLlo
) ,
contemporain de
N
ofrradamus
"' &
né dans la meme ville, fe difiingua fous Henri
II.
par fes connoiífances dans la méchanique hydrauli·
que ,
&
fut un des plus habiles ingénieurs de fon
tems.
11
fit écouler les eaux croupiífantes de Fréjus ,
ce qui rendir l'air de cene ville plus fain ; il avo ít
entrepris de joindre les deux mers par le
c~ntre
du
royaume,
&
Henri
II.
le préféroit
a
tous les ingé–
nteurs que Catherine de Médicis avoient amenés
d'Italie, préférence qui lui fut fatale par la jaloufie
des Italiens qui l'empoifoonerent
a
l'age de qua–
rante ans. Cet ingénieur ayant reconnu par d s ni–
vellemens que la Durance,prife pres du village de la
Roque un peu au-deífous de Cadenet
a
fix lieues de
fon embouchure dans le Rhone, étoit de beaucoup
fupérieure
a
la plaine de la Crau , il en fir dériver
en
1
55 8 le vallat ou
canal
de fon nom, le fit paífer
par les campagnes de Salon fa patrie , de Gran,
d'Ifrtes,
-&c.
Ce
canal,
apres avoir arrofé les ter–
roirs de Cabane
&
de Noves·, traverfe fur un aque–
duc le territoire d'Aries,
&
vient abourir daos le
Rhone a un quart de lieue de la partie méridionale
de cette
vill~
, apres avoir fait tourner plufieurs
moulins ; ce qui paroit aífez curieux, efi de voir
qu'au-deífous de ce
canal d'arrofage
a l'endroit de
l'aqueduc, paífe un aurre
eanal
pour l'éGoulement
des eaux du pays.
Le
canal
de Craponoe n'efr point navigable,
n'ayant que deux
a
trois pieds de largeur fur trois
de profondeur ; rout petit qu'il efi, il produit néan–
moins des richeífes confidérables fur une étendne de
douze lieues de longueur. On efi parvenu, par un
grand nombre de rigoles tranfverfales'
a
faire naitre
l'abondance dans un
cant.onqui n'en avoit pas paru
fufceptible. On
y
a femé du bled depuis daos les en–
droits les plus favorables ,
&
les autres produifent,
entre les cailloux' de l'herbe fucculente) fervant
a
nourrir un grand nombre de troupeaux. Cet exernple
fervira toujours d'encouragement pour tenter un
projet plus vafie
e
d).
Le meme Adam de Craponne , qui mérita fi bien
de fa pattie, avoit encore tracé le plan d'un aurre
canal d'arrofage
&
de navigation que le fameux Pey–
refc, ce M ' cene de fon fiecle
J
voulut exécuter
foixante ans apres. Il s'agiífoit de faire
~onduire
a
Aix
1
de la Durance ou du V €rdon qui fe jette daos
cette riviere, un
canal
qui eut rendu la capitale flo–
riífante
&
riche par la facilité
~u
débouché qu'illui
auroit procuré, tant avec la haute Provence, qu'avec
lamer. Peyrefc écrivit en Flandre en
1628,
pour
avoir un des ingénieurs qui avoit creufé des
canaux
(d)
M.l'abbé d'Expilly , partículiérement i.nfuuit de tour ce
qui concerne la Provence, remarque
a
ce mot que depuis la
confeétion dll
canal
de Craponne on a vu fuccédet' aux lieux
defercs
&
incllltes, de belles habitations de vígnobles, des prai–
ries, des vergers complamés d'oliviers qui donnent de ces bon–
nes huiles dans tome l'étendue que le
canal
peut arrofer; qu'on
a obfervé qu'a force d'arrofemens les cailloux fe précipitent
daos la terre,
&
que celle-ci prenant le deífus
op
en tire le pani
le plus avantageux; que malheureufement ce
canal
ne donne
pas ¡mtant d'eau qu'on en fouhai erott, mais qu'il feroit aifc de
lui en fournir beaucoup plus,
&
de dériver enfuite de ce
canal
quantité d'au,tre moindres
canaux
qui parcourr-eient
&
fenili–
feroiem toute la Crau; qu'on pourroit alors
y
batir des villages
pour fervir de recraite aux habicans de la haute Provence,
a
qui
les moyens de fubfdlance manquent aujourd'hui, depuis que le
défrichement des bois y a occaíionné l'éboulement des terres
dans la fuite emportées par la force
&
cominuiré des pluies,
&c.
Tome JI.
CAN
daos
le
pays ,
&
qui méditoieot alors ie projet de
faire communiquer l'Efcaut avec la Meufe. Le
canal
eut été exécuté aux frais de Peyrefc
fi
la pefre qui
furvint l'aRnée fuivante ,
&
les
tro~bles
de
1'
\ar ·
~e
l:euífent fait
évano~ir:
Puiífent de tels
exemple~
mfp1rer le defir de les tmuer!
Comme ce dernier projet a eu beaucóup de fuite
en Pro vence, dont on connoit la fiérilité des cam–
pagoes
a
caufe des fréqueotes
féchereí~es
quí y re–
gneot, on me permettra d'en fuivre le nl hifiorique
av,ec quelqu'étendue
(e).
Pe u de tems apr ' s Pey–
refc,
i[
y
eut, en
164
5
~
un houveau nivellement Eles
eaux,
mais
fans aucune fu ite. Louis XIV, peu apres
fon voyage de Provence en
1662,
accorda, pour le
m~me ~bjet: de~
lettres·patentes au fieur Colomby
~
qut fit
1
annee fu1vante un nouveau nivellement. Ces
lettres fonr rapportées a
u
tome
JI.
de
1'
H ifloire de
P rovence,
par Bouche. Autre opération femblab1e
en
1702
&
en
1740.
Ce dernier nivellement fut
fait en conféquence du defir
&
des réponfes
de
MM.
les procureurs du pays, qui depuis
long-tems~
&
notamment en
172.4
&
1737,
n'oublioient rien
pour voir commencer
une entrc!prife qui a fait
&
qui
Jera toujours le vceu de la Provence, comme le plus
grand bien
&
le plus fotide qu'on
puij{e
lui [aire!.
Ce
font les
terme~
des procureurs du pays en
1724.
Le P. Pezenas,
cé(ebte
mathématicien
&
direc~
teur de l'obfervatoire de Marfeille chargé de faire
le nivellement de
1740;
s'aífocia, daos ce travail
long
&
délicat; le fieur Floquet, ingénieur hydrauli..
que , tres-verfé dans cette partie, qui, apres avoir
fait les principales obfervations préparatoires, en
préfenta au public l'efquiífe
&
le plan dans un traité
imprimé
a
Marfeille en
I
7
42·
L'année fuivante il fit
un autre écrit dédié
a
M. de Vence, dans lequel i1
répond a diverfes objeél:ions' prétend démontrer la
poffibilité
&
la facilité de ce
canal,
&
préfente les
moyens pour l'exé€ution. Suivoos l'analyfe de ce
dernier imprimé.
x"·
Les divérs nivellemens antérieurs
a
ceux
du
fieur· Floquet , premie re preuve de la poffibilité.
Deuxieme preuve, l'exifience du
canal
de Marius,
qui de Jouques portoit
a
Aix les eaux de la Durance.¡
Voy.
t
Hijlorien d'Aix,
M. Pithon,
p.
54
&
673
(!).
Troifieme preuve , les opérations faites d'abord par
le fieur Floquet avec toute l'attemion poffible ;
&
renouvellée fous fes yeux par MM. Dalleman
&
de
Chateau-Neuf, ingénieurs du roi ,
&
le
fieu~
Ge.;
rard l'ainé, architeél:e
&
mathématicien tres-expert
dans cette partie.
2°.
Le plan ou projet confifie
á
dériver depuis
le roe de Canteperdrix, terroit de Jouques
1
au
deífous du bac de Mirabeau ,
&
de les conduire
jufqu'a Aix
&
Marfeille par un
canal
d'
arrofage
&
de navigation, du moins en def€endant , pendan t
pres de trente lieues ' a caufe des montagnes qu'it
efr plus sur de E:Ootpurner que de percer', pour don..
ner au
canal
une direél:ion plus droite, d'autant que
ces contours rendront un jour plus facile la
com~
mnnication avec le Rhone, en érabliífant un baffio
de partage au Vernege pour diriger
cette
nouvelle
(e)
Ces mémoires m'om été communiqués par M.l'abbé de
Luminy, official de Marfeille, favant auffi difiingué par Con zele
pour le bien public que par
fa
modefiie
&
fes rares conooilfan–
ces. Ayant bi n voulu s'atf'ocier avec moi pour travailler
a
1'
Hif
toite natutelle de la vigne
&
des vins
que nous avons emreprife
de concen, il s'eíl: fait un plaiíir de me communiquer tout ce
qui concerne le
canal
de Provence. Le P_. Berrier, de
l'acad~mie
des (ciences , con nu par fa
P hyfique du crel,
a eu la bonté de me
faire part de ce qu'il {avoit fur le
canal
de Provence. Le leéleur
trouvera raífemblé
ici
en peu de pages le
préds
d'une infinité
d'écrirs curieux
&
peu connus.
([)
J'ai déja remarqué plus haut qu'on auroit' pu faire fuivre
au
canal
de Provence la route de l'aqueduc de Marius : ce qt ·
auroit évi
é
bien des inconvéniens
&
de 1 Mpeníe_
Aa
ij