Table of Contents Table of Contents
Previous Page  911 / 994 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 911 / 994 Next Page
Page Background

ATT

1:1

les (oins d'un homme de tettres, pour placer (OJl

caJ,inet dans quelque enruoit retiré & tranquille. De–

lit le fucces des études de la nuit, pui('lu'il regne alors

un grand calme partont.

Le tumulte de I'imaaination n'eíl: pas moins nuiíi–

blc

a

l'

atlemioll

que cehti des (ens.

A

l'iffue d'un (pee–

tacle il vous eíl: diHicile de rcprcndre vos érudes ;

vous &tes dans le m&me cas le Jendemain d'une

grande partie de diverti(fement , dont les idées fe re–

nonvellent avec vivacité ; & en général toutes les

fois que nous (ommes fortement occupés

~e

pluíiems

objets brillans, (onores, ou propres

a

falle quelque

autre imprellion [m nos (ens.

Les modifications de I'ame ont troiscau(es, les

{ens, l'imagination, & les paffions. Tous ceux qlli

velLlent s'appliqu r [oignellfement

a

la recherche de

la vérité, doiven avoir un grand [oin d'éviter , au–

tant que cela fe peut, toutes les fen[ations trop for–

tes, comme le grand b.uit, la lumiere trop vive, le

plai(rr, la donlelrr,

&c.

ils doivent veiller (.lns ceíle

a

la pureté de lem imagination, & emp&cher qu'il

ne fe trace elans leur cerveau de ces veíl:iges profonds

qui inquietent

&

qui diffipent continuellement

I'e{–

prit. Enfin ils doivent (m-tout

arr~ter

les mouvemens

des paffions, qui font dans le corps & dans I'ame des

impreffions íi puiffantes, qu'il eíl: d'ordinaire comme

impoffible que l'efprit penfe

a

d'autres chofes qu'allx

objets qui les excitent. Néanmoins on peut faire ufa–

ge des

p~ffions

& eles fens pour conferver l'

atwuioll

¿e l'efpnt.

Les paffions dont il eíl: utile de [e fervir, dit le

pere Malebranche, pour s'exciter

a

la recherche de

la vérité, font celles qui donnent la force

&

le con–

raO'e de furmonter la peine que I'on trouve

a

fe ren–

<lr~

alUntif.

Il

y en a de bonnes & de mauvaifes : de

bonnes, comme le defrr ele trouver la vérité , d'ac–

quérir aífcz de lumiere pour fe coneluire, de fe ren–

tire mile all prochain, & quelques alltreS fembla–

bles : de mauvai!es ou ele dangereufes, comme le

delir el'acquérir de la réputation, de fe faire quel–

que établiífement, de s'élever au-deffus de [es (em–

blables, & quelques autres encore plus eléréglées.

Dans le malheureux état oi! nous [ommes, il ar–

rive fouvent que les paffions les moins raifonnables

nOlls portent plus vivement

a

la recherche de la vé–

rite,

&

nous confolent plus agréablcment dans les

peines qué nous y trouvons, que les paílions les plus

¡lilles & les plus rai(onnables. La vanité, par exem–

pie, nous agite beaucoup plus 'lue l'amour ele la vé–

rité. La V1le confufe ele 'luelqlle gloire qui nous en–

vironne, IQl{que nous débitons nos opinions, nous

fofltient le courage dans les étueles meme les plus íl:é–

riles & les plus ennuyeu(es. Mais íi par hafarel nous

nous trouvons éloignés de ce petit troupeau c¡ui nous

applaudlífoit, notre areleur fe refroidit auffi-tot :

les

études ,

m~me

les plus (olides , n'ont plus el'attrait

pour nous : le dégo\lt, I'enmti, le chagrin nous prendo

La vanité triomphoit de notre parelle naturelle, mais

fa pareífe triomphe

a

fon tOur ele I'amour de la véri–

té ; car

la

vanité réfiíl:e quel'luefois

a

la pareífe, mais

la

pareffe eíl: prelque toujoms viEl-orieufe de I'amolrr

de la vérité.

Cependant la pallion pour la gloire , quand elle

eíl: réglée, peut /ervir beaucoup

a

fortifier

I'attm–

!ion.

Cene paffion, íi elle fe trouve jointe avec un

amour fll1cere ele la vérité & de la vertu, eíl: digne

de loiianges, & ne manque jamais de prodmre d'uti–

les effets. Rien ne foni6e plus l'efprit & n'encourage

davantage les talens

a

fe développer, que I'elpéran–

ce de vivre dans le fouvenir des hommes : mais il eíl:

di/licile que cene paffion fe contienne dans les bor–

nes 'lue 1m prefcrit la raifon,

&

quand une fois elle

vient

a

les paífer, au lieu el'aider l'efprit dans la re–

cherche de la vérité, elle I'aveugle ctrangement

&

Tom.

J.

ATT

1m faít meme croite que les chofes font comme il

fouhaíte qu'ellcs [oient.

II

eíl: certain 'lu'il n'y auroit

pas eu tant de fauífes inventions & tant de dé–

couvcrtes imaginaires, íi les hommes

ne

[e laiffoient

point étourelir par des ele(rrs ardens de paroitre in·

venteurs.

La pallion ne eloit fervir t/u'a réveiller

l'allentIón:

mais elle proeluit tolljOurS fes propres idées, & elle

pouífe vivement la volonté

a

jugerdes chofes par ces

idées qui la touchent, pllltót que par les idées pmes

& abfiraites ele la vérité, 'lui ne la touchent paso

La feconde fource d'oll I'on peut tirer c¡uelque [e–

cours pOllf rendre l'efprit attentif, font les (ens.

Les,

[enliltions font les modifications propres de I'ame ;

les idées pures de I'e(prit [ont quelc¡ue chofe ele dlf–

férent: les fenfations réveillent donc notre

aumtio7t

el'une maniere beaucoup plus vive 'lue les idées pu–

res. D ans tOutes les queilions , ou l'imagination·&

les fens n'ont rien

a

faiíir, l'e(prit s'évapore dans fes

propres pelúées. Tantel'ielées abíl:raites, elont il faut

rtunir & combiner les rapports, accablent la raifon;

leur fubtilité I'ébloiiit, leur étendue la diffipe, leur

m~lange

la confonel. L'ame, épuifée par [es réfle·

xions, retombe (m elle-m&me, & laiífe fes penfécs

flotter & fe [uivre fans regle, fans force & fans

díreilion : un homme profondément concentré en

lui-m~me

n'eíl: pas toujours le plus attentif. Com·

me nos [ens font une fource féconde Oll nous puifons

nos idées , il eíl: evident c¡ue les objets "(jui font les

plus propres

a

exercer nos [ens , font auffi les plus

propres

a

[outenir notre

allemion;

c'eíl: pour cela

que les Géomerres expriment , par des lignes lenfi–

bies, les proportions qui font ehtre les grandems

'lu'ils venlent coníidérer. En tra<;ant ces ligncs (ur le

papier, lis tracent, pour ainíi dire, elans leur efprit

les idées c¡ui y répondent ; ils [e les renelent plus fa–

milieres, parce 'lu'ils les [entent en

m~me

tems qu 'ils

les con<;oivent. La vérité, pour entrer dans notre

e(prit, a be(oin d'une 'efpece d'éclat. L'efprit ne

pem, s'il eíl: permis de parler ainíi, fixer [a TIle

vers elle, fi elle n'eíl: revetue ele couleurs fenftbles.

n

faut tellement tempérer l'éclat elont elle brille,

qu'il ne nous

arr~te

pas trop au fenfillle : mais qu'il

puiífe feulement foutenir notre efprit dans la contem–

plation eles vérités purement intelligibles.

Si quelqu'un cloutoit encore que les fens [oient

propres

a

foihenir &

a

fixer notre

auentioll

vers un

objet, j'appellerois

a

mon {ecollTs I't::xpérience.

En effet , qu'on fe reeueille elans le [uence & dans

l'obfCLrrité, le plus petit bruit ou la moinrue luenr

fu/lira ponr dlilraire , íi I'on eíl: frappé de l'un ou de

l'autre , au moment 'lu'on ne s'y attendoit point:

c'eíl: que les idées, dont on s'occupe , [e lient natu–

rellement avecla íituation old'on [e trouve;

&

'lu'en

conféquence les perceptions , c¡ui font contraírés

a

cene íituation, ne peuvent fUrVenir qu'auffi-tot

l'orrue des idées ne foit troublé. On pent remarquer

la meme chofe dans une /ilppofition toute ditférente :

íi, penelant le jour & au milieLl du bruit , je réflé–

chis fur un objet, c'en fera alfez pdur me donnerune'

elifuaEl-ion : que la lumiere ou le bmit ceífe tout-a–

coup , dans ce cas , comme dans le premier, les

nouvelles perceptions que j'éprouve [ont

tour-a

fait

contraires

iL

I'état

011

j'étois auparavant, l'impreffiort

fitbite 'luí ie fait en moi doit done encore interrom–

pre la (uite de mes ielées.

Cette

fec~nele

ell:périence fait voir qtle la lumie–

re & le bnut ne font pas un obíl:acle

a

l'aumtiOfl.

Je crois meme q}l'il né falldroit 'lue de l'habituele

pour en tiTeT de grands [ecours.

Il

n'y a proprerrfE!nt

'lu'7 les

rév.ol~

tions,

inopinées, qui

pui(f~nt

nOllS dlf.

trarre. Je d!s

znopmees

;

car quels que fpient les chan–

aemens qul [e font

BU

tour de nous s'ils n'ofITent rien

~

quoi

nous lIe devions nilturellen{ent nons auendre)

OOOOQ