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XXJV

DISCOURS PRELIMINAIRE

une fois reconnues pour fauífes, le peuple qui ne di[cerne rien , ne traitat de la

m~me

ma-

niere les vérités avec lefquelles on avolt voulu les confondre.

.

D'autres Théologiens de meilleure foi ,mais aufIi dangereux , (e joignoient a ces premiers

par d'autres motifs. Quoique la religion (oit uniquement defl:inée a régler nos mceurs

&

notre foi, ils la croyoient faite pour nous éclairer aufIi (ur le fyíl:eme du monde, c'eíl-i–

dire, fur ces matieres que le Tout- puiífant a expreífément abandonnées a nos di(putes.

lis n6 faifoient pas réflexion que les Llvres (acres

&

les Ouvrages desPeres, faits pour mon–

trer au peuple comme aux Philofophes ce qu'i! faut pratiquer

&

croire, ne devoient point

fur les queilions indifférentes parler un autre langage que le peuple. Cependant le defpo–

ti(me théologique ou le préjugé l'emporra. UnTribunal devenu puiifant dans le Midi de l'Eu–

rope, dans les lndes, dans le Nouveau Monde, mais que la Foi n'ordonne point de croire ,

ni la Charité d'approuver ,

&

dont laFrance n'a pu s'accoutumer encore a prononcer le nom

fans effroi , condamna un célebre Aíl:ronome pour avoir [outenu le mouvement de la Terre ,

&

le déelara hérétique; a peu-pres comme le Pape Zacharie avoit condamné quelques fiecles

auparavant un Eveque, pour n'avoir pas pen(é comme faint Auguíl:in (ur les Antipodes,

&

pour avoir deviné reur exiíl:ence fix cens ans avam que Chrillophe Colomb les découvrlt.

C'eíl: ainfi que l'abus de l'autOricé fpirituelle réunie a la temporelle

for~oit

la raifon au fi–

lence;

&

peu s'en faUut qu'on ne défendlt au genre humain de penfer.

Pendant que des adver[aires peu iníl:ruits ou mal imentionnés fai(oient ouvertement la

guerre a la Philo[ophie , elle

(~ r~fugi?i.t,

pour ainfi dire,' dans les Ouvrages

d~

quelques

grands hommes, qui, (ans aVOlr 1ambmon dangereu(e d arracher le bandeau des yeux de

leurs contemporains ,préparoient de loin

dar~s

l'ombre

&

le filence la lumiere dont lemonde

devoit etre éelairé peu-a-peu

&

par degrés ill(enfibles.

A la

t~te

de ces illuíl:res per[onnages doir etre placé l'immortel Chancelier d'Angleterre ,

FRANC¡OIS BACON, dont les Ouvrages fi juíl:ement efiimés ,

&

plus eíl:imés poureant qu'¡Jg

ne [om connus, méritent encore plus notre leEture que nos éloges. A confidérer les vues [ai–

nes

&

étendues de ce grand homme, la multinlde d'objets [ur le(quel (on e(prits'eíl: porté,

la hardieífe de (on íl:yle qui réunit par-tout les plus (ublimes images avec la préc.ifion la plus

rigoureu(e , on [eroit tenté de le regarder comme le plus grand , le plus univedel,

&

le plus

éloquent des Philofophes. Bacon, né dans le fein de la nuir la plus profonde, (entit que

la Philofophie n'étoit pas encore, quoique bien des gens fans doure (e flataifent d'y excel–

Jer; car plus un fiecJe efi grofIier , plus il fe croit iníl:ruit de tour ce qu'il peut (avoir. 11 com.

·menc¡a donc par envifager d'une vÍie générale les divers objers de toures les Sciences natu–

relles; il partagea ces Sciences en différentes branches, dont il fit l'énumération la plus exaél:e

qu'illui fur poHible : il examina ce que l'on favoÍt déja {in chacun de ces objers,

&

lit le ca–

talogue immen(e de ce qui reíl:oit a découvrir: c'eíl: le bm de (on admirable Ouvrage

de

la

dignué &de l'accroifJement des connoiffances 11IImaines.

Dans ron

nouveL organe des Sciences,

il

perfeélionne les vues qu'il avoit données dans le premier Ouvrage; illes porre plus loin ,

&

fait conno¡rre la néceffité de la Phyfi.que expérimentale, a laquelle on ne peníoir point en–

coreo Ennemi des fyíl:emes , il n'envifctge la Philoíophie que comme cette parrie de nos con–

noiifances, qui doit comribuer a nous rendre meilleurs ou plus heureux: il femble la bor–

ner

a

la Science des chofes miles,

&

recommande par-tour l'étude de la Nature. Ses autres

Ecrirs font formés fur le

m~me

plan; tout, jufqu'a leurs tirres, y annonce I'homme de gé.

nie, l'e(prit qui voit en grand. 11 y recueille des faits, il Y compare des expériences, il en

indique un grand nombre a faire; il invite les Savans a étudier

&

a

perfeétionner les Art ,

qu'il regarde comme la parrie la plus relevée

&

la plus eifemielIe de la Science humaine:

il expofe avec une fimplicité noble

fes conje8ures

&

jes

penJées

[ur les différens

objet~

dignes

d'intéreífer les hommes;

&

il eut pu dire, camme ce vieillard de Térence, que rien de ce

qui t.ouche l'humanité ne

l~i ~t~ir

étranger. Science

d~

la Na.ture, Marale, Politique ,G!co–

nomlque, tout (emble aVOlr ete du reílort de cer efpnt lumll1eux

&

profond;

&

l'on ne (air

ce qu'on doit le plus admirer, ou des richeífes qu'il répand [ur tous les (ujets qu'il traite, ou

de la dignité avec laqueIle il en parle. Ses Ecrits ne peuvem etre mieux comparés qu'a ceux

d'Hippacrate fur la Medecine;

&

ils ne [eroient ni moins admirés, ni moins lus,

íi

la cul":

ture de l'e(prit étoit auffi chere au genre humain que la con(ervation de la (anté.

Mai~

il n'ya

que les Chefs de feél:e en tout genre dont les Ouvrages puiífent avoir un certain éclat; Bacon

n'a pas été du nombre,

&

la forme de fa Philo(ophie s'y oppo(oit. Elle étoit trop (age pour

étonner per[onne; la Scholaíl:ique qui dominoit de (on tems , ne pouvoit erre

renverf(~e

que

par des opinions hardies

&

nouvelles;

&

il n'y a pas d'apparence qu'un Philo[ophe, qui fe

contente de dire aux hommes,

voild. le peu que vous ave{ appris, voici ce 'lui vous rejle

d.

cher–

cher,

foir defiiné

a

faire beaucoup de bruit parmi fes contemporains. Nous o[erions meme

faire quelque reproche au Chancelier Bacon d'avoir été pem-etre trop timide, fi nous ne

favions avec quelle retenue ,

&

pour ainfi. dire , avec quelle {ilperfl:ition, on doit juger un

génie